L'éphémère
Thème national du printemps des poètes

Quelques citations et textes d'auteurs

Nous ne sommes que les maillons éphémères d'une chaîne que traîne à ses pieds un fantôme nommé Temps qui court à l'infini droit sur le néant.
Les anges meurent de nos blessures - Yasmina Khadra
Un chef-d'œuvre peut être oublié par le temps, on peut l'interdire ou l'ensevelir, mais toujours ce qui est durable triomphe inévitablement de ce qui est éphémère.
Les très riches heures de l'humanité -
Stefan Zweig
Mais elle était du monde, où les plus belles choses
Ont le pire destin ;
Et rose elle a vécu ce que vivent les roses,
L'espace d'un matin.
Consolation à M. Du Périer -
François de Malherbe
Comment peut-on se prendre au sérieux quand l'existence est si éphémère et qu'elle ne cesse de courir vers sa fin ?
Le message - Andrée Chedid
Le bonheur ne chausse que les bottes du provisoire. Qui nous a certifié le contraire ? Dans une vie humaine, toujours est toujours éphémère.
L'élixir d'amour de Éric-Emmanuel Schmitt
Adieu à l’enfance
Adieu mes jours enfants, paradis éphémère !
Fleur que brûle déjà le regard du soleil,
Source dormeuse où rit une douce chimère,
Adieu ! L’aurore fuit. C’est l’instant du réveil !
J’ai cherché vainement à retenir tes ailes
Sur mon cœur qui battait, disant : « Voici le jour ! »
J’ai cherché vainement parmi mes jeux fidèles
A prolonger mon sort dans ton calme séjour ;
L’heure est sonnée, adieu mon printemps, fleur sauvage ;
Demain tant de bonheur sera le souvenir.
Adieu ! Voici l’été ; je redoute l’orage ;
Midi porte l’éclair, et midi va venir.
Ondine Valmore


Les couples éphémères
Regardez-les passer, ces couples éphémères !
Dans les bras l'un de l'autre enlacés un moment,
Tous, avant de mêler à jamais leurs poussières,
Font le même serment :
Toujours ! Un mot hardi que les cieux qui vieillissent
Avec étonnement entendent prononcer,
Et qu'osent répéter des lèvres qui pâlissent
Et qui vont se glacer.
Vous qui vivez si peu, pourquoi cette promesse
Qu'un élan d'espérance arrache à votre cœur,
Vain défi qu'au néant vous jetez, dans l'ivresse
D'un instant de bonheur ?
Amants, autour de vous une voix inflexible
Crie à tout ce qui naît : « Aime et meurs ici-bas ! »
La mort est implacable et le ciel insensible ;
Vous n'échapperez pas.
Eh bien ! puisqu'il le faut, sans trouble et sans murmure,
Forts de ce même amour dont vous vous enivrez
Et perdus dans le sein de l'immense Nature,
Aimez donc, et mourez !
Louise Ackerman

Chant d'automne
Bientôt nous plongerons dans les froides ténèbres ;
Adieu, vive clarté de nos étés trop courts !
J’entends déjà tomber avec des chocs funèbres
Le bois retentissant sur le pavé des cours.
Tout l’hiver va rentrer dans mon être : colère,
Haine, frissons, horreur, labeur dur et forcé,
Et, comme le soleil dans son enfer polaire,
Mon coeur ne sera plus qu’un bloc rouge et glacé.
J’écoute en frémissant chaque bûche qui tombe ;
L’échafaud qu’on bâtit n’a pas d’écho plus sourd.
Mon esprit est pareil à la tour qui succombe
Sous les coups du bélier infatigable et lourd.
Il me semble, bercé par ce choc monotone,
Qu’on cloue en grande hâte un cercueil quelque part.
Pour qui ? – C’était hier l’été ; voici l’automne !
Ce bruit mystérieux sonne comme un départ.
Charles Baudelaire Les Fleurs du mal

