L'art


Une œuvre d’art existe en tant que telle à partir du moment où elle est regardée.
Nicos Hadjinicolaou
Qui donc a dit que le dessin est l'écriture de la forme ? La vérité est que l'art doit être l'écriture de la vie. " Édouard Manet
" Il est bien vrai que la beauté de la science et de l'art est consolatrice. "Jean Jaurès
C’est épatant, les artistes. Ils sont fous, comme tout le monde, mais pas vraiment comme tout le monde. J’ai un faible pour eux. Françoise Giroud
" L'art ne nous attire que parce qu'il révèle notre moi le plus secret. " Jean-Luc Godard
Ce qui importe par-dessus tout dans une œuvre d’art, c’est la profondeur vitale de laquelle elle a pu jaillir. James Joyce
Quelques textes d'auteurs
La beauté
Je suis belle, ô mortels ! comme un rêve de pierre,
Et mon sein, où chacun s'est meurtri tour à tour,
Est fait pour inspirer au poète un amour
Éternel et muet ainsi que la matière.
Je trône dans l'azur comme un sphinx incompris ;
J'unis un cœur de neige à la blancheur des cygnes ;
Je hais le mouvement qui déplace les lignes,
Et jamais je ne pleure et jamais je ne ris.
Les poètes, devant mes grandes attitudes,
Que j'ai l'air d'emprunter aux plus fiers monuments,
Consumeront leurs jours en d'austères études ;
Car j'ai, pour fasciner ces dociles amants,
De purs miroirs qui font toutes choses plus belles :
Mes yeux, mes larges yeux aux clartés éternelles !
Charles BAUDELAIRE 1821 - 1867
Fantaisie
Il est un air pour qui je donnerais
Tout Rossini, tout Mozart et tout Weber,
Un air très vieux, languissant et funèbre,
Qui pour moi seul a des charmes secrets.
Or, chaque fois que je viens à l’entendre,
De deux cents ans mon âme rajeunit :
C’est sous Louis treize ; et je crois voir s’étendre
Un coteau vert, que le couchant jaunit,
Puis un château de brique à coins de pierre,
Aux vitraux teints de rougeâtres couleurs,
Ceint de grands parcs, avec une rivière
Baignant ses pieds, qui coule entre des fleurs ;
Puis une dame, à sa haute fenêtre,
Blonde aux yeux noirs, en ses habits anciens,
Que, dans une autre existence peut-être,
J’ai déjà vue… – et dont je me souviens !
Gérard de Nerval
L’art
Oui, l’œuvre sort plus belle
D’une forme au travail
Rebelle,
Vers, marbre, onyx, émail.
Point de contraintes fausses !
Mais que pour marcher droit
Tu chausses,
Muse, un cothurne étroit.
Fi du rythme commode,
Comme un soulier trop grand,
Du mode
Que tout pied quitte et prend !
Statuaire, repousse
L’argile que pétrit
Le pouce,
Quand flotte ailleurs l’esprit ;
Lutte avec le carrare,
Avec le paros dur
Et rare,
Gardiens du contour pur ;
Emprunte à Syracuse
Son bronze où fermement
S’accuse
Le trait fier et charmant ;
D’une main délicate
Poursuis dans un filon
D’agate
Le profil d’Apollon.
Peintre, fuis l’aquarelle,
Et fixe la couleur
Trop frêle
Au four de l’émailleur.
.../...
Les dieux eux-mêmes meurent
Mais les vers souverains
Demeurent
Plus forts que les airains.
Sculpte, lime, cisèle ;
Que ton rêve flottant
Se scelle
Dans le bloc résistant !
Théophile Gautier
Antoine Watteau
Crépuscule grimant les arbres et les faces,
Avec son manteau bleu, sous son masque incertain ;
Poussière de baisers autour des bouches lasses…
Le vague devient tendre, et le tout près, lointain.
La mascarade, autre lointain mélancolique,
Fait le geste d’aimer plus faux, triste et charmant.
Caprice de poète – ou prudence d’amant,
L’amour ayant besoin d’être orné savamment –
Voici barques, goûters, silences et musique.
Marcel Proust, Les Plaisirs et les Jours, Portraits de peintres et de musiciens 1896
Beaubourg
Un grand chatoiement simple, où bulles et musiques
Se mêlent à l’instinct d’une brève seconde.
Vibrant dans l’air uni par leur magie féconde
Les corps sont revêtus de rondeurs amnésiques.
Les pigeons noirs et blancs sont comme autant de poules
Qui piochent le pavé par leur preste cadence,
Quand un éclat de rire, en cette rumeur saoule,
Donne corps à l’envol qui respire et qui danse.
Paris est un poème où Beaubourg est la chute ;
Sa place est sur ma feuille – n’en déplaise à la butte !
Quand ma peine inlassable embrumera mes dires,
Je me libèrerai, loin des grands rejets tristes,
Assis sur l’Esplanade où viendra m’étourdir
Le résonnement sourd de mille pieds artistes !
Thibault Desbordes
Écrit sur le parvis du centre culturel Georges Pompidou.
À Nicolas Dax.
Nos poèmes
VITRAIL
Flamboyantes couleurs et audacieux travail,
Illustre savoir-faire, sublime apothéose,
Lumières sublimées à travers le vitrail,
Révèlent le talent d’une équipe virtuose !
Gloire au maître verrier et à ses ouvriers,
Œuvrant dans l’atelier, pour offrir à nos yeux,
L’expression d’un métier qu’ils veulent protéger,
Témoignant d’un grand Art, brillant de mille feux !
Plus qu’un bouquet d’étoiles ou un feu d’artifice,
Votre génie m’enflamme autant que votre ardeur!
Ouvrage délicat et chatoyants délices,
Un coup de foudre, alors, frappe soudain mon cœur …
Caressant d’un éclat les teintes les plus pâles,
Dans ce jeu de miroirs, le soleil se reflète.
Grandiose et majestueux cachet des cathédrales,
Le vitrail a conquis les peintres et poètes…
Chagall*, Lalique* et Braque* lui ont donné la vie,
José de Hérédia lui fit un bel honneur.
« La rose du vitrail toujours épanouie »
A inspiré mes rimes et flatté mes couleurs…
Voilà l’instant précieux; je rêve de voyage,
En songeant à Matisse* et aux vitraux de Vence.
Mon âme s’enrichit de splendides images,
Où Hélios* exalté nous dévoile sa danse…
*Lalique : Vitraux de l’église de « La Vierge fidèle » à Douvres La Délivrande 14 440
Matisse : Vitraux de la chapelle de Vence 06 140
Braque : Vitrail de l’église de Varengeville sur mer 76 119
Chagall : Vitraux de la cathédrale de Reims 51 100
*José Maria de Hérédia, (1842- 1905 - Poème : VITRAIL)
* Hélios : Dieu du soleil en mythologie grecque


