Pour l'historique de la fable et les textes d'auteurs, cliquer sur le livre
Nos fables et autres poèmes humoristiques
La Mouche et le Papillon.
« Amie » dit un jour à la Mouche
Le Papillon tout tremblotant :
« Aujourd’hui nous vivons des temps
Qui pour le moins nous sont farouches.
Butiner, c’est une aventure
Qui nous épuise chaque jour,
Car disparaissent tour à tour,
Toutes les fleurs de la nature.
Au soleil, dès ses premiers rais
A son couchant où tout se dore
Je vas, je vais, je tourne encore
Cherchant la fleur et ses attraits.
Celle-ci au bord d’un chemin,
Toute mouillée d’éclaboussures,
Vit beaucoup trop près des voitures
Et connait peu de lendemains.
Et celle-là qui crut bien faire,
Dans un champ refuge a trouvé
Sur lequel on a cultivé
Des OGM ! Quelle misère.
Cette autre, dans une maison
A la fenêtre grande ouverte,
Grands Dieux, me semblait toute offerte !
Elle était fausse ! Quel poison !
Une autre s’est laissée couper
Pensant vivre des jours meilleurs
Dans un beau vase avec ses sœurs,
Mais elle n’a pas résisté. »
La Mouche, se frottant les ailes
Et les mandibules, oyait
Le papillon qui tournoyait
Incessamment tout autour d’elle.
Interrompant son compagnon
Elle dit à notre victime :
« Que ne suivez-vous mon régime ?
On trouve partout des étrons !»


Affabulafable
La corneille fit un bon mot elle est noire mais fort intelligente.
On aurait plutôt attendu cela du geai gai luron bien qu'effaré sans cesse
l'âne trouva la formule hihanlarant et partit dans ses hoquets tonitruants
les singes menèrent tout un tapage les hurleurs surtout au gosier profond
la hyène ricana envieuse qu'elle était du succès d'autrui
un cygne trompeta et les canards accentuèrent leur sourire
le renard aussi mais était-ce pour la même raison il s'approcha doucement du bord
le hérisson trouva cela piquant le porc-épic approuva
les bulles de l'oursin semblèrent s'iriser
les bœufs se tenaient les plats de côte les moutons suivaient le mouvement
à en perdre l'haleine ce qui amusait les chèvres facétieuses de nature
les poules s'interrogeaient encore et le coq plastronnait comme à son habitude
il n'avait rien compris mais son ego se régalait du succès auto-attribué
le chat plissait les yeux et restait sur son quant à soi
la corneille n'est point sotte et il cherchait le sens caché
quant au RIRE de la baleine ce fut tout autre chose
ses éclats fusèrent jusqu'au ciel où ils créèrent les étoiles
la bonne étoile aussi
seul le loir ne dit rien il s'était rendormi si tôt
Daniel-Claude Collin / avril 2020




L’ibis
Un ibis et une corneille
Sur une branche de figuier
Semblaient veiller dans son sommeil
Un archer.
L’ombre glissait sur l’indolence
Du tendre jouvenceau, défait,
Que l’échassier dans son silence
Admirait
Tandis que la sombre corneille
Décrépite comme un panier
Ne savait que rompre l’oreille
Et crailler.
Soudain le soleil, sans voilage
Frappa le dormeur étendu,
L’oiseau blanc ouvrit son plumage
Au-dessus.
« Qu’il est drôle » dit la luronne
En raillant le geste attendri,
Ce riant elle fienta sur l’homme
Et s’enfuit.
Quand l’archer furieux sous l’insulte
Chercha ... seul, l’ibis était là,
Il ajusta sa catapulte
Et tira.
Sans preuve ou aveu véritable
À tout crime, on a ce qu’il faut,
L’innocent, présumé coupable
Par défaut.

