Le sonnet

Quelques textes d'auteurs
A Madame de Ferrare
Me souvenant de tes bontez divines
Suis en douleur, princesse, à ton absence ;
Et si languy quant suis en ta presence,
Voyant ce lys au milieu des espines.
Ô la doulceur des doulceurs femenines,
Ô cueur sans fiel, ô race d’excellence,
Ô traictement remply de violance,
Qui s’endurçist pres des choses benignes.
Si seras tu de la main soustenue
De l’eternel, comme sa cher tenue ;
Et tes nuysans auront honte et reproche.
Courage, dame, en l’air je voy la nue
Qui ça et là s’escarte et diminue,
Pour faire place au beau temps qui s’approche.
Clément Marot 1er sonnet écrit en France 1550
Chagrin
Usez moins avec moi du droit de tout charmer ;
Vous me perdrez bientôt si vous n’y prenez garde.
J’aime bien a vous voir, quoi qu’enfin j’y hasarde ;
Mais je n’aime pas bien qu’on me force d’aimer.
Cependant mon repos a de quoi s’alarmer ;
Je sens je ne sais quoi dès que je vous regarde ;
Je souffre avec chagrin tout ce qui m’en retarde,
Et c’est déjà sans doute un peu plus qu’estimer.
Ne vous y trompez pas, l’honneur de ma défaite
N’assure point d’esclave à la main qui l’a faite,
Je sais l’art d’échapper aux charmes les plus forts,
Et quand ils m’ont réduit à ne plus me défendre,
Savez-vous, belle Iris, ce que je fais alors ?
Je m’enfuis de peur de me rendre.
Pierre Corneille, Poésies diverses
LE SONNET
Les quatrains du Sonnet sont de bons chevaliers
Crêtés de lambrequins, plastronnés d'armoiries,
Marchant à pas égaux le long des galeries
Ou veillant, lance au poing, droits contre les piliers.
Mais une dame attend au bas des escaliers ;
Sous son capuchon brun, comme dans les féeries,
On voit confusément luire les pierreries ;
Ils la vont recevoir, graves et réguliers.
Pages de satin blanc, à la housse bouffante,
Les tercets, plus légers, la prennent à leur tour
Et jusqu'aux pieds du Roi conduisent cette infante.
Là, relevant son voile, apparaît triomphante
La Belle, la Diva, digne qu'avec amour
Claudius, sur l'émail, en trace le contour.
Théophile GAUTIER à Claudius POPELIN
LE SONNET DU MAÎTRE
Ton sonnet, Théophile, au radieux essor,
Triomphant et paré comme un beau prince antique,
Sur un trône d'ivoire, au-dessous d'un portique,
Couvre de son manteau quatorze marches d'or.
Sa voix fait retentir le joyeux quintuor
Des rimes, doux échos du verbe poétique ;
Et, pareil au rajah d'une Inde fantastique,
À chaque mouvement il sème un Koh-i-nor.
Mais voilà qu'arrachant les palmes immortelles
Qui croissent en tous lieux où tu portes tes pas,
Il me les jette, à moi que l'on ne connaît pas !
Si bien que, quand la gloire, en déployant ses ailes,
Conviera ses élus à s'y mettre à couvert,
Elle m'accueillera muni du laurier vert.
Claudius POPELIN à Théophile GAUTIER
Aube de Lune
L’ivoire de sa peau martyrise la nuit
D’une perle escroquée au cœur du purgatoire
Dont elle brûle la nacre à sa bouche de moire,
Qu’un oiseau silencieux picore comme un fruit.
Elle glisse agilement, et sans le moindre bruit,
Passe d’un clocher sombre aux pages d’un grimoire,
Déchirant les feuillets d’un conte ou d’une histoire,
Où meurent nos sommeils sous son regard fortuit.
Elle voile lentement son visage blafard
Sous le tulle plissé d’un nuage fondant,
Et comme une bougie avale son brouillard.
Mais l’océan gémit à son souffle invisible,
Et le monde s’abreuve à son givre gluant,
D’un rêve de bonheur au contour intangible.
Francis Etienne Sicard, Lettres de soie rouge, 2011
Beaubourg
Un grand chatoiement simple, où bulles et musiques
Se mêlent à l’instinct d’une brève seconde.
Vibrant dans l’air uni par leur magie féconde
Les corps sont revêtus de rondeurs amnésiques.
Les pigeons noirs et blancs sont comme autant de poules
Qui piochent le pavé par leur preste cadence,
Quand un éclat de rire, en cette rumeur saoule,
Donne corps à l’envol qui respire et qui danse.
Paris est un poème où Beaubourg est la chute ;
Sa place est sur ma feuille – n’en déplaise à la butte !
Quand ma peine inlassable embrumera mes dires,
Je me libèrerai, loin des grands rejets tristes,
Assis sur l’Esplanade où viendra m’étourdir
Le résonnement sourd de mille pieds artistes !
Thibault Desbordes À Nicolas Dax.
Écrit sur le parvis du centre culturel Georges Pompidou.
Nos poèmes
ÉTRENNE D’UN JOUR
Partir ! Tôt le matin, à l’aurore d’un jour
dont j’aimerais avoir, pour moi seule, l’étrenne.
Dans l’éveil du printemps, fouler la glèbe reine,
surprendre la nature à son premier bonjour.
En lisière d’un bois, épier le séjour
de ses hôtes discrets, à l’heure souveraine
où, dans l’aube naissante, un chant d’oiseau s’égrène
en timide prélude à l’appel de toujours.
Cueillir la flèche d’or qui fuse, triomphante,
là-bas, à l’orient de la nue rosissante
et saluer la vie en son frémissement.
Recevoir cette offrande au creux de mes mains jointes
comme une eau qui jaillit, effaçant toutes craintes
pour revenir enfin, âme en paix, cœur aimant.
Jeanne FOUCHER décembre 2010