Camille Claudel
Sauvage, superbe, étrange,
Embrasée d’âme et de sens,
Elle bouscule et dérange
Tant le marbre que l’encens.
De sa main puissante et souple,
Pétrissant à pleine chair,
Poussant l’art à bout de souffle,
Elle crée ciel et enfer.
Chaque once, chaque parcelle
De son corps mû en flambeau,
Jaillit, brûle, la révèle
Sous la ripe ou le ciseau.
Explose alors à plein tour
La glaise hurlante de foi
Par le geste qui lui sourd
Unique dans chaque doigt.
Passion ! Sublime magie,
Tout est vain hormis l’amour
Qui fait que l’on vit sa vie
Ou qu’on la meurt chaque jour.
… Mais déjà s’ancre la ronce,
S’épinent partout les maux
Où sans retour elle enfonce
Sous d’autres feux, d’autres eaux…
Trente ans pour dette de joie !
Mais à qui la devait-elle ?
Le génie lui ouvrit l’aile,
L’amour la lui déroba.
(Extrait de Florilège)
Nuances
Quand je prends le pinceau
Qu’il glisse sur mes toiles,
Comme dans un vaisseau
Je suis près des étoiles.
« A noir, U vert, E blanc »
Par ces vers si nouveaux
Le poète voyant
Savait bien que les mots
Ont des âmes vivantes
Comme des papillons
Aux ailes chatoyantes,
Surprenante intuition !
Et dans cette aventure,
Mais je n’invente rien
Poésie et peinture
S’harmonisent fort bien.
Je choisirai peut-être
Pour m’amuser un brin
Un léger hexamètre,
Un bel alexandrin.
Ecrire avec délice
Quelques vers réguliers
Rimer avec malice,
Les mots sont mes alliés.
Sur cette partition
Qui, chaque fois, m’enchante
La joie ou l’émotion
Sera toujours présente.
Je prends jour après jour
Le papier et la plume
Pour célébrer l’amour
Ou chasser l’amertume.





