Masques

Quelques citations

Ne vous mettez pas en travers de port du masque ! Sandrine Fillassier
Le menteur à qui l'on retire son masque ressent la même indignation que si on le défigurait. Jean rostand
Un visage est-il un masque de comédie posé sur la tragédie de l'âme ? Shan Sa
Le masque tombe, l'homme reste, et le héros s'évanouit. Serge Gainsbourg
Parfois ce ne sont pas les gens qui changent, c'est juste leur masque qui tombe. Jean-Jacques Rousseau
Un mari porte un masque avec le monde et une grimace avec sa femme. Marivaux
Le rôle d'un romancier n'est pas de tomber le masque. C'est au contraire d'en mettre le plus possible. Frédéric Beigbeder
la possibilité de jeter le masque en toutes choses est l'un des rares avantages que je trouve à vieillir. Marguerite Yourcenar
L'homme est moins lui-même quand il est sincère, donnez-lui un masque et il dira la vérité. Oscar Wilde
La méchanceté, pour se faire encore pire, prend le masque de la bonté. Publius Syrus
Textes d'auteurs
Clair de lune
Votre âme est un paysage choisi
Que vont charmant masques et bergamasques
Jouant du luth et dansant et quasi
Tristes sous leurs déguisements fantasques.
Tout en chantant sur le mode mineur
L’amour vainqueur et la vie opportune,
Ils n’ont pas l’air de croire à leur bonheur
Et leur chanson se mêle au clair de lune,
Au calme clair de lune triste et beau,
Qui fait rêver les oiseaux dans les arbres
Et sangloter d’extase les jets d’eau,
Les grands jets d’eau sveltes parmi les marbres.
Paul Verlaine, Fêtes galantes


Prière aux masques
Masques ! Ô Masques !
Masques noirs masques rouges, vous masques blanc et noir
Masques aux quatre points d’où souffle l’Esprit
Je vous salue dans le silence !
Et pas toi le dernier, Ancêtre à tête de lion.
Vous gardez ce lieu forclos à tout rire de femme, à tout sourire qui se fane
Vous distillez cet air d’éternité où je respire l’air de mes Pères.
Masques aux visages sans masque, dépouillés de toute fossette comme de toute ride
Qui avez composé ce portrait, ce visage mien penché sur l’autel de papier blanc
A votre image, écoutez-moi !
Voici que meurt l’Afrique des empires – c’est l’agonie d’une princesse pitoyable
Et aussi l’Europe à qui nous sommes liés par le nombril.
Fixez vos yeux immuables sur vos enfants que l’on commande
Qui donnent leur vie comme le pauvre son dernier vêtement.
Que nous répondions présents à la renaissance du Monde
Ainsi le levain qui est nécessaire à la farine blanche.
Car qui apprendrait le rythme au monde défunt des machines et des canons ?
Qui pousserait le cri de joie pour réveiller morts et orphelins à l’aurore ?
Dites, qui rendrait la mémoire de vie à l’homme aux espoirs éventrés ?
Ils nous disent les hommes du coton du café de l’huile
Ils nous disent les hommes de la mort.
Nous sommes les hommes de la danse, dont les pieds
reprennent vigueur en frappant le sol dur.
Léopold Sédar SENGHOR Recueil : "Chants d'ombre"
Le masque
Contemplons ce trésor de grâces florentines ;
Dans l’ondulation de ce corps musculeux
L’Élégance et la Force abondent, sœurs divines.
Cette femme, morceau vraiment miraculeux,
Divinement robuste, adorablement mince,
Est faite pour trôner sur des lits somptueux,
Et charmer les loisirs d’un pontife ou d’un prince.
— Aussi, vois ce souris fin et voluptueux
Où la Fatuité promène son extase ;
Ce long regard sournois, langoureux et moqueur ;
Ce visage mignard, tout encadré de gaze,
Dont chaque trait nous dit avec un air vainqueur :
« La Volupté m’appelle et l’Amour me couronne ! »
À cet être doué de tant de majesté
Vois quel charme excitant la gentillesse donne !
Approchons, et tournons autour de sa beauté.
O blasphème de l’art ! ô surprise fatale !
La femme au corps divin, promettant le bonheur,
Par le haut se termine en monstre bicéphale !
Mais non ! Ce n’est qu’un masque, un décor suborneur,
Ce visage éclairé d’une exquise grimace,
Et, regarde, voici, crispée atrocement,
La véritable tête, et la sincère face
Renversée à l’abri de la face qui ment.
— Pauvre grande beauté ! le magnifique fleuve
De tes pleurs aboutit dans mon cœur soucieux ;
Ton mensonge m’enivre, et mon âme s’abreuve
Aux flots que la Douleur fait jaillir de tes yeux !
— Mais pourquoi pleure-t-elle ? Elle, beauté parfaite
Qui mettrait à ses pieds le genre humain vaincu,
Quel mal mystérieux ronge son flanc d’athlète ?
— Elle pleure, insensé, parce qu’elle a vécu !
Et parce qu’elle vit ! Mais ce qu’elle déplore
Surtout, ce qui la fait frémir jusqu’aux genoux,
C’est que demain, hélas ! il faudra vivre encore !
Demain, après-demain et toujours ! — comme nous !
Charles Baudelaire



