Voyage

Quelques textes d'auteurs
Le relais
En voyage, on s’arrête, on descend de voiture ;
Puis entre deux maisons on passe à l’aventure,
Des chevaux, de la route et des fouets étourdi,
L’œil fatigué de voir et le corps engourdi.
Et voici tout à coup, silencieuse et verte,
Une vallée humide et de lilas couverte,
Un ruisseau qui murmure entre les peupliers, –
Et la route et le bruit sont bien vite oubliés !
On se couche dans l’herbe et l’on s’écoute vivre,
De l’odeur du foin vert à loisir on s’enivre,
Et sans penser à rien on regarde les cieux…
Hélas ! une voix crie : « En voiture, messieurs ! »
Gérard de Nerval (1808-1855) Odelettes (1853).

Au seul souci de voyager …
Au seul souci de voyager
Outre une Inde splendide et trouble
– Ce salut soit le messager
Du temps, cap que ta poupe double
Comme sur quelque vergue bas
Plongeante avec la caravelle
Ecumait toujours en ébats
Un oiseau d’annonce nouvelle
Qui criait monotonement
Sans que la barre ne varie
Un inutile gisement
Nuit, désespoir et pierrerie
Par son chant reflété jusqu’au
Sourire du pâle Vasco.
Stéphane Mallarmé (1842 1878)

Bohémiens en voyage
La tribu prophétique aux prunelles ardentes
Hier s’est mise en route, emportant ses petits
Sur son dos, ou livrant à leurs fiers appétits
Le trésor toujours prêt des mamelles pendantes.
Les hommes vont à pied sous leurs armes luisantes
Le long des chariots où les leurs sont blottis,
Promenant sur le ciel des yeux appesantis
Par le morne regret des chimères absentes.
Du fond de son réduit sablonneux, le grillon,
Les regardant passer, redouble sa chanson;
Cybèle, qui les aime, augmente ses verdures,
Fait couler le rocher et fleurir le désert
Devant ces voyageurs, pour lesquels est ouvert
L’empire familier des ténèbres futures.
Charles Baudelaire (1821 1857) Les Fleurs du mal


Chemins du Sud
Chemins du Sud avec un nom qui vous fait mal
certains jours
à force de creuser des nostalgies…
Inscrits en rouge ou bleu sur le cristal
de vos grandes agences de voyage,
inscrits sur les navires au mouillage,
sur l’avion postal
ou sur l’oiseau qui craint le froid des jours plus courts,
certains jours – certains jours
comme se fait insidieuse leur magie !
Chemins du Sud – l’odeur du pamplemousse
ou du désert sans oasis
ou de la forêt vierge aux dangereuses nuits.
Pistes de bêtes dans la brousse
ou dans ces mers pleines d’étoiles rousses
dont parlent entre eux les marins.
Soleil du Sud qui fait la peau d’huile et d’ébène,
soirs de villages indigènes,
tam-tam…Plus loin que vous, au Sud,
Bolero de Ravel qui pourtant faites mal
comme ces noms aux tristesses étranges,
bord astral
de ces routes sans ange
où sombre lentement la Croix du Sud…
Sabine Sicaud, (1913 1928)

Walcourt
Briques et tuiles,
Ô les charmants
Petits asiles
Pour les amants !
Houblons et vignes,
Feuilles et fleurs,
Tentes insignes
Des francs buveurs !
Guinguettes claires,
Bières, clameurs,
Servantes chères
À tous fumeurs !
Gares prochaines,
Gais chemins grands…
Quelles aubaines,
Bons juifs-errants !
Juillet 1872
Paul Verlaine (1844 1896)
Romances sans paroles (Paysages Belges),