CINEMA
Au cœur des arts régnait la star
Qui avait reçu un Oscar,
L’avait rangé dans un placard
Tant elle l’avait trouvé ringard.
De l’intérieur du piano-bar
S’élevait un air pleurnichard.
Le pianiste n’était pas bavard
En secret, il aimait la star.
Comme il n’était pas snobinard
La trouvait belle sans ses fards
Comme une fleur de nénuphar
Il lui proposa un rancard.
La musique battit son quart
Et palpita comme un pulsar
Un cœur qui s’arrête et repart,
Cœur qui a peur d’être en retard.
Au cœur des arts régnait la star
Et son pianiste du nom d’Oscar
Ils envoyèrent des faire-part
Leur amour devint superstar.
Danièle MANOURY CAEN LE 8 FEVRIER 2014
L'art ?
Devant ce tableau de Rubens
Je me devais de m'extasier.
Le professeur l'a signifié :
C'est de l'Art !
Je veux bien l'appeler ainsi,
Mais suis-je obligée de l'aimer ?
J'ai vu au regard courroucé
Que l'art, c'est l'Art !
Depuis ce jour, à mon insu,
L'Art ne m'a plus intéressée.
Je ne sais qui a décidé
Ce qui est "Art" ou ne l'est pas ?
oOo
Ne pleurez pas trop, bonnes gens !
Je sais aussi apprécier
Bien d'autres qui savent créer
Dans l'anonymat d'ateliers :
Ceux qu'on appelle des "artisans".
Julie - avril 2021



de l'art avant le vide
d'un précipice hors- champ
un long travelling que hante
ce sourire d'actrice
magnifié par l'absence
d'une réplique en règle
le regard face au silence
si l’œil objectif estime
le dernier hasard d'une ombre
à ces lèvres belles de mentir
sous- titrées de folies
se versant en gros- plan
un aspect au clap de fin
d'immenses déserts
captant la lumière
et douce d'un baiser ou d'un tir
la suite- errante- d'une étoile
brillant- et chute de sens
Les arts premiers.
Le masque noir qui me regarde
d’un pan de mur a les yeux creux.
Il n’est pas œuvre d’avant-garde
et fut conçu sous d’autres cieux.
Taillé d’un bout de bois d’ébène
au fond d’un lointain continent
par l’art premier aborigène,
il me contemple maintenant.
Quel esprit habitait l’artiste
guidant ses mains pour parvenir
à donner forme à son dieu triste
avec un apparent désir ?
Un sentiment de peur, peut-être,
ressenti devant l’inconnu,
habitait alors tout son être
sous le charme d’un sorcier nu…
Toujours est-t-il que statuettes
ou masques ne nous font plus peur :
des matheux, comme des poètes
en parent leur intérieur !
May-sur-Orne, le 15 février 2021.


A Charles Baudelaire
Ô toi cher Baudelaire, auteur des Fleurs du mal,
Tu semblas inspiré par un rêve éternel
Où se mêlent parfums et caprices cruels.
Ton souffle voluptueux nous semble destinal.
Méprisas-tu le spleen et sa tristesse amère ?
Ce mal guida ta Vie vers la joie éphémère
Qui éclate en tes vers vibrants et capiteux
Comme une boisson forte où un vin liquoreux.
Tu captas la Beauté en dandy mémorable,
Ignorant les lubies des hommes ordinaires.
Un ciel immaculé fut pour toi admirable,
Plus qu’un rire léger ou un rythme ternaire.
Par ton regard profond comme une sombre nuit,
Tu sais nous emmener vers le secret fatal
Des êtres souverains pleins de splendide ennui
Chez qui le doux sourire est miracle intégral.
La transe dansée
(d’après le Boléro de Ravel)
Que de mouvements rythmés au son d’une musique entrainante. Syncopée divinatoire menant droit à l’esprit des dieux. L’essence s’échappe, s’envole Sur la terre immatérielle va rejoindre les airs. Les gestes deviennent aussi réels qu’un rêve. La nudité ? Le costume de l’augure ou de scène ! Le mouvement du corps qui élève l’âme. Ne soyons pas gêné de regarder ces enveloppes charnelles. Le tabou est en soi, pas en eux. Le chemin de la liberté et de la tolérance est là. L’enveloppe humaine est similaire à celle d’un autre Seul l’esprit diffère de celui des autres.
© Krystin Vesterälen – le 3 avril 2021