Mignonne, allons voir si la rose
A Cassandre
Mignonne, allons voir si la rose
Qui ce matin avoit desclose
Sa robe de pourpre au Soleil,
A point perdu ceste vesprée
Les plis de sa robe pourprée,
Et son teint au vostre pareil.
Las ! voyez comme en peu d'espace,
Mignonne, elle a dessus la place
Las ! las ses beautez laissé cheoir !
Ô vrayment marastre Nature,
Puis qu'une telle fleur ne dure
Que du matin jusques au soir !
Donc, si vous me croyez, mignonne,
Tandis que vostre âge fleuronne
En sa plus verte nouveauté,
Cueillez, cueillez vostre jeunesse :
Comme à ceste fleur la vieillesse
Fera ternir vostre beauté.
Pierre de Ronsard
Saisir l’instant
Saisir l’instant tel une fleur
Qu’on insère entre deux feuillets
Et rien n’existe avant après
Dans la suite infinie des heures.
Saisir l’instant.
Saisir l’instant. S’y réfugier.
Et s’en repaître. En rêver.
À cette épave s’accrocher.
Le mettre à l’éternel présent.
Saisir l’instant.
Saisir l’instant. Construire un monde.
Se répéter que lui seul compte
Et que le reste est complément.
S’en nourrir inlassablement.
Saisir l’instant.
Saisir l’instant tel un bouquet
Et de sa fraîcheur s’imprégner.
Et de ses couleurs se gaver.
Ah ! combien riche alors j’étais !
Saisir l’instant.
Saisir l’instant à peine né
Et le bercer comme un enfant.
A quel moment ai-je cessé ?
Pourquoi ne puis-je… ?
Esther Granek
Nos poèmes
Création ?
Qui peut pousser l’homme ou l’enfant
à construire sur le néant ?
L’enfant sait que la vague aura
raison de son château de sable
et pourtant il poursuit immuable
et lorsque l’eau arrive au ras
de son édifice, il trépigne
battant des mains devant la ruine,
que se passe-t-il dans son cœur ?
De même en est-il du sculpteur
Ciselant la glace en sachant
L’inanité de son talent,
Quand il suffira au soleil
De signer son arrêt mortel !
Le rêve est-il donc plus puissant
Qu’une négation passagère ?
La création sur l’éphémère ?
La beauté contre le néant ?

Le lion d’Arcachon.
Le lion qui dressait, sans rugir, sur la plage,
sa tête au grand soleil du ciel bleu d’Arcachon,
la crinière figée en un collier sauvage,
n’était en vérité qu’une contrefaçon.
Un sculpteur avait fait, plus tôt, de sable humide,
cette œuvre ressemblant au roi des animaux
venu se prélasser, de manière insolite,
au bord de l’océan où passaient des bateaux.
Combien de temps tiendra la statue éphémère
exigeant de l’artiste autant de vrai talent ?
Quand les flots monteront, la mer saura défaire
tout ce qui fut construit, d’un revers nonchalant !
Michel BARTHA May-sur-Orne, le 30 janvier 2022.

L’ART DE L’ÉPHÉMÈRE
Il s’active ardemment devant son bloc énorme
qu’il lui faut travailler selon son choix rêvé.
Qu’en sera-t-il alors ? Le roc prendra-t-il forme,
entaillé, buriné, car il faut innover ?
En sculpteur inspiré caressant en secret
le beau sujet conçu et auquel il aspire,
avec passion il creuse la matière sans regret.
Tenace, il la façonne, il la crée, la respire.
Moderne Praxitèle* à la tâche voué
l’artiste généreux, tendu se renouvelle :
Objet ? Ou visage connu, corps enlacés ?
Le mystère retenu peu à peu se révèle.
L’œuvre est faite, croit-on pour la postérité.
Son auteur désireux l’aime et lui donne vie.
On le loue, on l’admire avec grande équité
et parfois peut-être s’y mêle un peu d’envie.
L’ouvrage, au soleil, brille. Ainsi passent les jours.
Mais voici que survient - déroutante surprise –
la fonte de l’ensemble abrogeant les contours.
Toute l’œuvre s’estompe. Où donc est la méprise ?
C’est de l’art éphémère et des choses fugaces
requérant de l’auteur un grand détachement :
Il y mit tout son cœur sachant pertinemment
sa vraie destination : le bloc était de glace.
* Praxitèle : sculpteur de l’antiquité grecque
Jeanne FOUCHER Mars 2022



une course contre la mort
dans l'exercice d'une existence
un phalène dans le silence
aux électriques ailes denses
qui poursuit ses origines
une larme qui hésite
au bord de la paupière
qu'un rayon initie
à la vie exilée
la page qui se souvient
déjà tournée au pire
d'une leçon sans fondation
qu'un souffle qui se hâte
d'être ce qu'il ne peut qu'être
- et diviser l'air qu'il respire