LE SANTONNIER
Sur le coteau doré, dans un mas provençal,
Fervent et passionné, œuvre le santonnier.
D’une tradition noble, en vertueux héritier,
Il captive mes yeux aux fêtes calendales.
L’homme enchante sa vie d’un plaisir ancestral,
Visitant mon esprit en illustre imagier…
A Maillane, il m’apprend l’âme de son métier ;
Résonnez tambourins, au soleil de Mistral.
Sculpteur et costumier, de ses mains si agiles,
Il me conte Pagnol en façonnant l’argile …
Les collines d’Aubagne abritent le passé !
Panisse, Escartefigue et Monsieur Brun, César,
Jouent la partie de cartes, en quête de succès.
Les santons éternels brillent au Septième Art !
Crépuscule
A l’heure où le soleil mourant tout en douceur
Embrase l’occident, sanglante apothéose,
L’obscurité rampante endeuille toute chose
Dans un monde cruel rendu à sa noirceur.
Comme s’il subissait le joug d’un oppresseur,
Le solitaire amer que le soir rend morose
Ressent une langueur dont il ne sait la cause
Et cherche vainement les bras d’une âme sœur.
Il revit malgré lui cette passion ancienne :
Sensation d’une peau vibrant contre la sienne,
Souvenir douloureux d’un amour qui n’est plus !
Et la nuit qui s’avance avive sa détresse
Jamais il n’oubliera ces instants de tendresse
Ni ces jours de bonheur à jamais révolus.


ne rien comprendre à cette nuit qui subtilise
des ombres s'immobilisant dans le regard
loin de l'être solaire irisant l’art hagard
qui poursuit le secret de sa forme indécise
ni ne harceler l'âme esthétique et précise
abandonnant son être au mutisme bavard
des rues distanciées au bitume blafard
que la lune alourdit d'un instant qu'elle incise
la pureté d'un équilibre entre les sens
n'ôtera ni la note émise par l'encens
que la pièce initie à l'ordre noctambule
ni la mesure d'une coupe intéressant
d'un signe licencieux le mystère indécent
que le sens inconscient dissimule en sa bulle
TENEBRES
C’était pendant l’horreur d’une profonde nuit
La lune hurlait au loup ; les hiboux pleins de poux
Se grattaient les genoux ; de sinistres matous
Qui se cherchaient des puces (en baillant d’ennui)
Rôtissaient quelques rats pour faire leur méchoui.
On entendit soudain les « hou » « hou » des hiboux
Qu’accompagnait en chœur un concert de « Miaous »
Le Malin dégoutté vite s’était enfui.
Bien qu’adepte fervent de ces concerts nocturnes
Il était, ce soir-là, morose et taciturne.
Un nuage anthracite enténébra l’éther
Echappé d’un avion (mécanique idiote).
Qui venait, lui aussi, s’ajouter à l’enfer
D’une bêtise humaine à jeter aux chiottes.
Danièle MANOURY CAEN LE 17 JUIN 2021