Carnaval
« Venise pour le bal s'habille.
De paillettes tout étoilé,
Scintille, fourmille et babille
Le carnaval bariolé.
Arlequin, nègre par son masque,
Serpent par ses mille couleurs,
Rosse d'une note fantasque
Cassandre son souffre-douleurs.
Battant de l'aile avec sa manche
Comme un pingouin sur un écueil,
Le blanc Pierrot, par une blanche,
Passe la tête et cligne l'œil.
Le Docteur bolonais rabâche
Avec la basse aux sons traînés ;
Polichinelle, qui se fâche,
Se trouve une croche pour nez.
Heurtant Trivelin qui se mouche
Avec un trille extravagant,
À Colombine Scaramouche
Rend son éventail ou son gant.
Sur une cadence se glisse
Un domino ne laissant voir
Qu'un malin regard en coulisse
Aux paupières de satin noir.
Ah! fine barbe de dentelle,
Que fait voler un souffle pur,
Cet arpège m'a dit : C'est elle !
Malgré tes réseaux, j'en suis sûr,
Et j'ai reconnu, rose et fraîche,
Sous l'affreux profil de carton,
Sa lèvre au fin duvet de pêche,
Et la mouche de son menton. »
Théophile Gautier - Émaux et Camées
La Chauve-souris
À mi-carême, en carnaval,
On met un masque de velours,
Où va le masque après le bal ?
Il vole à la tombée du jour.
Oiseau de poils, oiseau sans plumes,
Il sort, quand l’étoile s’allume,
De son repaire de décombres.
Chauve-souris masque de l’ombre.
Robert DESNOS "Chantefables"

Nos poèmes

Les masques de Venise.
Venise, aux jours de carnaval,
munit d’un loup chaque marquise
qui muse aux bords du Grand Canal
après avoir vêtu sa mise.
En gondole, ou bien sur les quais,
vont parader toutes ces belles,
les traits soigneusement celés
par l’éventail sous des ombrelles.
A l’intention des marquis
qu’elles croisent dans les ruelles,
semblant promettre des acquis,
leurs yeux lancent des étincelles.
Mais quand, le lendemain venant,
masque jeté, le jour se lève,
chacune reprend, pour un an,
sa vie… au détriment du rêve !
May-sur-Orne, le 15 janvier 2023.
Les masques de Saint Marc sont pâles
Des hommes dissimulés sous la bauta,
Masqués de céruse et vêtus de noir,
Déambulaient, tristes sires sans joie,
Sur le Rialto, sous tous les regards.
La Moretta cachait les yeux des dames,
Masque de velours noir et de dentelles
Sur broderies élégantes et sans âme
Elles frôlaient le sol comme portant des ailes.
J’ai vu Venise en février
L’eau froide et blanche sous la brume
Foule rieuse et chamarrée
Triste Pierrot et jaune lune.
J’ai croisé princes et Colombine
Polichinelle et Capitan
Dorés et précieux dans leurs mimes
Au cœur des ruelles d’antan.
J’ai vogué parmi les gondoles
Jusqu’au fameux Pont des Soupirs
Casanova tenait son rôle
Parmi nobles dames, fous et rires.
Les masques de Saint Marc si pâles
Les tissus somptueux flamboient
Devant le feu du carnaval
Où jouent les intrigues et les joies.
Brigitte Vivien