Voyager
Voyager, c'est partir de chez soi
c'est quitter ses amis
c'est essayer de voler :
voler vers d'autres horizons
parcourir les routes
c'est tenter de changer.
Voyager, c'est s'habiller au top
c'est dire "je m'en fiche"
c'est vouloir rentrer.
Rentrer en savourant les petites choses
déguster un verre
c'est désirer commencer.
Voyager, c'est se sentir poète
écrire une carte postale.
C'est vouloir étreindre :
Etreindre en arrivant à une porte
en regrettant le calme ;
c'est se laisser embrasser.
Voyager, c'est devenir mondain
c'est connaître d'autres gens,
c'est tout recommencer.
Commencer par tendre la main
apprendre des gens forts
c'est ressentir de la solitude.
Voyager, c'est partir de chez soi,
c'est s'habiller au top
dire tout et rien dans une carte postale.
C'est dormir dans un autre lit
sentir que le temps est court,
voyager c'est rentrer.
Gabriel García Márquez (1927 2014)
Se pétrir d'un voyage
Je me souviens de l’océan
Chaud et doux,
S’entêtant à me séduire,
S’allongeant sur mes rêves.
Face aux torrents agités, crissants, d’ici,
Je me souviens de la vie là-bas,
Légère,
Fluide comme une rivière,
Traversante,
Dans un horizon sans barrière.
Je me souviens aussi,
Du souvenir de vous,
Mes êtres demeures,
Comme des arbres absents,
Dont l’ombre fraîche manquait sur mes rives.
Je me souviens de l’océan.
Je me souviens de vous absents.
Je me souviens encore de ceux,
Là-bas,
Restés sous le soleil ardent,
Sur les rives de ma rivière absente.
Mais, quelle est cette mélodie ?
Oui, je la reconnais,
C’est la triste mélodie du départ
C’est la joyeuse mélodie de l’ailleurs
Elle me pose, elle m’apaise, elle m’étreint, elle m’appelle,
Elle porte mon chagrin, elle transporte mon espoir.
Vos lignes monotones
M’animent !
Vos chemins chauds
M’envolent !
Votre hiver glaçant
M’échauffe !
Votre été bouillant
M’exalte
Vos grises mines
M’amusent !
Vos âmes,
à moi me lient,
à moi m’attachent,
à vous m’attachent.
Maëlle Ranoux
Nos poèmes
Prague.
Capitale de la Bohème,
petit pays du grand Mucha*,
Prague exige plus qu’un poème :
sa beauté va bien au-delà !
À Prague, au vieux style baroque
se mêlent, heureux, l’Art nouveau
et, sans que cela ne vous choque,
la Renaissance et l’Art déco.
Là, l’enchaînement des façades
aux tons pastel harmonieux
attire les coups d’œil nomades
des touristes ouvrant les yeux.
La Ville, liée à l’Empire**,
était la perle des Cités
qui, pour le meilleur ou le pire,
pendant un temps vivaient en paix.
Aujourd’hui, sur l’ancien pont Charles,
je bois ton chant, la Vltava,
et crois entendre, quand tu parles,
les mots d’Havel*** ou de Kafka****…
Michel Bartha May-sur-Orne, le 22 juin 2021.
*Alfonse Mucha (1860-1924) peintre de l’Art nouveau.
**L’Empire austro-hongrois.
***Vaclav Havel, écrivain et homme d’état, président tchèque en 1993.
****Franz Kafka (1883-1924) écrivain tchèque d’expression allemande.


VOYAGE
Dans le soir jaunissant,
Nuage au teint de lait
Sur une île d’Ouessant
Près d’un quai s’amarrait.
Nuage au teint de lait
Pudique et ravissant
Près d’un quai s’amarrait
Tout en s’effilochant.
Pudique et ravissant
Nuage qui voguait
Tout en s’effilochant
Dans l’azur voyageait.
Nuage qui voguait
Comme un voilier fringant
Dans l’azur voyageait :
Fantôme d’un instant.
Comme un voilier fringant
Chimère qui volait
Fantôme d’un instant
Se métamorphosait.
Chimère qui volait
Dans le soir jaunissait
Se métamorphosait
Sur une île d’Ouessant.
Danièle MANOURY CAEN, LE 12 JUIN 2021
VOYAGE 2
Voyage imaginaire
Pour fille sédentaire
Qui n’est que passagère
Sur la planète terre.
Je vous laisse l’espace
Pour suivre à la trace
Votre monde meilleur
Utopie du bonheur.
Voyage interstellaire
Option complémentaire
Pour des mégalomanes
Iniques et infâmes
Voyage terre à terre
Simple sans grand mystère
Qui va du chêne au hêtre
Et ne m’empêche d’être.
Danièle MANOURY CAEN, LE 23 JUIN 2021


Bali sur images
L'album a refermé ses pages…
Le rêve demeure en suspens
Entre indigo et fleurs sauvages,
Entre vieux temples et sampans,
Entre émeraude de rizière
Cédant à l’ambre du couchant
Sa part de lune singulière
Ourlant la lèvre du volcan.
Et d'un voyage imaginaire
Où j'ai pérégriné si loin,
Je ne garde que l'éphémère,
Le volatile et l'incertain,
Filigrane imprégné d'audace
Pour qu'un périple inexploré
Me soit plus fort d'être sans trace,
Plus vrai, de n'avoir pas été.
Vagabond
Quand tu passeras ici,
Si le cœur t’en dit,
Dépose ton sac à dos
Et mange un morceau.
Que tu n’aies qu’une chemise,
Qu’un seul pantalon,
Il y a dans la remise
De l’eau, du savon.
Si tu as du temps de reste
Nous emprunterons
Moi ta canne, toi ma veste
Et nous marcherons.
Tu me diras les frontières,
Les gens de là-bas,
Je te dirai ma rivière
Et mon feu de bois.
Mais si les mots sont blessure,
Alors, ne dis rien,
Le silence et la nature
Nous suffiront bien.
Quand tu reprendras la route
Ton sac sera plein,
Par contre j’aurai sans doute
Comme un goût de faim.