Les vents de hasard
Rencontres éphémères
Marchant sur le pont Neuf, musardant au hasard,
Ami, si tu rencontres l’indésirable Bise,
Prends garde à ton chapeau, il peut, sans crier gare,
Voler comme un oiseau, quand l’espiègle le vise.
Ma Belle, si tu croises un vent nommé Zéphir,
Surveille le malin, car il se pourrait fort,
Qu’un beau jour, par surprise, sur le pont des Soupirs,
Ta charmante jupette tourne et vire de bord !
Un matin de printemps, devant le pont du Gard,
Je reconnus, soudain, le mistral impétueux,
Alors qu’il capturait, sans honte et sans égard,
Le joli ruban rouge, qui nouait mes cheveux !
Mais le pont Mirabeau m’offrit une autre scène :
Telle Mary Poppins, la dame s’envola,
Emportée par le vent, elle plongea dans la Seine,
Au bout du parapluie, et l’enfant rigola…

pour revenir du soleil
et qualifier ce visage
avant qu'il ne défie
le miroir qui s'entend
aux choses passagères
rêver plus qu'il ne faut
(baiser à l'avenir)
ne retenir ces rêves
que du bout de l'esquisse
des détails (de bris)
avant l'éternelle satiété
d'une image inconnue
pour peser ce discours
PHOTOGRAPHIE
Saisir le temps en un instant
Cette illusion, cet irréel
Quand sur l’instant instantané
Apparaît le reflet passé.
C’est un éphémère éternel
Imprimé sur papier glacé
Là, où les traits se sont figés
Pour un moment d’éternité.
Il suffirait de savoir lire
Pour remonter dans le passé,
Savoir cerner et discerner
Tout ce que cache un sourire.
Car si le passé transparaît
A la commissure des lèvres
En filigrane du portrait
L’impression saisie est trop brève.
Et pour garder l’instant rebelle,
L’instant vieilli à peine né,
Où ma mère fragile et belle
M’accompagnait sur ce cliché
Déjà la vie nous séparait.
Danièle MANOURY CAEN LE 29 OCTOBRE 2021


Jeunesse illusoire
Du matin jusqu’au soir
Aveuglée de leur miroir
Leurs pères et mères
Ont eu la même histoire
Vivez donc votre espoir
A votre cœur si cher
Et laissez « Nous » choir
Ingratitude éphémère
Avant le dernier soir
J’aime
Les éternités passagères
Les instants suspendus
Les secondes parfaites
Les poignées d’hirondelles
Jetées contre le bleu du ciel
J’aime
La fragilité de l’écume
Sur les sables trop noirs
Et la respiration de la mer
Comme une ancienne voix
Que l’on m’aurait offerte en héritage
J’aime
Les cicatrices sur les pierres
Et le froissement des arbres
Quand ils embrasent les nuages
J’aime le creux tiède des mains
Sur la dentelle du crépuscule
J’aime
Les mots en attente
Les respirations suspendues au mitan de la phrase
La beauté simple des gestes
Quand ils se croisent
Quand ils s’accordent
Compagnons d’un exil à la couleur de miel
J’aime la pluie
Sur le papier de mes rêves
Et le doigt sur la bouche
Pour le doux silence d’un ange.