Le Renard et les conseils de César.
(Fable)
Le Renard débuta dans la haute finance,
tel l’Ecureuil agile à l’affut dans son nid,
dominant les marchés, avec grande appétence
de réserves qu’il mit prudemment à l’abri.
Après ces premiers pas, le Goupil, déjà riche,
s’essaya derechef sur un autre filon :
c’est dans la politique où, se montrant fortiche,
qu’il prouva brillamment qu’il possédait le don.
Etant fin connaisseur de la littérature,
il suivit les conseils de César, le Romain,
selon qui, pour régner – et pour que cela dure ! –
il faut que l’ennemi se divise en chemin.
Afin de parvenir seul à la gouvernance,
il choisit pour cabots, un dans chacun des camps
qui, faute d’unité, perdirent toute chance
de devenir dès lors de possibles gagnants.
Moralité :
Sans chef de fil charismatique,
la bataille des moins que rien,
depuis toujours en politique,
tourne au profit du plus malin !
Michel Bartha May sur-Orne, le 18 février 2020.
La grenouille a mal à la tête
La grenouille a mal à la tête,
Elle se confie au canard
Toujours poli à son égard,
L’œil curieux et l’oreille prête.
Ai-je le coronavirus,
J’ai aussi quelques courbatures
Et un peu de température,
Dois-je chercher dans le Cyrrus
Un grand connaisseur, un Nimbus
Qui a tout appris dans les livres,
Qui vous dit comment il faut vivre,
Manger et faire l’amour en plus ?
Le canard n’est pas si savant…
Il est sage. Il parle nature,
L’oiseau, le ciel, l’eau, la verdure
Et l’amour au gré du courant.
Pour la grenouille c’est un sot….
…Nimbus l’augura névrotique !
Donna à prendre un narcotique
Et lui demanda cent euros.
Quand il rentre des pâturages,
Le canard voit la mare en deuil,
La grenouille est dans un cercueil
De roseaux et de joncs sauvages.
Que n’a-t-elle entendu le sage ?
Mais celui-ci n’a pas d’écho
Et l’erreur revient mot à mot
Se transmettre dans l’héritage.
Irène Gaultier-Leblond /5 avril 2020


Le coq du Père Antoine
Le père Antoine avait un coq
Qui un beau jour lui fut volé.
Il en reçu un si grand choc
Que l'on pouvait s'en s'inquiéter.
Désespéré, il a promis
Forte récompense à celui
Qui lui rendrait son tendre ami.
Mais en vain, il attendit.
Fou de colère, il proféra
Des menaces à tout va !.
Sans succès encor' une fois.
Son bien-aimé ne revint pas.
Alors, avant de s'effondrer
De rage, il se mit à hurler :
- "Si mon coq ne revenait
Comme mon père, je ferais !"
Dès le lendemain surgit
Son voleur contrit qui lui dit :
- "Ce que ton père a fait
Vraiment tu l'aurais fait ?"
- "Certes oui ! et sans répit."
- "Et ton père, qu'a-t-il donc fait ?"
- "Mon père ? Il n'a pas eu le choix...
...Un autre coq il racheta."
Moralité ?
A malin, malin et demi !
FIÈVRE FOLLE
Ô plaisir du confinement !
Tous les matins à ma fenêtre,
Je regardais passer cet être
Au merveilleux déhanchement !
Elle réajustait son bas
Lorsque s’arrêtait son caniche
Et je voyais ses jolies miches
De pain sortant de son cabas.
Allait-elle chez son amant ?
Elle n’en laissait rien paraître ;
Je me disais, demain peut-être
J’oserais (oh très galamment)
Lui dire : « Entrez dans ma maison !
Asseyez-vous, ma demoiselle.
Voulez-vous un thé aux airelles ?
Il fait bien froid pour la saison. »
Je lui ôterai son manteau,
Elle n’en sera que plus belle ;
Dans une petite coupelle
Je lui servirai des gâteaux.
Ses gestes seraient si menus
Et sa bouche si séduisante !
… voilà que pris dans la tourmente
Je commence à me mettre nu !
Je me couche contre ses seins ;
Je n’en peux plus, je suis en nage !
Je tombe sur le carrelage
Serrant dans mes bras… un coussin !
Furieuse ma femme accourt,
Me recouche dessous ma couette,
Ramasse les morceaux d’assiettes
Et me sert un méchant discours :
« Dormez, mon pauvre olibrius !
Celle à qui vous tendez les lèvres,
Celle qui vous donne la fièvre
A pour nom « Coronavirus ! »