Périple
Ô toi qui reviens de voyage,
Ô dis-moi, toi qui en reviens,
Est-il vrai comme dit l’adage
Que pareils sont tous les chemins ?
Est-il vrai comme dit Homère
Qu’il n’est terre ni cieux meilleurs
Que celle et ceux de notre père,
Est-il vrai, toi qui viens d’ailleurs ?
Toi qui n’as, pour les satisfaire,
Que tes uniques volontés,
As-tu vérifié si la terre
A pour tous les mêmes bontés ?
As-tu éprouvé que les granges
N’ont pas partout le même grain,
Que plus dures y sont les vendanges,
Plus pauvre en est souvent le vin !
Savais-tu qu’après la frontière,
C’est toi qui serais l’étranger,
Portant partout et ta manière,
Et ton regard pour voyager ;
Que tu ne serais dans la ville
Où le sol même est souvenir,
Sillon éphémère et fragile,
Qu’une empreinte sans devenir ?
Et dis-moi, quand s’offrit l’Histoire,
Dans son immuable grandeur,
Avais-tu fermé ta mémoire
Pour regarder avec ton cœur ?
Devant Athènes et l’Acropole,
L’Olympe, Delphes et tous les ports,
En oublias-tu la parole
Pour communiquer avec ton corps ?
Ô toi tu reviens de voyage,
Lourd du passé partout écrit,
Tu croyais grandir davantage
Et tu en reviens plus petit !
LE COLORADO
Là où je n'irai jamais
trop loin, trop haut
quand je vois les photos
du Colorado !
Trop loin, trop haut, trop d'eau
j'aurais pourtant aimé
trop tard, trop tôt
pour le Colorado
Je n'irai jamais
mais j'aime les photos
qui m'emportent sur leur dos
au Colorado
Là-bas, trop loin, trop haut
trop tard, trop tôt
trop grand, trop beau
l'immensité du Colorado
Ce qu'il me faut
ce sont encore des photos
à voir de loin, de prés
certes j'aurais aimé :
le Colorado !
Certes j'aurais aimé
autrement voyager
que rester là à regarder
les photos du Colorado !
Me laissant gagner
par le bruit de mes pensées
en écoutant les chutes d'eau
partie là-bas au Colorado !
Danydeb (27 avril 2020)
VOYAGE - VOYAGE
Veuves un peu sauvages
célibataires sans âge
n'étant plus en ménage
pour mieux tourner la page :
portant seules les bagages
à l'acte, obligé passage
le sourire faisant rage
comme un long message
à la vie qui saccage
le passé en cage
et son lot de tapages
l'errance est un naufrage
en , VOYAGE VOYAGE
avec ses veuves sauvages
et célibataires sans âge
pour mieux tourner la page
vers un avenir sans voyance
avec pour seule croyance
les bienfaits de la science
pour faire taire sa conscience
même si la vieillesse est un naufrage
chut avance avance, voyage !
Les regrets ravagent
courage, on déménage !
Sois sage, très sage
sans penser à ton âge
voyage, voyage
la vie n'est qu'un voyage !
Alors, VOYAGE !
VOYAGE.....VOYAGE !
La vie n'est qu'un passage
un long voyage !
Danydeb (12 01 2019)


Flânerie
J’aurais pu, cet été, rester à Saint-Martin
Ou bien me contenter du riant Cotentin.
Je choisis cependant de sillonner les routes,
Mais la destination devint source de doutes.
Amand ou Émilion, Estèphe ou bien Galmier,
Je ne savais quel saint je désirais prier.
Je passai prudemment très loin d’Arnac-la-Poste
Redoutant qu’un voyou par malheur m’y accoste.
J’ai dîné au Repas puis dormi au Lion d’or,
Visité Bonneville, évité Malemort.
Mais avant de rentrer, perspective navrante,
Je fis à Saint-Amour une escale charmante.