Rencontre
éphémère ...
- poème en prose -
Mon bus descend vers la ville
tranquillement.
Comme un vieux cheval de trait,
il connaît son chemin...
La ville est calme à cette heure !
Par la vitre empoussiérée
J'aperçois soudain une femme à vélo...
Rapidement, elle passe.
Et je me prends à rêver !
D'où vient-elle ? Que fait-elle ?
Quelles sont ses joies, ses peines ?
A-t-elle une famille ?
Que pense-t-elle de la Vie ?
Mais au fait,
je n'ai pas vu son visage !...
Je ne saurais jamais la reconnaître !
Tristement je réalise :
qu'elles sont bien faibles les chances
de nous croiser à nouveau !
Rencontre éphémère !...
Et combien …
à chaque instant,
dans le monde entier ?
Julie - mars 2022
Une chanson éphémère
Vole la ritournelle
D’un avion sans ailes,
Murmure une mélodie
À mon cœur aussi.
S’enlace et se prélasse,
Se lasse et s’efface,
Cette douce chanson
Taquine et sans nom
Fredonnée sans cesse,
Petite diablesse,
S’enfuit, s’oublie puis revient
Pour disparaître enfin
Dans les plis secrets
D’un esprit inquiet
Qui traque ce drôle d’air
Et chasse l’éphémère.


L’île éphémère
Au début de juillet mil huit cent trente et un
Il advint qu’Empédocle, un volcan sous-marin
Entra en éruption dans la mer de Sicile
Et la lave en fusion fit apparaître une île.
Ce rougeâtre récif dont accoucha la mer
Semblait par sa couleur émerger de l’enfer.
Mais l’îlot minuscule et pourtant stratégique
Perturba quelque temps le jeu diplomatique.
La Sicile d’abord y planta son drapeau
Mais des pays voisins, jaloux de ce dépôt,
Tels le Royaume Uni, l’Espagne ou bien la France
De l’île convoitée exigeaient la jouissance.
Et chacun, tour à tour, planta son étendard,
Ôtant le précédent sans respect ni égard.
Mais quelques mois plus tard, érodée par les lames,
L’île n’exista plus, ce qui mit fin aux drames.
On lui donna le nom de Ferdinandea
Pour honorer le roi, puis Graham, ou Julia.
Jules Verne et Dumas en contèrent l’histoire,
Et l’île disparue resta dans les mémoires.

Daniel Claude Collin / mars 2022
UN SOURIRE BRILLANT
Un bambin tout sourire
Œil et canine brillant
Dans l'azur du plaisir
D'un amour revigorant
Être père c'est agir
Aimer en le protégeant
De bien-être un soupir
Fit-il en s'endormant
Tenter de l’écrire
Et profiter de l’instant
Le meilleur est à venir
Sur le fil du roman


le miroir à l'envers nie le reflet
la nuit enfle l'orgueil
- ce fil qui retient le réel
et la vie qui gonfle d'existence
et de sève patiente dès l'aurore
aux desseins lunatiques s'évitant
un destin trop rapide- esquisse
qui s'évade de la mémoire
ô psyché définitive
la nuit n'est pas encor en fuite
que la lune veille sur le rythme
de ces paupières battant la mesure
d'une vision ahurie et secrète
qui fait frissonner le hasard
- un portrait gris sur le mur
fait reculer la distance
Sourire
L’éphémère est le sourire
Qui se pose sur la fleur
Léger comme le bonheur,
Délicat comme un pistil,
Généreux, tendre et subtil
L’éphémère est le sourire
Qui mène jusqu’à ton cœur