INCANTATION
Que demain après la bourrasque
Qu’ils soient normands ou monégasques,
Blafards, décolorés et flasques,
De Nice ou Villeneuve-d’Ascq
Lassés des fêtes et des frasques
Que dans cent mille et une vasques
Flétris, fanés tombent les masques.
FAIT’ QUELQUE CHOSE
Geste barrière
Beau chevalier
Me désespère.
Plus de bisous
Beau chevalier
(Trop risque-tout)
Jaloux virus
Beau chevalier
Joue les intrus.
Levez l’épée
Beau chevalier
Pour l’épopée.
Prenez seringue
Beau chevalier
Pour tuer ce dingue.
A coup d’élingue
Beau chevalier
Dans la carlingue.
Otez ce masque
Beau chevalier
Pour moment faste
Embrassez-moi
Beau chevalier
Dans seringuas
Ou dans les roses
Beau chevalier
Fait’ quelque chose !
CAEN LE 2 DECEMBRE 2021


Contre mauvaise fortune...
Le masque de la Covid
est devenu mon ami.
Bizarre !
J'en ai fait collection
de toutes les couleurs
arc-en-ciel.
J'ai surtout adoré
mieux goûter le sourire
des yeux.
Et voici qu'aujourd'hui
j'aime le retrouver...
Contre le froid.
Alors il me revient
ce dicton ancestral :
Contre mauvaise fortune,
Savoir faire "bon cœur".
Julie - février 2023

Les masques ont la renommée
De cacher nos misères.
Ou bien de nous protéger
Des regards trop sévères.
Il est vrai que vérité
Est rarement d'évidence.
Il faut souvent la chercher
Au-delà des apparences.
Ainsi, à mon étonnement
J'ai pu m'apercevoir...
Que les gens sont bien souvent
Meilleurs qu'ils laissent voir.
La vie peut se regarder
Sous différentes facettes.
Et tout peut se modifier
Si l'on change de lunettes.
Julie - février 2023
Ne vous fiez pas
aux apparences !


masques...

Pendant un instant
Changer d'apparence,
Pour petits et grands
Troublante expérience.
Julie - février 2023



Masques
un mot...
que dira-t-il
où mènera-t-il
un mot
pour quoi
pour qui
un mot
esquisse d'un poème
ou nuée suspendue dans le vide
un mot
qu'attendra-t-il
attendra-t-il quelqu'un
attendra-t-il quelque chose
un mot un masque
à la fois pointe et ombre portée
d'un iceberg du temps
d'un iceberg d'images
ou de sons encore inaudibles
un mot un masque
qui amorce
ou qui dit
au bout de silences multiples
Daniel-Claude Collin / février 2023


masques ouverts à la lumière
vous cachez même le silence
les regards égarant le signe
de l'universelle danse
les pas en- bas ne succèdent
qu'à la folie des corps qui tournent
aux cris de casanova aux plombs
l'effet mental de la dissolution
s'éveille en un sourire
qu'on ne voit pas qui n'existe
qu'en un ailleurs peut- être absent
jouant à être ce qu'il n'est pas
légèrement sur un faible souci
- quand cessera-t- il de pleuvoir
elle avait revêtu son masque
elle avait peur que la lumière
n'égalisât son secret soleil
ses membres blancs sous la brune
se donnent aux danseurs gais
ivres d'esprit et de cabernet franc
qui débordent des verres
elle sait les battements de cœur
du jeu léger du cavalier
des rayons dans les yeux qui paniquent
lorsque le char immense avance
cotillons et tapage vifs
qui réveilleraient casanova aux plombs
pour vivre l'amour sans les larmes


ils sont intimes de vos secrets
ils cachent ce qui ne peut dormir
ils portent même des phrases blanches
et un panache au sort factice
ils ne sont eux- mêmes que de travers
avec ce faciès fixe qui fige
les regards les plus vastes et clairs
ils paraissent être ce qu'ils ne sont
ils atomisent les visages lents
ces masques qui fuient le regard
et la peau contenue du sourire
ne se devine que par la fumée
d'une cigarette sans destinée
que le gouffre des plaisirs piétinés
CARNAVAL A VENISE
Depuis la Renaissance, ou le bas Moyen-âge,
Quand le masque gracieux offrait l’égalité, *
Belle réminiscence, la fête est l’apanage,
De ce mythique lieu, sublime et enchanté.
Lorsque l’hiver s’achève, c’est là que font escale,
Les amoureux du rêve, pendant le carnaval…
Elégance annoncée, là, point de mascarade,
Mais de la dignité, et point de cavalcade !
Brillant de toutes parts, viens voir les Vénitiens,
Sur la place Saint-Marc ; ils te le rendront bien.
Broderies et bijoux, magnifiques parures…
Promène-toi partout ; tu auras fière allure.
Avec un « tabarro », une exquise « bauta » *,
Sur le pont Rialto, flâne et fais quelques pas…
C’est le temps retrouvé, hier et aujourd’hui :
« Comedia d’ell arte », nous recueillons vos fruits…
Sous ce bouquet de fleurs, arrivant par magie,
Eclatant de splendeur, brille la Vénétie !
Merci, « mascareri »
Qui œuvrent sans répit,
Pour la joie, la beauté
De « tutte la gente » !
*Le but premier du carnaval de Venise était d’abolir les différences de classes sociales habituelles, derrière le masque.
Bauta » : masque typiquement vénitien.- Tabarro : cape vénitienne.
Mascareri : les artisans des masques. - Tutte la gente : tout le monde.