Étretat
Eléphant assoiffé à la livrée d’albâtre,
Tu braves sans faiblir le reflux capricieux,
Résistant aux embruns, en colosse opiniâtre.
Eperon belliqueux, érigé vers les cieux,
Tu caches en ton sein d’abondantes richesses.
Arsène, paraît-il, malfaiteur audacieux,
Tenta pour les voler d’impensables prouesses.
Envie d’ailleurs
Je voudrais m’envoler dans un bel avion blanc
Avec un compagnon fidèle à sa promesse,
Vers une île lointaine, en un fougueux élan,
Échapper à l’hiver, le cœur plein d’allégresse,
Émerger du cocon des sombres vêtements,
Oublier pour un temps ces mises peu seyantes
Et me défaire aussi du carcan des tourments,
Me parer plaisamment d’étoffes chatoyantes,
Offrir ma peau trop pâle au soleil bienfaisant
Un peu plus chaque jour pour qu’elle s’apprivoise,
Goûter avec bonheur un calme reposant
Sur le sable effleuré par la vague turquoise,
Puis au marché local, m’enivrer de senteurs,
Déambuler parmi la foule bigarrée,
Enchanter mon palais de nouvelles saveurs,
Apprécier la douceur d’une soie chamarrée,
Découvrir la splendeur de jardins luxuriants
Tout en flânant sans but au hasard des ruelles,
Oiseaux de paradis, hibiscus, flamboyants,
Jasmins, frangipaniers aux odeurs sensuelles,
Plonger dans le lagon sans le moindre frisson,
Et glisser sans effort dans l’onde transparente,
Y rencontrer parfois un étonnant poisson
Poursuivant son chemin sans frayeur apparente,
Mordre dans de beaux fruits saturés de soleil,
Danser jusqu’au matin sur des cadences folles
Puis, le corps détendu, sombrer dans le sommeil,
Acheter pour les miens d’inutiles babioles,
Puis revenir heureuse et l’esprit apaisé
Riche de souvenirs d’une île enchanteresse,
Regrettant sur ma peau le suave alizé,
Son souffle parfumé, son exquise caresse.


ESCAPADE AFRICAINE
Tajine douce et parfumée…
Sur l’île rouge*, digne vanille…
Partout, s’enivre notre nez,
Et notre bouche s’émoustille…
Exquise, Afrique !
Quand sur le Nil, une croisière
Me révéla tant de trésors,
J’ai vu l’Histoire en ta lumière,
Mon ciel brilla de météores …
Glorieuse Afrique !
Tissus divins, bijoux ethniques,
Mon corps exulte dans les teintes !
Le Djembé m’offre sa musique.
A mes poignets, les grelots tintent…
Oh ! Danse, Afrique !
Dans l’objectif, un safari :
Le photographe happe l’image…
Il est aux anges, en Méhari,
Au cher Kenya, il rend hommage …
Splendide Afrique
Céleste Kilimandjaro…
Faune cachée dans la Savane…
Fier baobab aux mille échos,
Près d’un oiseau qui se pavane …
Radieuse Afrique !
Ma toile blanche est impatiente
De resplendir sous ton soleil,
Et la couleur, comme une amante,
Sur le pinceau, soudain s’éveille…
Oh ! Muse, Afrique !
Les mots me manquent, malgré l’émoi,
Mais je connais tes maux gravés…
Mon ignorance dicte sa loi…
Griot*, révèle tes secrets !
Ardente Afrique !
*L’île rouge : Madagascar-
*En Afrique, le Griot communique la tradition et les coutumes
FONTAINES DE MES AMOURS
Je vous ai gratifiée d’une pièce dorée,
Fontaine de Trévi, sous le ciel bleu de Rome…
Selon la tradition, j’avais émis un souhait :
Je voulais, pour toujours, être aimée de mon homme !
Mais pour le conquérir, il fallait bien Versailles…
Sur mon cœur amoureux, il règne comme un roi.
Cérès, Flore, Apollon ont vu nos fiançailles,
Par un beau soir d’été, empreint de nos émois.