Pour faire un Art Dadaïste
Pour faire un Art Dadaïste
A la manière de Tristan Tzara,
Mélangez argile, cuivre et schiste,
Prenez un large coutelas,
Tranchez un morceau du tout
Que vous modelez avec vigueur
Mettez-y des coups,
De la passion et du cœur.
Aplatissez ensuite l’objet avec soin,
Découpez de petites amphores,
Mettez-les dans un moule d’airain.
Ajoutez poudre d’argent et paillettes d’or.
Enfournez dans un four bien chaud
Laissez fusionner l’agrégat,
Arrosez d’amour, de sueur et d’eau.
La sculpture vous ressemblera.
Et voilà un ART parfaitement non alimentaire
D’une créativité originale,
Encore qu’incomprise du vulgaire,
Sur notre terre hexagonale !



RENDEZ-VOUS
À tantôt sur le pont des Arts ?
Surtout, ne sois pas en retard !
Nous y rencontrerons peut-être
Van Gogh, tendu en son mal-être,
ou bien, de Milo, la Vénus
en manque de ses bras perdus.
Euterpe*, unie à Terpsichore**
y flâneront peut-être encore
cependant que l’ardent Penseur,
de Rodin, dira la rigueur.
Les ballerines de Degas
pourront y croiser … La Callas
tandis que Charlot, fantaisiste,
se fera ou rieur ou triste.
Et, croisant Prévert … ou Ronsard,
puissions-nous goûter du Mozart !
Jeanne FOUCHER avril 2021
* EUTERPE, muse de la musique
** TERPSICHORE, muse de la danse





ART
L'art est partout, complété ( « art de » ) ou qualifié
Art – chéoptérix, le plus ancien, avant même celui des grottes et des parois que l'on dit pariétal
Art - tillerie, celui des projections et des éclatements sanglants qui font le buzz des Unes
Art – quebuse, sous-espèce obsolète du précédent
Art – bitre, celui des élégances était déjà connu dans l'Antiquité
Art – témis, porté sur la chasse et sa muse cynégétique
Art – tichaut, ornement des serres et des potagers, ravissement des bobos-bio.
Art – thrite, celui de l'empêchement des vieux
Art – senic, redoutable et parfois empoisonnant, surtout dans les romans policiers un peu désuets
Art – chimède, réputé pour soulever les baigneurs
Art – tifice, ressort des fake-news et du politicien, sans oublier la mode
Art – pagon, qui fonctionne à l'économie et lésine sur les moyens, art minimum
Art – amis, celui de Dumas père
Art – tampion, celui de n'importe qui, du premier venu, un peu « main stream »
Art – abesque, tout en courbes et sinuosités, quelque peu serpentin
Art – agon, celui d'un sinistrogyre doué mais impénitent
Art – thurrimbaud, celui d'un jeune génie poétique perdu dans des trafics exotiques
Art – cimboldo, des pommes, des poires...mais pas de scoubidous !
Art – total, combustible et fossile
Daniel-Claude Collin/avril 2021



ARC- en- FLEURS.
Ta palette n’y suffirait pas
Pour étirer cet arc-en-fleur
Ces jaunes en joie duplicata,
Tant de couleurs !
Des grappes de cytise en stalactites d’or
Caressent les soleils, les tulipes et trolles,
Des narcisses odorent,
Des primevères étoilent leurs corolles.