HUMOUR INCOMPRIS
Je m’en vais vous conter comment mes premiers vers
Furent très peu goutés et jugés fort pervers :
Un jour d’adolescence et en toute innocence,
Sans vouloir le fâcher ni lui faire offense,
En voyant mon beau père prendre tant de peine,
A vouloir reboucher bouteille demi pleine
Dont le bouchon de liège trop mal calibré
Dans le col, vert, étroit, se refusait d’entrer
Pour encouragement, je lui dis tout de go
La maxime a jailli : ce n’était qu’un bon mot
« Enfonce Alphonse ! »
Mes parents de concert en furent très choqués
Vraiment l’humour adulte est fort alambiqué !
Précisons que mon père s’appelait René
Je n’ai pas vu l’insulte
Je n’étais pas adulte.
Quand l’humour...
Peut-on rire de tout ? Il faut s’interroger.
La pandémie virale en est un bon exemple.
Un groupe de poètes s’était donné pour thème
L’humour devant prendre forme d’une fable.
L’instant semblait propice, le printemps arrivait ;
L’on pouvait escompter une humeur joyeuse !
Pourtant, c’est au drame que les temps ont viré.
Si le propos est grave, légère en soit la forme !
A nos maux, il faut bien tenter de résister.
Alors de ce fléau, écrivons une fable.
Un jour, d’un pangolin, un virus échappé
S’en alla à l’assaut de cellules humaines
Nature dévastée offrait vaste passage.
Virus allant bon train, cogna ici et là
En un éclair, il fit le tour de la planète.
« Que les humains sont sots » dit le malin virus.
« Ils ont voulu régir le monde et ses richesses.
Incontestablement, ils ont perdu la boule,
A découper la sphère en pays concurrents,
Puisant, puisant encore pour se sentir puissants,
Dans cette frénésie mondiale et financière.
Au nom de leur dieu Croissance Économique
De la Nature ils ont gaspillé les largesses.
Ils en ont oublié le sol où ils marchaient ! »
La santé concédée à la vile appétence,
Virus put infliger l’implacable sentence.
Confinés, Confinants, eurent bien des revers
Quand ils ne furent pas tristement abattus.
Si le discours fut long, pourvu qu’on me pardonne,
On pourrait tant encore compléter le propos.
Ressaisis-toi Ô l’homme, oublie ta faim vorace !
De ton milieu révère les humbles créatures.
A te considérer maître de l’univers,
Nature te rendra ton manque de respect !
cg


DECLARATION D’HUMOUR
La légende d’un siècle
Un site magnifique avait conquis Perlette;
Au jeu, elle se pique, et surfe sur le Net.
Vite, elle fait son choix, irrépressible envie :
« Il faut que je le voie, c’est l’homme de ma vie ! »
Sans reproche et sans peur, elle court vers son destin,
Voici que sonne l’heure: rendez-vous clandestin !
Doit-elle rire ou geindre, observant son mari ?
Impossible de feindre, car l’autre, c’est bien lui !
L’homme cherchait fortune ; le voici pétrifié,
Laissant tomber la lune qu’il avait décrochée …
Sonnent faux les arpèges ; l’aventure est cruelle,
Lorsqu’elle prend au piège l’amoureux et sa Belle !
La surprise est de taille ; s’envolent les secrets …
Alors vaille que vaille, il faut improviser !
Et, si le ridicule, certes, ne tue jamais,
Même si je fabule, amis, réfléchissez …
Méfiez- vous du hasard ; son œil est diabolique.
Il peut, sans crier gare, répandre la panique !
L’Œil était sur le Net et regardait Perlette !
Moralité :
Chaque être est un diamant qui brille en maintes places,
Et taillé, c’est navrant, sur de multiples faces…
Mais l’humour, bien souvent, résiste à l’amertume.
Il offre à chaque jour, une jolie coutume …
Monique Renault
Nuisances sonores
Arrivée à la fin de sa tournée d’été,
La cigale, enrichie, put enfin s’acheter
Un bel appartement dans une résidence.
Notre chanteuse prit quelques jours de vacances
Avant de préparer son tout nouvel album.
Le chant, depuis toujours, était son seul opium.
Elle travaillait dur, faisait des vocalises.
Mais ses belles arias causèrent une crise.
La fourmi formulait son mécontentement
« Il vaudrait mieux aller au ravitaillement
Plutôt que sans répit agresser nos oreilles
-- Nous avons le bourdon, bougonnaient les abeilles
-- Ses chansons me hérissent, hurlait le hérisson
-- Quel tintouin ! Pincez-moi, s’exclamait le pinson
-- Je ne peux plus dormir hululait la hulotte,
-- Nous sommes des martyrs » marmonnait la marmotte.
À l’hiver agité succéda le printemps
Apportant un virus et le confinement.
La chanteuse attristée cessa ses chansonnettes,
Et tous se morfondaient, terrés dans leurs chambrettes.
« J’ai peut-être une idée, dit un jour la cigale,
Pour conjurer l’ennui, formons une chorale. »
L’insecte ovationné devint le chef de chœur,
Chacun sur son balcon, chantait de tout son cœur.
Moralité :
Il faut parfois un drame ou une épidémie
Pour qu’un méchant conflit connaisse une accalmie.