Écrire un beau sonnet c’est la seule contrainte
Quatorze vers en tout agencés sobrement
Pas d’azur de zéphyr non plus de firmament
Des dents des crocheteurs[1] les mots simples j’emprunte.
Dès le premier quatrain on devine la feinte
Et déjà le vers six est coulé finement
Quant au petit septième il suit tranquillement
Voilà mes deux quatrains qui s’empilent sans crainte.
Pour les tercets il faut trois rimes inédites
Et choisir la façon de les bien disposer
On peut à la rigueur innover tout oser
Trois vers encore et puis la messe sera dite
Il faudra s’appliquer et l’on pourra enfin
Dire c’est un sonnet un sonnet des plus fin[2].
[1]Ah, Malherbe !
[2]N’exagérons rien
SAINT SYLVESTRE ... à toi
Tu détestes l'an neuf et tes anniversaires
Et tout ce qui ramène à la fuite des ans ;
Tu portes sur le temps un avis méprisant
Et jamais tu ne veux regarder en arrière.
Ma nostalgie pour toi demeure un grand mystère
Et tu n'as d'intérêt que pour l'instant présent.
Tu survoles mes vers et, tout en les lisant,
Tu me dis qu'au passé ton cœur est réfractaire.
Pourtant nous trinquerons au milieu de la nuit
Au bonheur d'être unis pour vaincre cet ennui
Qui, sournois, se répand dans les affres de l'âge.
Au fond, qu'importe hier et qu'importe demain
Pourvu que se poursuive à deux ce long voyage
Où ma mémoire écrit notre histoire à deux mains.


Le sonnet.
C’est un bijou fragile aux contours délicats
dont on polit longtemps chacune des facettes.
Le choix des rimes donne alors des airs de fêtes
à la valse des mots qui respectent les pas.
Leur mélodie aussi lui prête des éclats
en harmonie exquise, égale aux ariettes,
que viennent saupoudrer des diamants en miettes
tombés du firmament des ciels de sultanats.
Mais quel que soit le thème ou le sujet qu’il chante
– les fleurs, l’amour, les arts – son onde est enivrante,
ses quatrains et tercets n’étant que pur bonheur.
Et ses alexandrins m’emportant lorsqu’il coule,
tel un courant marin au milieu de la houle,
le sonnet va toujours aux tréfonds de mon cœur !
Michel BARTHA : May-sur-Orne, le 26 novembre 2021.




sonnet
Un sonnet...sans sujet ni tambours ni trompettes
un sonnet...antimites sentant la naphtaline
un sonnet...resucée après tant de poètes
un sonnet...palsembleu ça ne donne pas bonne mine
Un sonnet...disons nous au bout de notre quête
un sonnet...dans les pas d'écrivaines divines
un sonnet...dans les pas d'écrivains en goguette
un sonnet...pourquoi pas en douceur angevine
Un sonnet... un sonnet... un sonnet sans histoire
un sonnet...pour sonner et pour déraisonner
un sonnet...à creuser au fond de la mémoire
Un sonnet...sur la poire un sonnet...sur la gloire
un sonnet...à questions ou à s'encalminer
un sonnet...impression d'écrire à la pétoire
Daniel-Claude Collin / janvier 2022
DE ROC EN ROC
J’ai voulu m’abreuver à la source jaillie
Du rocher que Moïse a frappé au désert
Pour, ensuite, éviter le chemin qui dessert
La Roche Tarpéienne, en victime choisie.
C’est alors qu’une voix, si pure, si jolie
Tomba de la falaise en accents doux et clairs :
C’était, de Lorelei, l’oracle qui lui sert
Cherchant à envoûter sa proie vite cueillie.
Lors, craignant de tomber de Charybde en Scylla,
Vers un autre chemin, j’ai dirigé mes pas
Fuyant l’accent trompeur de trop belles promesses.
Tel Sisyphe roulant son éternel rocher
J’ai repris, de mes jours, le cours inachevé
Et ma route incertaine exempte de prouesses.
Jeanne FOUCHER Mars 2010


Photos : Notre -Dame de Fourvière
LYON MA MUSE
Ô ! Ville de lumière, aux multiples visages,
Antique Lugdunum ou Lyon contemporaine,
Egérie du poète, et précieuse Romaine,
Vous régnez en mon cœur et je vous rends hommage !
Un passé sans égal signe votre héritage :
Notre Dame à Fourvière, illustre souveraine,
Bellecour ou Terreaux, flamboyante fontaine,
Traboules et quartiers émanant d’un autre âge…
Croix Rousse, entendez-vous le chant des artisans,
Les Canuts ouvriers, les rires des enfants?
Votre temps retrouvé me dévoile sa danse…
Brillez, Auguste et Louis*, Muses de Monplaisir,*
Princes du Septième Art, éminente naissance !
Au parc « Tête d’Or », semons nos souvenirs …
*Louis et Auguste Lumière
*Monplaisir : Quartier de Lyon
Pierres enchanteresses
Près de Gap, on peut voir des cheminées de fées.
Résultat du hasard, de siècles d’érosion,
Ces géantes de pierre attirent l’attention.
On les appelle aussi demoiselles coiffées.
Quand le sommeil me fuit et que m’oublie Morphée
Je laisse dériver mon imagination
Vers ce site lunaire, âpre désolation
Qui pourrait être un cadre aux errances d’Orphée.
Ces éperons rocheux qui déchirent les cieux,
Impassibles gardiens d’un monde mystérieux
Emergent fièrement d’un paysage aride.
Habitées autrefois de bienveillants esprits
Elles vibrent encore au cours de sombres nuits.
Ce sont assurément d’étranges cariatides.