derrière la brume- le regard
les gouttes dispersent le silence
déjà les yeux apparaissant
suffisent à la gaieté
c'est le drame de l'hiver
qui butine le temps
comme une abeille approximative
- retours et distances
après la pluie l'absence
puis du regard qui résiste
une larme s'évapore
jusqu'à l'horizon intime
la course d'un piéton qui tremble
comme une ombre en équilibre
entre l'instant et sa faillite
dans le doute d'un fruit
sur une note furtive
traçant sa ligne
UN CERTAIN JEAN- BAPTISTE
De la scène éphémère à l’immortalité
Il sut mieux que personne, éclairer notre esprit,
Jean- Baptiste Poquelin, étonnant saltimbanque !
Depuis quatre cents ans, sa verve et son génie
Résonnent encore si fort que toujours, il nous manque.
Il naquit à Paris ; Pézenas l’honora,
Peintre de l’âme humaine et Prince des tréteaux !
Théâtres voyageurs, l’empreinte de vos pas,
Dans l’espace et le temps, épouse celle des mots…
Séduisant notre oreille, pour nous ouvrir les yeux,
Il écrivait la vie et chacun découvrait
Sur la scène éphémère, des portraits audacieux,
Comme un miroir tendu, criant de vérité !
Conjuguant le courage et l’opiniâtreté,
Au milieu de sa troupe à nulle autre pareille,
Il décryptait le monde, d’un regard avisé,
Triomphant à Versailles, auprès du roi Soleil…
Précieuses ridicules, Médecin malgré lui,
Un Bourgeois gentilhomme, un Tartuffe, un Avare,
Quelques Femmes savantes, L’école des maris,
Fâcheux et Misanthrope qui s’affichent sans fard…
Adages pertinents de sa libre pensée,
Malade imaginaire, Fourberies de Scapin,
Les amants magnifiques, révélant leurs secrets…
La liste serait longue et le talent divin !
Lorsque, Monsieur Molière, vous traversez les âges,
Votre œuvre n’a d’égale que la modernité…
Dignement, aujourd’hui, saurons-nous être sages,
Pour qu’au Panthéon brille votre immortalité?
A Molière (Jean-Baptiste Poquelin : 15 Janvier 1622- 17 Février 1673)


L’éphéméride.
Que ça te gène ou tu le veuilles,
le calendrier sur le mur,
l’une après l’autre, perd ses feuilles
s’acheminant vers un futur.
Le temps, selon l’éphéméride,
s’égraine inexorablement,
page après page, pleine ou vide,
emportée où le veut le vent.
Chargés de cent projets naguère,
papiers juste bons pour le feu,
ils jonchent, indolents, la terre,
tels des confettis sans aveu.
Qu’as-tu fait de ton existence
qui veillait seule à ton chevet ?
Le vin qui reste a le goût rance
dans ton calice inachevé !
May-sur-Orne, le 29 janvier 2022.
L'éphéméride ?
ou le temps qui passe...
Déjà ! se dit l'ancien ado
Arrivant à soixante-dix ans,
Je n'ai pas vu passer le temps
Où sont partis mes idéaux ?
Les années se sont écoulées
Gardant le nez sur le guidon.
Je crains d'avoir tourné en rond
Laissant des trésors de côté...
Pourrais-je encor' me rattraper ?
Et vivre enfin réellement,
En profitant de mon présent,
De tout ce qui m'est destiné ?
oOo
Le passé reste le passé
On ne peut le récupérer.
Alors croquons à belles dents
La vie de nos quatre-vingts ans !..
---------
Julie - mars 2022


PUTAIN
Depuis tôt ce matin
Sur le dos d’un mâtin
L’éphémère volait
Et parfois se posait.
Putain !
Après un coup de frein
Et un bon coup de rein
Le mâtin s’arrêta
Et le catapulta.
Putain !
Dans la soupe à l’oignon
L’éphémère mignon
Rencontra son destin
Pour lui, ce fut la fin.
Putain !
Danièle MANOURY CAEN LE 19 JUIN 2021
À L’ÉPHÉMÈRE
Bestiole insignifiante
légère, transparente
emportée par le vent,
bousculée par l’autan,
si fine, si petite
que l’on te discrédite,
quel est donc ton statut
ton destin in situ ?
Amoureux des eaux douces
là où les herbes poussent,
tu t’actives pour quoi ?
Conçois-tu quelque choix ?
Sais-tu que ta vie brève
en un seul jour s’achève ?
Et que pour toi le temps
ne sera que latent.
Énigme d’une vie
qui ne peut faire envie
vu sa brièveté
son inutilité.
Mais qui sait ? Tu existes
peut-être simpliste
mais pour quelle raison ?
Que nous dit ta chanson ?
Qui à toi s’intéresse
pour que tu apparaisses,
aliment pour oiseau
ou quelque vermisseau,
créature minime
à la présence infime.
Respectons le mystère
de qui est éphémère.
Jeanne FOUCHER Mars 2022