Le scoop
L’ânesse et le renard, chacun à sa manière,
Cherchaient un remède au poison
Qui dévastait le temps, l’espoir, la terre entière
Et dont tous deux taisaient le nom.
Le renard s’excitait dans sa course hâtive
Pour un scoop rémunérateur,
Au contraire l’ânesse, prudente et attentive,
Analysait avec le cœur.
Les suivait à distance un perroquet sauvage,
Que l’on appelait Facebooki,
Qui faisait des rumeurs et on-dit son breuvage
Sans contrôler ni quoi, ni qui.
Or la recherche hurlait au monde son urgence,
Il en allait de vie ou mort,
Il en allait peut être aussi de la finance
Qui pourrait bien y voir du tort ?
L’ânesse patiemment œuvrait dans le silence
Quand le renard, très sûr de lui
Pérorait et vantait chaque jour son avance
Suivi partout de Facebooki.
Enfin par un matin, il clama sa victoire,
Le perroquet s’en fit l’écho
Au monde entier, et le déboire
Fut à la hauteur du fiasco…
Et l’ânesse vainquit sans jamais se déprendre
Des doutes, conseils et acquis,
Il est souvent plus sage et avisé d’attendre,
La vérité est à ce prix.
Irène Gaultier-Leblond 18 avril 2020
Les oiseaux démocrates
Près d’un joli bosquet et d’une source fraîche
Où le ver et le fruit abondent de tout temps
S’élevaient fréquemment les nombreux piaillements
De maints volatiles englués dans la dèche.
« Pourquoi criait l’un d’eux ne pouvons nous manger
Ces vermisseaux ces fruits que vous accaparez ? »
Il s’adressait on l’a compris
A une caste de nantis
« Et nous devons attendre
sans nous défendre
Que d’une branche un jour
Par un heureux concours
Tombent de vos assiettes
Vos rognures, vos miettes !
Ce bosquet est à tous partageons ses douceurs ! »
Le slogan plut ici et la gente engluée
tournant leurs becs vers les noceurs
redoubla ses huées.
Au plus vert du taillis ceux qui faisaient bombance
Devant l’outrecuidance
des propos proférés par ces esprits grognons
Et pour se protéger des gnons
Qu’ils sentaient bien venir,
Pour ménager leur avenir
Ouvrirent les négociations.
Et comme ils voulaient se distraire
Ils proposèrent
Des élections.
Aussitôt tout en bas chacun veut être élu
Chacun propose alors un avenir plus juste
Et le premier hurluberlu
Pour le populo des arbustes
Promet la lune et les étoiles
Chacun à soi tire la toile.
On s’empoigne, on s’étripe, on crie, on vocifère,
Chacun s’écrie « laissez-moi faire ! »
Et tour à tour ils sont élus.
Le rose et puis le bleu et le plus bleu encore
tour à tour colore
leur talus.
Et dans les hautes branches
Près du soleil rieur
C’est tous les jours dimanche
Pour les accapareurs
© Christian Laballery (2012)