Fontaine au château de Versailles
Sculptures d’or et de marbre, Bacchus, Dragon, Saturne,
Invitaient au voyage dans l’espace et le temps…
Des bosquets intrigants aux fantômes nocturnes,
Mes pensées s’envolaient, auprès de mon amant...
Cascades de cristal, musique en crescendo,
Chatoyantes lumières au bassin de Neptune,
Quand un feu d’artifice répondit aux jets d’eau,
Mon âme s’extasia en décrochant la lune !
Fontaine de Trévi (Rome)
Les bateaux endormis s’enivraient de lumière,
Et l’onde les berçait au gré de ses envies.
Les falaises dorées se miraient dans la mer,
Enlaçant le rivage, devant mes yeux ravis.
Des illustres calanques, aux douces rives sages,
J’admirais les couleurs d’une belle aquarelle.
En digne Pygmalion, l’océan se fit mage :
Il sculpta les rochers, d’une grâce éternelle…
Un patrimoine altier, léguant sa résonnance,
Offrait à mes pensées, l’exquis bonheur de vivre.
Un grand feu d’artifice, digne magnificence,
Illuminait, pour moi, de beaux chemins à suivre…
Devant tant de beauté à nulle autre pareille,
J’honorais l’Univers et ses luminescences…
Mais soudain, une voix me vola mon sommeil ;
Elle semait des mots, d’une noble élégance….
Ultime apothéose et mon corps est en liesse :
La musique, souvent, me prend comme une mer*
A travers, les volets, le soleil me caresse,
Quand chante, à mon oreille, l’œuvre de Baudelaire !
Qu’il est bon de rêver, au ciel de notre lit !
Dans les bras de Morphée, j’ai vu un Paradis !
* Baudelaire : La Musique
VOYAGE AU BOUT DE MA NUIT
Dans un monde magique d’une digne nature,
Dessinant la Provence, le cœur en bandoulière,
Loin d’un morose hiver, m’attendait l’aventure…
J’accueillais, en dansant, l’âme d’une autre Terre !
D’un délicieux pays, mes pieds foulaient le sol.
Je me laissais conter peintres et santonniers…
Les collines d’Aubagne, à l’ombre de Pagnol,
Me livraient les secrets d’insolites sentiers !
Traversant les années, un brillant Septième Art.
Ensemença, soudain, mon imagination,
Quand j’entendis Raimu me parler de César,
Et ce temps suspendu enchanta ma raison…
Résonnaient tambourins, fifres et galoubets,
Et leurs gammes divines fleurissaient mon esprit…
Joyeux, vous me guidiez, cher Alphonse Daudet,
Le souffle des Alpilles murmurait votre vie…
Je goûtais, du sublime, la divine étincelle,
Quand Frédéric Mistral me présenta Mireille…
Emportée par le vent qui jouait dans mes ailes,
Sur le Pont d’Avignon, j’embrassais des merveilles…
Mais que serait l’Estaque sans Cézanne et Renoir ?
Je marchais sur leurs traces en quête d’émotion,
Le village m’offrait une page d’Histoire….
Où êtes- vous pêcheurs, écoutez ma chanson !


L’Estaque (lieu culte des films de Robert Guédiguian)
Fresque : Escartefigue et César à Toulon
Trésors vénitiens
Illustre patrimoine, bijou de l’Italie,
Le campanile veille dignement sur la mer !
Sur la place Saint Marc, splendeurs à l’infini,
Sous nos yeux, se déploie un héritage fier…
Les violons se font doux ; laissez le charme agir,
Quand brille l’élégance des Gondoles à Venise !
Amoureux, pour vos noces, venez vous divertir;
Ensorcelez la Belle de divines surprises !
Accordez, aux minutes, une grâce impériale.
En noble maestro, orchestrez le bonheur !
Dans le Café Florian, à la gloire ancestrale,
George Sand et Musset ont abrité leurs cœurs.
En ce lieu prestigieux, venez prendre le thé,
Dans la salle chinoise, ou salon des miroirs….
Pendant le carnaval, rayonne la beauté !
Vous ferez, d’une femme, la Reine de vos soirs.


Voyage
Atteindrons-nous un jour le rivage éternel ?
Un visage étonné nous offre son mystère.
Un sourire enjoué délivrera l'appel.
Le miracle ignoré sera notre repère.
Qui viendra nous chercher à l'aube des journées ?
Un village attendri rira de nos humeurs.
Serons-nous habités par l'insigne ferveur ?
Nous serons captivés par l'ultime beauté.
Un souffle enamouré éloigne nos erreurs.
Une aurore enjouée délivre nos clartés.
Le vent de liberté désarçonne nos peurs
et l'ardeur étoilée ranime nos baisers.
Marc Rébéna Le sourire des ombres 2015
NAZARE *
Ciel d’un bleu profond et mer d’émeraude
au travers desquels passent en maraude
envols de mouettes et grands goélands.
Le soleil pénètre le sable blanc.
Sur la falaise perché, le village ;
en contrebas, toute blonde, la plage.
Jadis, petit port actif : NAZARE
accueille maintenant les corps dorés
des estivants, joueurs ou alanguis.
Plus loin, de noirs rochers, tels des épis,
griffent la vague qui s’effrange.
Une barque vieille, insolite, étrange,
touchant rappel voulant maintenir
ce qui n’est plus qu’un pâle souvenir.
Sur la grand-place, non loin de l’église
un maigre pêcheur, buriné, devise
avec les gens. Il vend des bibelots
pour touristes, des pantins à grelots.
Il a gardé son vieux bonnet de laine ;
maintenant, il débite des calembredaines.
Une femme effeuille ses sept jupons
pour nous, les curieux qui la regardons.
Images dépassées d’un folklore
confirmant qu’une ère vient de se clore.
* Petit port de pêche portugais jadis très actif.