L’éphémère
conscience d'un instant
d'un éphémère bonheur
qui ne peut être parfait
tout est éphémère
quitte à se tromper
de croire à tout jamais
aussitôt goûtées
heures éphémères
d’un autre temps
tout au long des ans
s’égrène le bonheur
d'un vécu éphémère
conscience d’un instant
d'un monde imparfait
aussi changeant
qu’éphémère
toutes ces heures on les prend
comme des signes de bonheur
quand bien même, éphémères.
Je t’arabesque
Je t’encoquille
Je te compose
te recompose
en lettres cursives sur une plage blanche
du bout des doigts
un tracé doux comme la soie
Je t’ellipse
Je te danse
Je te gribouille pour te faire rire
Et puis j’efface
Je recommence
Je te vertige
et je t’envole sur l’aube bleue
Je te murmure
Je te jasmine
Je t’asphodèle
Je t’ensable
et puis je signe
d’un trait de plume à l’encre noire
étrange logogramme
qui nous résume
qui nous contient
puis qui s’efface…


Éphémère
(acrostiche)
Et la surprise est au jardin
Poudré de neige ce matin !
Haies et rosiers, au bout des branches,
Exhibent leurs mitaines blanches ;
Même le thuya compassé
Est tout fier d’être damassé.
Reste la mésange blottie
Espérant seule une éclaircie.
PARADISIAQUES CONFIDENCES …
Un flacon de parfum séduit par une rose,
S’en approche, soudain, lui dit de tendres choses…
La fleur fait une pause, puis, elle dit son nom :
« Je m’appelle la Rose et je viens du Japon...
Comme j’aimerais vivre, en votre écrin de verre,
Et savoir que j’enivre, ainsi, la terre entière !
Si mon corps est gracile, le temps est assassin,
Ma fragrance subtile s’évanouira demain.
Est-il un Paradis, pour que toujours j’existe?
Ephémère je suis, voilà ce qui m’attriste. »
Alors, s’approchant d’elle, avec délicatesse,
Le galant lui révèle une digne promesse:
« Venez sous d’autres cieux, à Grasse au mois de mai,
Un Eden merveilleux qui saura vous charmer.
Jasmin et Camélias, de prestigieuses fleurs,
Noble Centifolia apaiseront vos peurs. »
«Oui mais, d’où viennent-elles ? » dit l’aimable ingénue.
« Cette flore est si belle que je me sens perdue ! »
La Rose de velours éblouit le flacon
Dont quelques mots d’amour échappent à sa raison :
« Des quatre coins du monde, ou ici, par milliers,
Et leurs arômes inondent la Méditerranée …
Que vous veniez d’Espagne, de France ou bien de Chine,
Les nez vous accompagnent, vous hument et vous butinent…
Honorant l’un des sens, ils chérissent toujours
Sans quête d’indécence, vos insignes atours.
Je vous convie au bal de la sensualité ;
En mon corps de cristal, vous pourrez enlacer
Les essences fleuries, les notes épicées
Et leur valse jolie viendra vous exalter !
Alors, votre parfum vivra à tout jamais,
Pour nous offrir, enfin, la grâce et la beauté. »

Cueillez dès aujourd’hui…
« Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie. »
Tel fut le bon conseil du poète averti.
Vous qui l’avez suivi êtes épanouie
malgré la mort qui veille et la peur de l’oubli.
Vous étiez jeune et belle et pleine de confiance.
L’amour vous a saisie au plus beau de vos jours.
Avec votre bon zèle, vous sûtes sans défiance
devenir son amie, lui qui vous fit la cour.
Vous fûtes bonne amante en tout point admirable.
Votre tendre baiser enchanta votre amant.
Et votre voix charmante au grain inégalable
sut toujours l’envoûter infatigablement.
L’âge est venu sans bruit comme un léger souci.
Vous resterez ce soir avec vos souvenirs.
Plus rien ne vous ennuie aux confins de la vie.
Comme aurait dit Ronsard, aimer c’est rajeunir !
Marc REBENA L’essence des jours 2011

Haïkus
La rose éphémère
Pleure l’amour déposé
Au creux de son cœur.