Et des calcéolaires, on glisse vers l’orange,
En gaillardes et immortelles,
En gazanias et ravenelles
Jusqu’à ces bleus étranges
Des lins, verveines et nigelles,
Campanules et ipomées d’un soir.
Dans l’eau de ma mémoire
S’abreuvent les tiges de fleurs,
S’enlacent les couleurs.
Pensées, violettes. Mélancolie.
Iris, érigerons et ancolies.
Mon cœur saigne du rouge de la rose,
En gouttes de fuchsias, des verveines et des sauges.
Les papillons s’y lovent, couleurs contre couleurs.
S’enlacent les odeurs, en profondeur,
Décollent en nous des souvenirs enfouis,
A la recherche du bonheur enfui.
Jocelyne Corbel La Vie d'ArTriste
AUX ARTS ! MES CITOYENS !
Chaque siècle nous lègue l’empreinte de son âge,
Quand l’Art se fait l’écho des pages de l’Histoire…
Aragon, Jean Renoir, humanistes, s’engagent ;
La force de nos mots célèbrera leur gloire.
Senghor, Aimé Césaire, en de nobles pensées,
Honorent la négritude, au sein d’un cataclysme.
D’un combat sans relâche, d’un élan partagé,
Leurs plumes poétiques affrontent le racisme.
Nés un jour quelque part, imposons le respect !
Croyons en notre source, ne la tarissons pas.
La force de nos chants vaincra la cruauté,
De son pinceau, le peintre, ardent, s’exprimera.
Digne geste d’amour et de munificence,
Picasso, endeuillé, dénonce un lourd carnage.
Des appels au secours percent la toile immense
Et Guernica se meurt, dans une guerre sauvage.
Aux arts ! Mes citoyens ! Peintres et musiciens !
Voici l’heure de gloire ; scandons rimes et mots !
Offrons à l’Univers, de bienveillants chemins !
Et l’Humanité fière soulagera ses maux…
Tendre bambin, vieillard, brillent vos différences;
Sous l’œil du photographe, vos yeux seront lumières.
Méprisons l’exclusion ; fuyons l’indifférence !
La solidarité embellira la Terre.
L’atteinte aux droits de l’Homme signe l’intolérance.
« L’art sauvera le monde ! », écrit Dostoïevski…
Est-il plus bel espoir ? Réveillons nos consciences !
Multiplions les cris et libérons l’écrit !


Van Gogh (auto-portrait)
Roux, rauque, rustre, ravagé,
Exorbité hors de lui-même
Depuis un mal de longue haleine
Et dont il se sait naufragé,
Il se veille seul, comme un phare,
Embarbelé dans le lacis
Des rides torturées, des plis
Qui font à l’homme un goût bizarre.
Du sourcil dru, puissant et fauve,
Jusqu’à la barbe du menton,
Quel borinage, que Arles donc
A laissé son empreinte mauve ?
Et mauve, et bistre, et verte, et sable,
S’est-il suffisamment connu
Pour avoir su, pour avoir pu
Nous rendre son malheur touchable !
Sabrant sa vie et son portrait
À lames d’abrupt et de peines,
Puisant au bleu même des veines,
Il se traque à son propre trait.
… Et cependant qu’il cloue et broie
Mon regard avec sa souffrance,
Fascination de la démence,
Je n’en désavoue pas ma joie.
(Extrait de Florilège)
L’ange de pierre
C’était au tout début d’un séjour catalan,
Mes pas m’avaient menée devant un cimetière.
J’avais marché longtemps sous un soleil brûlant
Espérant profiter d’une ombre hospitalière.
D’ordinaire, pourtant, je détestais ces lieux
Qui évoquaient la mort et toujours m’oppressaient.
En cet étrange endroit, érigés vers les cieux,
Monuments ciselés et statues se dressaient.
Près d’un tombeau moussu, profané par le temps
Veillait, majestueux, un bel ange de pierre
Dont la grâce éthérée m’émut quelques instants.
Ses ailes éployées retombaient jusqu’à terre.
Son visage serein, penché sur une fleur
Irradiait joliment douceur et bienveillance.
Son sourire subtil, conjurant le malheur,
Apaisait mon esprit et m’inspirait confiance.
Moi qui ne connais pas le secours de la foi
Je m’adressai sans crainte à l’être séraphique :
« Ceux qui dorment ici n’ont plus besoin de toi,
Veiller sur les vivants serait plus bénéfique.
Et ne pourrais-tu pas faire entendre ta voix
Dans cette société où la vertu s’effondre,
Guider les indécis vers de plus justes choix ? »
L’ange se rembrunit, puis finit par répondre :
« Je suis celui, hélas, que l’on n’écoute plus,
Ma voix, tu l’as compris est celle des consciences.
Un à un, les pouvoirs qui me sont dévolus
S’effritent sans recours dans vos indifférences.
Les hommes sont cruels, certains à tout sont prêts,
Et peuvent au besoin faire parler les armes,
Car ils ne sont guidés que par leurs intérêts. »
Sur la face de pierre, je vis couler des larmes…