SOUVENIR DE SIENNE
Je voyageais en Italie
en la Toscane lumineuse.
SIENNE la brune m’a saisie.
Je me sentis soudain heureuse.
J’évoque son fier campanile,
son Campo — place en éventail —
et cette foule juvénile
s’éparpillant sur le grand mail.
Je vois, du Palio, les parades
et la fête haute en couleurs,
les étendards, les galopades
s’entrecroisant avec ardeur.
Avec, en frange, les boutiques
composant de chauds camaïeux
ombrées de teintes rouge brique,
d’ocres, de bruns, comblant les yeux.
Sa cathédrale somptueuse
avec ses riches pavements :
la polychromie lumineuse
de ses marbres mis savamment.
Et Gaïa, la belle fontaine,
ses doux sujets de marbre blanc
veillés par la louve romaine
aux mamelons surabondants.
Les pigeons fantasques s’abreuvent
aux jaillissements du bassin,
semblant vouloir mettre à l’épreuve
ce grand calme marmoréen.
Ah ! combien j’aimerais aller
par grand soleil ou sous la lune,
aux arcades déambuler
et te revoir, SIENNE, ma brune.

ADIEU VENISE
Je songe à VENISE
qui, belle, agonise
Sous l’œil amusé
des passants pressés.
Dans ses eaux glauques
ainsi que breloques
tremblent les reflets
d’antiques palais.
Souvenir des Doges
que le temps abroge
s’éteignent les ors
dans l’eau qui s’endort.
De noires gondoles
désertes somnolent
et leur clapotis
se fait chuchotis.
Il dit en sourdine
d’une voix câline
aux accents secrets
des mots de regret :
Adieu, belle Aimée !
Adieu, douce Almée !
Ne reviendront plus
les temps révolus …




VOYAGE
Ce matin-là, je suis partie tôt,
voulant voyager incognito.
J’espérais faire des découvertes
au cœur d’une nature bien verte.
Surpris ! Des fils d’argent, ténus,
balisaient mon chemin entrevu.
Étais-je dans des filets tombée ?
Mauvais début pour une échappée.
Cependant qu’à mes pieds j’aperçois
tels des hanaps d’or tendus vers moi
comme veulent sans doute les us,
des coupes profondes de crocus.
Confortée, je poursuis mon chemin.
Une humble branche me tend la main.
Le muguet agite ses clochettes
comme pour dire : la voici ! Chouette !
Tandis qu’au sommet d’un cerisier
un merle dodu s’égosillait.
Ah ! Vraiment, j’ai fait un beau voyage !
— Où ? — Dans mon jardin et … sans bagage.



Le voyage
je pars en voyage
assise, sans bouger
sur mon canapé
voyage, voyage
les yeux rivés
à regarder la télé
Que de beaux paysages
en France, à l'étranger
une admirable diversité
et je pars voyager
je reste à m'étonner
pourquoi n'y suis-je pas allée ?
Voyage, voyage
le temps m'est compté
c'est raté à mon âge …
Pourtant je connais
ces pays dits étrangers
je les ai absorbés
j'ai mes préférés
certes je n'irai, jamais !
Voyage, voyage
les yeux fermés, ces images
assise sans bouger
sur mon canapé
qui me font rêver ..
Sagement filmées
pour le monde entier
sans y mettre les pieds
je les connais
ces paysages
puis-je vous en parler ?
Histoire de vous étonner
et de faire un beau voyage
jeunesse, surtout, voyagez !
Baie d’Halong
J’ai vu Halong, le dragon de la mer,
Ses milliers de bosses et d’îlots calcaires,
J’ai senti son souffle me bercer les nuits
Sur ma vieille jonque hélas blanchie.
De Tête d’homme à l’île de la Théière,
Du Coq de combat vers le Chien de pierre,
En sampans, de lagons en grottes étranges,
Des enfants me sourient comme des anges.
Aux frais lotus de l’été
Quelques orchidées se mêlent,
Au fond de la baie dorée,
Où volent des poissons sans ailes,
Où plongent des pêcheurs de perles
Près des îlots de l’archipel.
J’ai écouté des histoires, des légendes
Émergées de la brume fascinante.
Un jour, Jaan-Lennart, je t’emmènerai
Sur les rivages du Dragon de la Baie.