Photo Serre-Ponçon

de papier une page oubliée au bureau
blanche comme une peau à la nuit arrachée
estime la valeur de la vie que gâchée
la pointe d'un crayon anime de zéros
qui s'acharne à tracer le mot qui est de trop
concevant l'harmonie évidente et âgée
de ces riens formulant la constance lâchée
et la pluie qui balaie la violence et les crocs
comme une fille morte égarée à l'égout
que les folioles n'ont pas su rendre à leur goût
de la pluie qui efface une messe assagie
par le vent qui renvoie les notes et les nerfs
un poème malade explosant en plein air
niant sa virilité et crachant sa magie
LE SONNET SANS SONNETTE
C’était un sonnet sans sonnette
Qui ne faisait jamais « dring dring »
Il ne disait jamais « Darling »
Mon pauvre sonnet chansonnette.
C’était un sonnet savonnette
Qui, effectuant un looping,
Atterrissait dans un bowling.
Où donc ai-je mis mes lunettes ?
Ce sonnet que je vous dédiai
Se voulait gai sans être niais.
Il me faut de vous indulgence ;
Recevez comme un bel oiseau
Dans son smoking cet étourneau
Ce sonnet écrit dans l’urgence.
Danièle MANOURY CAEN LE 6 OCTOBRE 2018


Un sonnet en vers blancs est un sonnet sans rime
Quel est son intérêt ? À quoi peut-il servir ?
Des oiseaux et des fleurs fuyons la thématique
Et l’espace ? Et le temps ? Cessons de ressasser
Laissons notre sonnet s’étaler sur la page
Sans effort. Nous verrons quel chemin il emprunte
Quelle route inconnue s’ouvrira devant lui
Nous verrons bien comment sans rime il sonnera
Mais peut-être n’est-il que le simple reflet
De ce monde égaré stupide incohérent
Au milieu d’autres mondes du vaste univers
Ah ! Nous le voyons tous et c’est bien triste à dire
Nous sommes à jamais confinés sur ce globe
Qui tourne et tourne encore et qui ne rime à rien.
L’aurore
Lorsque l’horizon s’éveille,
Toute la nature attend
Comme figée dans le temps.
Va-t-on revoir le soleil ?
Soudain c’est une merveille.
Apparaît un rougeoiement,
Suivi d’éblouissement.
Un spectacle sans pareil...
Mais noyé dans nos soucis
On ne sait guère aujourd'hui
Prendre le temps d'admirer.
Ainsi ne soyons surpris
Si Soleil démotivé
Oublie de se réveiller.
Julie - janvier 2022


TOMBELAINE
Tel un grand lion dormant, dans la baie allongé
L’austère et long rocher contemple son rival,
Celui qui fut choisi par Aubert, le féal
De l’archange Michel, en un temps prorogé.
Immuable et rugueux, le roc semble plongé
En méditation. Évoque-t-il le val
- Ou forêt de Scissy- engloutie au signal
Du Maître de céans et, par l’onde rongé ?
Le Mont ne serait plus tel qu’il est en lui-même
S’il n’avait près de lui cette vigie, emblème
De toute résistance, en vue de jours meilleurs.
L’un porte nos regards vers le ciel. Son prestige
Tient à sa vocation. L’autre semble un vestige
D’une antique cité. Tous les deux sont VEILLEURS.
Jeanne FOUCHER Mars 2010
MONTAGNE CELESTE
Sous votre blanc manteau, caressant les nuages,
De l’Olympe divin, éminente héritière,
Ô ! Montagne céleste, inondée de lumière,
Je me fais troubadour pour chanter un hommage !
De l’illustre Savoie, vous êtes l’apanage…
Que j’aime, à l’infini, votre élégance altière !
Vous séduisez mes yeux, d’une grâce princière,
Œuvre de la Nature et honorable ouvrage !
Vos charmes ont séduit les neiges éternelles.
Ô ! Somptueuse roche et crêtes de dentelle,
Le temps vous a sculptées au gré de son délire !
Que j’aime vos trésors, images délectables !
Dans l’onde bleue du lac, votre beauté se mire.
Vos monts et vos merveilles exaltent l’ineffable…