sur la peau du fugitif
le tatouage égaré
d'une femme sans paroles
le goût de l'instant
à des courbes fécondes
flattant l'esprit
sous le scalpel réunies
des scarifications secrètes
(esthète le vent de tourner)
une esquisse de l'univers
dans le sens de l'ombre
qui flirte avec les murs
et le corps qui s'enfuit
des nuances stériles
de ses rêves au soleil
imprimant des musiques
Trésors cachés
Tout là-haut, près du ciel
Il travaille la dentelle
Que personne ne verra
Vu d'en bas.
Mais pourquoi la fignoler,
Avec amour la poncer,
Négligeant aucun détail
Du travail ?
Il aime la belle ouvrage.
C'est son plaisir, son ancrage.
Que vous le voyiez ou non,
C'est second !
Bien des chefs d'aujourd'hui
A la vue d'un tel gâchis,
Renverraient cet ouvrier
Trop zélé.
ooOoo
Tous ces détails ignorés,
J'aimerais les débusquer,
Pour qu'enfin on les honore
En trésors.
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Julie- avril 2021




CONTEMPORAIN
Contant purin, contant porridge
Se balançant dessus sa tige
Le violon que le soir afflige
Sort de la piste du bastringue
Se déstructure et se déglingue
Et puis se flingue à coups d’élingue
Con tant purin, con tant porridge
L’air du soir qui toujours s’afflige
Des ostensoirs que l’on néglige
Barbouillé, charbonneux, cradingue
Porc-épic comme un Ribouldingue
Perce ma joue à la seringue
Comptant purin, comptant porridge
Si temps vibrant dessus sa tige
« Frémit comme un cœur qu’on afflige »
Demain, tu me feras du gringue
Aussi fondant qu’une meringue
D’effroi, j’en tomberai raid ‘dingue !
CAEN LE 13 NOVEMBRE 2020
IMPRESSIONS à GIVERNY
J’ai dérobé le regard de Monet
Pour fouiller l’étang
Et des couleurs diluées d’un carnet
J’ai extrait, flottants,
Les nymphéas envoûtants.
Comme une grâce du ciel immergé,
Dilué dans l’étang,
J’ai ravi des couleurs rondes ou frangées,
Dessins clapotants
Des nymphéas envoûtants.
J’ai passé le petit pont de Monet,
Traqué le soleil,
Joué avec des saules enrubannés...
Un tableau pareil
Est une symphonie de contours flous,
D’apparences, de courroux,
Une gamme d’ondes si lumineuses
Que sa musique est silencieuse.
J’ai dérobé le regard de Monet.
Si je savais traduire la beauté
Je la peindrais sur mon carnet.
Mais Claude Monet le disait:
“Ce n’est rien d’autre que l’impossible”.
J’ai renoncé à l’indicible :
Croquer ce que je voudrais tant,
Les nymphéas envoûtants.
(extrait de "Normandises" et "La vie d'ArTriste")


CHERCHEURS D’ART
Dans la pierre ou le bois, la forme se révèle ;
Soumise, la matière s’abandonne au sculpteur.
Elle épouse son geste et leurs noces sont belles ;
J’effleure doucement l’œuvre du créateur.
En subtile murmure ou joyeux crescendo,
Une musique enlace drames et comédies ;
Partitions et refrains escortent un scénario.
Le Septième Art exulte au soleil des génies.
Sur la scène, s’élèvent les merveilleuses gammes.
Sans l’ombre d’un bémol, résonnent les bravos.
Dans le cœur de l'artiste, étincelle une flamme,
Lorsque ses doigts agiles dansent sur le piano…
Un ballet prestigieux me mène à l’Opéra.
Au gré de mes couleurs, j’improvise une fête…
Je ne suis pas Degas, mais le charme opéra.
Connaîtrai-je, un instant les secrets d’un esthète ?
Habillée en altesse, en clown ou en Guignol,
La marionnette brille dans les yeux des enfants ;
Une main triomphante et des mots qui s’envolent :
Derrière le velours, s’accomplit le talent !
De la Rome glorieuse au cirque des Merveilles,
Et des courses de chars à l’Auguste lunaire,
De l’arène dorée au chapiteau vermeil,
L’éloquence du temps, dignement, nous éclaire.
Des grottes de Lascaux, à la modernité,
Des antiques palais, à nos architectures,
Depuis des millénaires, rayonne la beauté,
Un patrimoine altier berce notre Culture !
D’illustres magiciens vivent dans notre esprit,
Quand l’Art vient enchanter nos rimes et nos vers !
Un musée invisible habite en poésie…
Est-il plus bel espace que notre imaginaire ?
* Street Art
Le street art est une démarche :
Usine vide ou ruine en deuil,
Cache lézarde ou trompe-l’œil,
Il est l’audace et le panache.
Venu de Lascaux ou plus loin,
De l’inspiration de l’ancêtre
Qui le premier fit reconnaître
Le bison, l’outil ou la main
Il créa les abécédaires
Pour expliquer jour après jour
Les pulsions de vie ou d’amour
Qui habitaient ses congénères.
Le street art est un train en marche,
De gloire en façade ou maison,
Sautant de wagon en wagon
Le passant va sans qu’il le sache
D’un bout à l’autre du phrasé
Inscrit en fresque sans parole ;
L’illustration hardie s’envole
Et porte ainsi sa nouveauté
Le street art est de tous les temps,
Interrogeant comme il révèle
Autant celui qu’il interpelle
Que l’artiste dans ses talents.
31mars 2021