Tes jours sont comptés
Libellule de l‘été,
Il est temps d’aimer

L’hirondelle
A la coupe d’un lys l’hirondelle vient boire,
Se posant doucement sur le frêle perchoir,
Elle incline la tête, savourant la rosée,
Que les fées du matin sont venues déposer.
Le col est incliné sous le poids du fardeau
Et offre avec candeur son ciboire à l’oiseau,
Les pattes délicates ne blessent pas la fleur
Comme le noir manteau accentue sa Blancheur.
En ce moment béni, savourons le délice,
De ce charmant tableau, qui doucement s’éclipse,
Dans le matin naissant, un doux bruissement d’ailes,
A peine perceptible, à fait fuir l’hirondelle.
Françoise ANDRE
L’éphémère c’est
L’image dans le miroir
Où ne reste rien.



Où sont-ils donc nos bancs d'école
Où sont-ils donc nos bancs d'école
Et nos tabliers à carreaux,
Quand nous apprenions l'espagnol
En ne rajoutant que des O
C'était le temps des farandoles
Des courses folles dans les champs,
On se battait pour nos idoles,
Mais ce n'était jamais méchant.
Et on s'échangeait nos secrets
Arsenics et vieilles dentelles
Mais on restait toujours discrets,
Si l’on était à la chapelle.
Nos boucles d'oreille en cerise
Amusaient beaucoup les garçons
On se prenait pour des marquises
Confectionnant de longs jupons,
Avec du papier d'emballage,
Et on mettait sur nos corsages
La bruyère et le liseron.
Où sont-ils donc nos bancs d'école
Et nos tabliers à carreaux
Les blés mûrs et les herbes folles
Qui nous menaient jusqu'au ruisseau.
Il paraît si loin ce temps-là,
Le temps, où on lisait Zola.
Françoise ANDRE
et pour finir, un texte en prose :
Je voudrais être cet instant, ce moment où le passé devient le présent devenant ensuite le futur. Un pas vers le passé et j’oublie le futur et le présent ; un pas vers le futur et la mémoire est ravivée. Cet instant éphémère à jamais continuel, cette fusion de molécules mémorielles, ce cerveau du Temps qui me projette dans le futur en faisant en sorte que le passé ne s’oublie pas.
Oui, être cet espace-temps universel où la première mémoire, ce cerveau, cet instinct, commun à tout les êtres vivants qu’ils soient volants, rampants, nageants, qu’ils soient mobiles ou immobiles, matériels ou immatériels. Cet être invisible est tellement visible, telle une substance de tout et de rien.
Non, pas une machine, pas une mémoire d’ordinateur.
Juste le moment de la conception, de la création, ce big-bang fusionnel, ce feu d’artifice.
- Clic-clac ! Faisait le criquet que tenait dans ses doigts le soldat américain.
- Clic-clac ! fut la réponse du fusil que le soldat allemand armait.
Ce « clic-clac » perdu au fin fond des bois a trouvé une réponse. Le soldat américain, en se dirigeant vers son camarade qui lui avait donné le signe de reconnaissance, a compris sa méprise en voyant l’uniforme ennemi devant lui.
Pas le temps de reprendre sa respiration, pas le temps de faire luire la peur dans le regard qu’une balle entra dans son front, le trouant de part et d’autre, sans une éclaboussure. Une mort nette, rapide qui n’a laissé aucune chance à la vie mais que la mort attendait avec patience.
As-tu eu le temps, cher soldat qui donna ta vie à une juste cause, de voir la mort en face ? T’a-t-elle laissé le temps du souvenir ?
Car moi, je voudrais me souvenir de ce Temps tellement rapide que le Temps des Hommes ne peut le calculer, cet instant où les trois temps se mêlent pour ne laisser la place qu’au futur. Car à ce moment-là, à l’instant du basculement, le passé et le présent n’existent plus. Le no mans land temporel.
Mais non, je ne veux pas être une balle donnant la mort ni me faire mourir pour connaitre ce moment ni être la faucheuse. Non ! Qui sait si cette idée n’est pas une future déception.
© Krystin Vesterälen – 2 novembre 2014