LES AILES DU DESIR
Sur le pont des Soupirs, un masque vénitien
S’ennuyait à mourir, une fée lui dit « Viens,
Abandonne Venise, emprunte mon sillage,
Je m’appelle la Brise, et je serai ton mage. »
Trêve de carnaval, le masque s’envola,
Il voulait fuir le bal dont il se sentait las…
En nomade du ciel, il avait pris les voiles,
Conjuguant au pluriel sa joie, dans les étoiles…
Telle une douce icône de la béatitude,
Visitant l’Hexagone, il prit de l’altitude.
Au dessus des sommets de la Haute-Savoie,
Fièrement, il planait, le cœur rempli d’émoi…
Peu à peu, en héros, il surplomba la mer,
Il saluait les oiseaux, se promenant dans l’air!
Sur les voies éthérées, amoureux du silence,
Il savait écouter chaque vague qui danse…
Au milieu des nuages, il gagna l’Estérel.
Ivre de paysages, il agitait ses ailes…
Grisé par les beautés de la Corniche d’Or,
Il se laissa porter, puis il vira de bord…
Etranges émotions, voyage sublimé,
Il dominait les monts, le vent le caressait.
Etincelantes gloires, cascades de plaisirs,
Les châteaux de la Loire comblèrent ses désirs !
Il embrassa Paris, au gré de ses caprices…
Quel joli Paradis, ineffables délices !
Pour que la Normandie berce ses souvenirs.
Dignement, il se dit: «Il est temps d’atterrir ! »
Ce fut un grand bonheur, quand il quitta les cieux !
Les artistes, à Honfleur, n’en croyaient pas leurs yeux.
Et quand il arriva, allègrement, à Caen,
Ce n’était pas Guillaume, mais LUI, le Conquérant !
MASCARADES
Bonne année
J’ai emménagé en Novembre,
Dans une bien jolie demeure,
Cuisine, salon et trois chambres,
Un joli hall, un ascenseur…
A peine arrivée en ces lieux,
Je vis venir un préposé,
Qui m’adressa ses meilleurs vœux…
« Si tôt ? » me dis-je, médusée !
Pour ses étrennes, l’éboueur,
Me fit un doux appel de fonds ;
Imaginez-vous ma stupeur !
Je sentis mon cœur faire un bond.
Et, néanmoins, restant aimable,
Je lui offris quelques euros ;
Je fis un accueil honorable,
Mais cette fois, c’en était trop…
Le temps de pousser un soupir,
Des pompiers franchirent ma porte ;
Et j’étais prête à défaillir,
Quand enfin cessa la cohorte !
Bientôt, j’appris dans les journaux,
Que tous ces gens m’avaient bluffée ;
Leurs uniformes étaient faux :
Le crime était presque parfait ! *
Mais lorsque Décembre arriva,
Evidemment comme il se doit,
Un vrai postier se présenta…
Le facteur sonne toujours deux fois*
*Le crime était presque parfait ! * Film d’Alfred Hitchcock
*Le facteur sonne toujours deux fois* Film de Tay Garnett




Si nous enlevions nos masques
Si nous enlevions nos masques
Ceux que nous portons au milieu des autres
nos semblables
Tous ces masques qui nous obligent
les uns envers les autres nous retiennent d’exprimer ce que nous pensons vraiment
Ces faux-semblants ces hypocrisies
ces conventions de bien-pensance à jeter par-dessus les moulins
Que se passerait-il si une fois seulement nous enlevions nos masques
Ces masques qui nous collent à la peau nous empêchent de devenir ce que nous sommes réellement
Ils emprisonnent nos cœurs nos âmes
dans un cercle de flammes
Ne pouvons-nous pas apparaître sous notre vrai jour dans la pure lumière d’un ciel d’été
Faire tomber nos chaînes pour un parler toujours vrai
Ne serions-nous pas enfin libres comme le marin solitaire au milieu de la mer qui parle aux oiseaux
Pourtant il n’est pas fou