le protocole d'un instant
(la chambre où se donne la beauté)
pour parler clair (peau légère)
à travers le silence des bibelots
juste une couche reconnaissante
en noir et blanc ou en couleur
une légère moue de joconde
où l'œil à l'œil trace un rectangle
(feuille/écran/billet final)
un bouquet de pensées malgré l'absence
même ses paroles divisent
le regard acquiesçant qui dope
l'image de sa présence
au gélatino-bromure d'argent
y implorant le mouvement
L’ART
Comme pour arracher au temps qui passe
Une fleur, un sourire, un visage,
Une idée, une musique, un paysage…
Les tenir,
Les modeler en sons, en mots, en couleur,
Et les offrir.
L’ART
Pour effleurer l’inexprimable.
La vie et la beauté,
La paix, l’éternité,
Réconciliées…
Un pacte, comme un violon qui pleure,
Un élan de pensées,
Une danse jubilatoire,
Un grand instant élévatoire.
Jocelyne Corbel la vie d'ArTriste

L’art consolateur
À l’heure où rôde encor l’invisible ennemi,
Quand plane autour de toi l’incessante menace,
Quand tu vois tes projets sans cesse compromis,
Contemple ces statues, admires-en la grâce.
À l’heure où trop souvent d’étranges décisions
Réduisent à néant ton appétit de vivre,
Si depuis ta croisée tu rêves d’évasion,
Cherche ta liberté dans les pages d’un livre.
À l’heure où le climat, chaque jour moins plaisant
Contribue sans pitié à étouffer ta flamme,
L’incarnat vivifiant, l’améthyste apaisant
D’un harmonieux tableau répareront ton âme.
À l’heure où sans répit résonnent bruyamment
Des discours aberrants et des voix discordantes,
Apporte à ton oreille un vrai soulagement :
Concertos mélodieux, symphonies flamboyantes.
À l’heure où se font lourds tes bras déshabités,
Quand se fait trop sentir la douleur de l’absence,
Pour retrouver un peu de ta sérénité,
Rien de tel qu’un bon film : aventure ou romance.
Quand, au cœur de la nuit, tes démons intérieurs
Reviennent te hanter, pesants comme une enclume,
Ose la création, demain sera meilleur,
Saisis sans hésiter le pinceau ou la plume.
Mélanger des couleurs, jouer avec les mots,
Moduler de beaux sons ou modeler l’argile
Guériront tes chagrins, adouciront tes maux.
Inventeur de beauté, tu seras moins fragile.








L’art fut une chanson douce
Acrostiche -
Précieux trésors de l’Art *adoucissaient la guerre,
Où de glorieux sculpteurs, dans l’enfer des tranchées,
Inventaient un bonheur talentueux et précaire,
Libérant, de la peur, les esprits angoissés.
Une joie provisoire effaçait la frayeur,
Symbolique exutoire et pansement des cœurs !
* Photographie : Briquet et coupe-papier fabriqués pendant la première guerre mondiale
* Bibliographie : De l’horreur à l’Art (Nicole Durand)
A propos de l’Art des tranchées
Au cours de ce mois d'avril, quelques-unes d'entre nous ont accepté d'envoyer quelques poèmes pour s'associer au thème de travail du Pôle de vie sur la santé. Voir le recueil ci-dessous.