Ballade en Périgord
Si tu prévois de voyager,
Tu dois choisir, dure besogne !
Pays de Loire, douceur d’Angers,
Illustre Alsace et ses cigognes,
Vertes forêts de la Sologne
Où le gibier est abondant ?
Lieux enchanteurs, et cependant
Rien n’est plus beau que la Dordogne !
Tu peux partir à l’étranger,
Suivre le Rhin jusqu’à Cologne,
Flâner dans Prague et puis longer
L’Oder qui parcourt la Pologne,
Puis voir Venise ou bien Bologne.
Après ce circuit trépidant,
Tu penseras, c’est évident :
Rien n’est plus beau que la Dordogne !
Et si tu veux te ménager
Loin du sud où le soleil cogne,
Tu trouveras à te loger
À Calais ou bien à Boulogne.
En Cotentin, près de Valognes,
Où tu ne seras pas perdant,
La côte est superbe et pourtant,
Rien n’est plus beau que la Dordogne !
Périgord noir ensorcelant,
Proche voisin de la Gascogne,
Pays grandiose et si gourmand,
Rien n’est plus beau que la Dordogne !
un départ pour le désert ou l'île où nul
ne se sait créature ou être de hasard
ni présent de capture issu d'un vieux nuage
qui fait peser ses larmes sur l'océan seul
à part ces terres mortes comme brûlées
par le feu infernal pour disgrâce ou savoir
qu'on attend comme nectar vital moins
d'apparat que forme immense de la vie
il suffit d'un regard pour reculer de terre
et d'un unique parfum pour remplir l'âme
d'une défaite qui fait partir les plus purs
au fluide radieux au mépris enfin du sage
qui renie et admoneste et qui assène
la vérité des livres sur le sens d'exister
et ce noir de la nuit qui descend enragé
d'ombres sur les vagues cognant les récifs
dont les griseries dispensent d'inspiration


des sangles de mer à des regards d'étoiles
harnachent la coque pétrie d'algues de la brume
lourde de filets comme des toiles d'araignée
ces yeux ballants égarent leur pâleur déserte
pèle- mêle dans les vagues broyant du passé
les réflexes et les divagations du reflux
retors d'écume sourde et le ressort des houles
déprime le périple innocent de pluie danse
sur la proue et le pont passent des ombres torses
par la foule inutile des embruns dans la nuit
et les fumées des bouches s'évanouissent en jeux
maculés ou en égarements fracturant d'obscurs
vols où nulle part des paroles sédentaires ne nient
contourner la lune et son œil mat hanté
puis d'autres vestiges (les derniers)
des ruines peut- être sages
qui recueillirent les paroles du prophète
que l'on visite dans l'immobilité
(les transes sont brouillées par l'écoute)
ils sont incertains de ne pas mourir
en versant ce qui leur reste de vertige
si le simple rejet de ton visage par l'ombre
magnifie le voyage -et le scelle
par une victoire sur l'instant
tu habiteras le même nuage toute la nuit
chantonnant la ruelle qui te guide
vers ce point terrible de l'histoire
où le vainqueur devient conteur


le premier pas vaut l'indulgence
sur quatre pattes dans un cercle
de ceux qui marchent debout désormais
que probloques ils peuvent courir
et ralentir dans les alcôves
de tout leur être l'unissant à l'autre
pour une fusion éphémère
un autre pas pour les passants
une fuite éventuelle- un exil
sur d'autres terres à trois pattes
(leibniz professant des atomes)
à des sphères closes et stressées
à des frères luttant contre eux-mêmes
et pesant sans remords à la chaîne
de tout leur poids dans un cercueil
Voyage immobile...
Il faisait lourd et chaud, on attendait le soir.
L’homme était dans la rue, sur son coin de trottoir,
L’air un peu triste et las.
Il ne demandait rien, rien de particulier,
Seulement à l’alcool de lui faire oublier
Triste vie d’ici-bas.
Pourtant j’ai vu ses yeux s’illuminer de joie
Quand il a évoqué son bateau d’autrefois.
C'était toute sa vie.
Mais une grosse larme a glissé sur sa joue,
Quand il s’est réveillé de ce beau rêve fou,
Et tristement m’a souri.
oOo
Or, soudain une étoile a traversé le ciel.
Son regard l'a suivie, l'emmenant avec elle.
Il était reparti !..
---------
Julie - août 2021

Cartes postales d'un certain voyage
Embarquement sans préavis
naufrage brutal
le plus souvent réputé sans retour
l'univers était noir
qui avait écarté l'esprit
violentes réactions de la bête
quand le cœur et les poumons s'arrêtèrent deux fois
en un temps de refus
malgré le combat acharné
des pompiers et des urgentistes
individu inconscient
et en agitation extrême
sanctionnée d'une absence de quatre jours
ailleurs
vision figée au couloir de lumière
sans savoir dans quel temps
E.M.I. en images emmêlées
jaillies des caresses obscures d'un néant indicible
lent retour enfin dans le monde réel
au bout de fils multicolores aux baisers circulaires
l'être fracturé bousculé
hésitant en ses contours instables
corps flottant en des heures confuses
vertiges intérieurs
traumatismes à venir
questions inouïes sans réponses immédiates
sans réponses peut-être
Daniel-Claude Collin / septembre 2021