SANS MASQUE
Etait-il Monégasque ?
Peut-être Bergamasque ?
L’individu fantasque
surgi près de la vasque,
vêtu d’un gilet flasque
laissant flotter ses basques.
Buvant dans une fiasque
il n’avait pas de masque
mais, coiffé d’un grand casque,
semblable à la Tarasque,
il accomplit ses frasques
et fuit dans la bourrasque.
Jeanne FOUCHER février 2023

A VENISE
C’est carnaval. Sous leurs masques
ils se veulent tout permis
et multiplient leurs frasques
tout en jouant les dandys.
Venise, entrée en délire
livre la place Saint Marc
qui devient le point de mire
de facétieux fêtards.
En leurs somptueux costumes,
d’audace rivalisant,
librement ils importunent
sous couvert d’être galants.
Mutinant, chacun, chacune
consent à jouer le jeu.
Tout est caprice en lagune.
Sous le masque on le peut.
Ainsi la Sérénissime
riche de sa casa d’or
et de cet art qui fascine
masque l’envers du décor :
Des façades décrépites
se reflètent dans les eaux
sombres de petits canaux.
Là, un monde vit et gîte.
Car tout n’est pas somptueux
en la fragile Venise
qui parade dans ses jeux
mais lentement agonise.
Jeanne FOUCHER février 2023




Masques
Le masque est une dérobade :
L’incognito pour un amant
L’art du rituel ou de l’œillade,
Pour le chaman ou le galant.
C’est encore sur le visage
Le fard mystifiant l’âge mûr
Comme c’est la fresque sauvage
Réhabilitant le vieux mur.
De même que lorsqu’il sourit
« Fleur au fusil », cet inconnu,
Le cliché taira l’interdit :
La peur au ventre du poilu !
Puis un masque, prioritaire
A mis le monde en désarroi :
La rue,, la vie, la terre entière,
Le Covid est passé par là.
Autant de leurres, autant de drames,
Chacun son possible ou son choix
L’effondrement, le flot de larmes
Ou le profond repli sur soi…
Pourtant vive le carnaval
En appétit de facétie
Quêtant dans les hasards du bal
La révélation réussie !
Chaque masque est une façade
Comme guirlandes et décors,
Ni tromperie, ni mascarade,
Mais pudeur du cœur et du corps.



Jour de carnaval
À l’heure où, lentement, la lagune s’embrume,
Dans la ville assoupie, un homme se souvient :
Les rues sont animées, la fête bat son plein
Et chacun s’est paré d’un somptueux costume.
Il observe, à l’écart, de bruyants fiers-à-bras
Lutinant une fille avenante et fantasque,
Mais la belle s’échappe en riant sous son masque
Sa course échevelée la jette dans ses bras.
Il l’enlace aussitôt, et, vaillant, la protège,
Les poursuivants déçus renoncent de bon cœur.
La serrant contre lui d’un geste de vainqueur
Il l’entraîne bientôt vers le joyeux cortège.
Les masques tomberont, quand viendra le matin.
Elle dévoilera son corps et puis son âme
Alors il l’aimera, puis en fera sa femme.
L’homme qui se souvient remercie le destin.
Apparences
Tu affiches toujours un petit air joyeux,
Un sourire trompeur qui n’atteint pas tes yeux.
Ton visage reflète une belle allégresse,
Pourtant ce n’est qu’un fard qui cache ta tristesse.
Ton rire qui cascade en délicieux grelots
S’étrangle quelquefois en hoquet de sanglot.
Que dissimules-tu sous cette fausse joie ?
Quel est ce mal secret qui soudain te foudroie ?
D’une très jolie voix, tu chantes le bonheur,
Mais on y reconnaît quelques accords mineurs.
Et ta vie qui paraît en parfaite harmonie
Porte le sceau obscur de la mélancolie.
Ce chagrin qui te hante, amie, jour après jour
Tu ne pourras, je crois, le cacher pour toujours.
Peut-être oublieras-tu tes manières fantasques,
Alors je serai là quand tombera le masque.