Le vieux château
Sur le coteau là-bas balayé par le vent
S’élève, dérisoire, un vieux château de pierre
Délabré par les ans, recouvert par le lierre.
Ne restent que débris de sa splendeur d’avant.
Contemplant ce chaos, je m’évade en rêvant.
Princesse de jadis à la tournure altière,
N’êtes-vous désormais que néant et poussière
Malgré le bel amour d’un chevalier servant ?
Autrefois ce manoir affirmait sa puissance,
Murailles de l’orgueil, donjon de l’arrogance,
L’invincible bastion défiait l’envahisseur.
Mais le temps vient à bout de toute forteresse.
Bien avant le déclin, bien avant la détresse,
Savourons sans tarder chaque instant de bonheur.
une heure de vie d'encre inscrite
sur le papier comme dans le vide
les silences itinérants
que frôlent des échos anciens
ne portent guère les soupirs
plus loin qu'un horizon avide
de lignes presque éternelles
une heure de lune qui s'inspire
de la position des étoiles
de leur agonie parallèle
à la suite enflée de ses plaintes
qui déraisonnent malgré le pire
une heure de silence et d'instinct
qui s'égare dans les signes


Spleen du Covidose
Covidose, déchainé contre le monde entier,
De ses germes à grands frais crée un conflit honteux
Entre les uns stressés, les autres insensés
Anti-vax, vaccinés, complotistes ou peureux.
L’ouvrier, sur le carreau, recherchant de l’air,
Discret, relève son masque FFP2
Son âme, un court instant, jaillit dans la lumière
C’est le visage éteint d’un homme malheureux.
Le monde se lamente et la terre enflammée
S’étripe et se vend dans un courant d’air vicié,
Cependant qu’en haut lieu, dans les sphères de l’argent,
Labos et politiques, troubadours du business,
Réunis en leur cour où ils prêchent la messe,
Chantent tous en chœur le requiem, en riant.
CALANCHE DI PIANA
Sous le ciel de Piana, flamboyante et immense,
Ô ! Merveilleux rocher que le soleil inonde,
Rouge, pourpre, irisé, vous jaillissez de l’onde,
Vous ravissez nos yeux, et réjouissez nos sens !
La Corse vous protège, avec tant d’élégance!
Perle de la nature, une gloire se fonde.
D’un patrimoine fier, vous magnifiez la ronde…
Votre cœur pétrifié sublima mes vacances !
Ornant le granit rose, d’un voile féérique,
Jeunes mariés, évêque, ou êtres fantastiques,
Se profilent au loin, et peuplent notre esprit…
Quand sous l’œil de Vénus ou bien de Cupidon,
L’océan vous caresse, au gré de ses envies,
Le vent jaloux vous sculpte, en digne Pygmalion!


LA LORELEI
Tel Ulysse, charmé par le chant des sirènes,
Voyageur au long cours qui sillonne le Rhin
As-tu, prêtant l’oreille, ouï dans le lointain
Comme un étrange appel en la brise pérenne ?
La voix descend du roc vers le flot qui l’entraîne,
Ondoyante et fluide en ce magique écrin,
L’âme est mise en déroute et le cœur cède, étreint
D’une troublante angoisse, à l’ode souveraine.
Lorelei ! Lorelei ! D’où te vient ce désir
D’égarer le passant ? Est-ce pour assouvir,
De quelque trahison, l’implacable vengeance ?
Combien de Lorelei jalonnent nos chemins ?
Romances trompeuses pour tristes lendemains.
À ces airs perfides, ne faisons allégeance.
Jeanne FOUCHER Décembre 2004
Rendez-vous galant
"Je dois, gentille armoire, être à mon avantage
Car je vais rencontrer ce beau brun ténébreux
Qui m’offrira peut-être un baiser langoureux."
Ainsi parlait Mina, du haut de son nuage.
Cette jupe à volants et ce joli corsage ?
Non ! L’ensemble, vraiment, n’est pas des plus heureux !
Et ce décolleté, est-il bien généreux ?
Cette robe est trop courte et celle-ci trop sage !
Et le sol est jonché de vestes, de manteaux,
La pièce alors ressemble aux bazars orientaux.
Le choix est délicat, c’est sûr, il faut l’admettre !
Elle jette alentour de perplexes regards,
Toute nue au milieu des vêtements épars
Et dit en soupirant : « Je n’ai rien à me mettre ! »

Sans oublier le sonnet d'Arvers

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