Voyage Immobile
Sa besace remplie de mots
Le plein de rimes en ses bagages,
Les muses caressant ses pages,
Ne ciselait que des joyaux !
De par ses livres et ses photos
Il savait tout de la Tamise,
De Sydney, Lima ou Venise...
Sans même y avoir fait un saut.
Du carcan de l’appareillage
Qui le retenait à son lit
Nourrissait de belles images
Son cœur qui jamais ne s’aigrit.
De vaillance il ne manquait point,
Il en revigorait sa plume
Pour se détourner au plus loin
De son oppressive infortune.
Il sublima tous les outrages
Qu’à son corps fit subir la vie.
Cette envolée page après page,
Fut le secret de sa survie.
Contant en rimes ses voyages
Il émerveilla tant d’amis
Qu’il mérite bien aujourd’hui
Ces quelques lignes en hommage.
CG
Venez petits bateaux dans ce port maritime
Venez vous reposer de la vague et du vent
Le long du quai flottant l’amarre vous arrime
Là laissez-vous bercer sur des flots moins mouvants
Vos souvenirs de grains vos souvenirs d’abîmes
Ont nourri vos récits plus ou moins captivants
Vos voiles déployées sous les grands cieux sublimes
Enroulent dans leurs plis vos rêves émouvants
Petits bateaux ancrés dans ce port de la Manche
Quand vous repartirez vers l’océan qui penche
Vers un ciel inconnu vers l’horizon lointain
Nous penserons à vous car nos petits matins
Sont des jours sans saveur plats comme des dimanches
Quand pour vous l’aventure est un nouveau destin


Polska
Je t’aime, je ne t’oublie pas.
Sans un cœur ouvert, tu ne fonctionnes pas.
Eloigné de ma terre mère,
je me sens parti, loin de la terre ferme
mais, le ciel s’éclaircit,
le souvenir revient et tout est clair.
Sans qu’un jour ne se fasse, loin de toi,
Polska.
Maxime Lewczuk


Belle rivée de l’océan,
tu t’affaisses, en face, avec tes gants.
Moment opportun, moment de douceur,
la marée s’en va et coule comme la sueur.
Je me découvre à visage ouvert,
les larmes partent, mes yeux scintillent comme la lumière,
moment opportun, moment de douceur.
La marée s’en va et apaise mon cœur.
Maxime Lewczuk

Le destin du poème
Un poème est fin prêt.
Qui pourra bien le lire ?
Une œuvre est achevée.
A-t-elle un avenir ?
Pour le savoir peut-être,
écoutons les augures
et les suprêmes maîtres
de la voyance pure !
Comme un vaisseau doré,
ira-t-il sur les mers,
tel un grand livre aimé
des cerveaux littéraires ?
Ou plus modeste ouvrage,
comme un petit canot,
offrira-t-il sa page
aux jeunes tourtereaux ?
Flottera-t-il sur l’eau
comme un léger esquif,
pour demeurer le lot
des fragiles pensifs ?
Quand le soleil luira
sur une mer tranquille,
à l’esthète en émoi
offrira-t-il son style ?
Peu à peu souverain
sur tous les océans,
passant de main en main,
il deviendra puissant.
Sur le grand Atlantique,
il voguera sans crainte.
Sa savante musique
ne sera jamais plainte.
Vers le grand Pacifique,
il cinglera hardi.
Son euphonie magique
enchantera les ouïes.
Dans sa course lointaine,
vainqueur des éléments,
il voit déjà la scène
de son couronnement …
Mais un vent soufflera,
prophète de malheur.
La rime sourira,
dissimulant sa peur.
Et pour toute chaloupe,
L’hémistiche offrira
le secours de sa coupe
au lecteur qui se noie !
Le voyage
Et un beau jour l’aiguille a tourné
Fini le tour du cadran des années
Ce fut long court bon ou mauvais
Si rapide qu’au fond juste effleuré
Peau de parchemin aux veines noircies
Croûte qu’un ongle crochu égratigne
Tel l’enfant fixant souvenir adoré
D’un œil embué le genou abîmé
Sang frais chaud rouge vif qui coule...
Tache ma chemise et mon cœur ébloui
Saute un battement tel un jeune cabri
… Et s’épanche lente lave volcanique
Poursuis ton voyage va dévaste tout
Avec joie bouscule l’ordre établi
Ne te freine pas ô je t’en prie poursuis
Ton voyage même tard toute la nuit.
Pascal Mézier
