Février 2021 : le temps (qui passe)

Textes d'auteurs
Quand vous serez bien vieille
Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle,
Assise auprès du feu, dévidant et filant,
Direz, chantant mes vers, en vous émerveillant :
Ronsard me célébrait du temps que j’étais belle.
Lors, vous n’aurez servante oyant telle nouvelle,
Déjà sous le labeur à demi sommeillant,
Qui au bruit de mon nom ne s’aille réveillant,
Bénissant votre nom de louange immortelle.
Je serai sous la terre et fantôme sans os :
Par les ombres myrteux je prendrai mon repos :
Vous serez au foyer une vieille accroupie,
Regrettant mon amour et votre fier dédain.
Vivez, si m’en croyez, n’attendez à demain :
Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie.
Pierre de Ronsard, Sonnets pour Hélène, 1578
Heures
Aumône au malandrin en chasse
Mauvais œil à l’œil assassin !
Fer contre fer au spadassin !
– Mon âme n’est pas en état de grâce ! –
Je suis le fou de Pampelune,
J’ai peur du rire de la Lune,
Cafarde, avec son crêpe noir…
Horreur ! tout est donc sous un éteignoir.
J’entends comme un bruit de crécelle…
C’est la male heure qui m’appelle.
Dans le creux des nuits tombe : un glas… deux glas
J’ai compté plus de quatorze heures…
L’heure est une larme – Tu pleures,
Mon cœur !… Chante encor, va – Ne compte pas.
Tristan Corbière, Les Amours jaunes 1873
Bien souvent je revois…
Bien souvent je revois sous mes paupières closes,
La nuit, mon vieux Moulins bâti de briques roses,
Les cours tout embaumés par la fleur du tilleul,
Ce vieux pont de granit bâti par mon aïeul,
Nos fontaines, les champs, les bois, les chères tombes,
Le ciel de mon enfance où volent des colombes,
Les larges tapis d’herbe où l’on m’a promené
Tout petit, la maison riante où je suis né
Et les chemins touffus, creusés comme des gorges,
Qui mènent si gaiement vers ma belle Font-Georges,
À qui mes souvenirs les plus doux sont liés.
Et son sorbier, son haut salon de peupliers,
Sa source au flot si froid par la mousse embellie
Où je m’en allais boire avec ma sœur Zélie,
Je les revois ; je vois les bons vieux vignerons
Et les abeilles d’or qui volaient sur nos fronts,
Le verger plein d’oiseaux, de chansons, de murmures,
Les pêchers de la vigne avec leurs pêches mûres,
Et j’entends près de nous monter sur le coteau
Les joyeux aboiements de mon chien Calisto !
Théodore de Banville, septembre 1841
Puisque j'ai mis ma lèvre à ta coupe encor pleine
Puisque j'ai mis ma lèvre à ta coupe encor pleine ;
Puisque j'ai dans tes mains posé mon front pâli ;
Puisque j'ai respiré parfois la douce haleine
De ton âme, parfum dans l'ombre enseveli ;
[...]
Puisque j'ai vu briller sur ma tête ravie
Un rayon de ton astre, hélas ! voilé toujours ;
Puisque j'ai vu tomber dans l'onde de ma vie
Une feuille de rose arrachée à tes jours ;
Je puis maintenant dire aux rapides années :
- Passez ! passez toujours ! je n'ai plus à vieillir !
Allez-vous-en avec vos fleurs toutes fanées ;
J'ai dans l'âme une fleur que nul ne peut cueillir !
Votre aile en le heurtant ne fera rien répandre
Du vase où je m'abreuve et que j'ai bien rempli.
Mon âme a plus de feu que vous n'avez de cendre !
Mon cœur a plus d'amour que vous n'avez d'oubli !
- Victor Hugo. Les chants du crépuscule 1836
De l’enfant que j’étais, au vieillard devenu…
Il était beau le temps
Où mes pommettes roses
S’érigeaient au vent.
Les genoux écorchés
Par les ronces
Au bord des sentiers oubliés,
Je m’en souviens encore.
…
Les feuilles mortes
Se sont envolées,
Ont tout emporté
Avec elles,
Souvenirs et passé.
…
De l’enfant que j’étais
Il ne me reste plus que
Des rides,
Des sourires,
Des cheveux blancs.
Au vieillard devenu,
J’ai oublié le temps…
Sandrine Davin
Avant que je sois né…
Avant que je sois né ces sentes odorantes
Recevaient déjà l’ombre aimable de leurs ifs.
L’esprit régnait serein sur les fleurs d’amarantes
Cachant presque l’entrée du jardin aux massifs…
Des enfants y ont ri, jouant à cache-cache,
Ont grandi, sont partis oubliant leurs secrets
Puis revenus bien vieux revoir sans qu’on le sache
L’endroit des temps heureux qu’à mon tour j’aimerais !
Maintenant c’est moi seul qui entends le murmure,
Accompagné de chants d’oiseaux ensorceleurs :
Deviendrai-je bientôt cette ombre de lémure
Que d’autres verront quand ces lieux seront les leurs ?
Jean-Charles Dorge, L’Exil du jour 2012
💕Je bouscule le Temps
Pour qu'il se hâte
Oublieuse de ses marques
Sur mon corps déjà piégé
Je défie le Temps
Souverain il me toise
Tandis que je m'effrite
Année après année
Je dynamite le Temps
Il explose
Je me moque de ses gouffres
J'invente des échappées
J'ai effacé le Temps
Je n'ai plus d'âge
Je suis au présent
Je vise l'inexploré !💕
Andrée Chedid- (Rythmes)
Nos poèmes ...
Des mots
Tout s’écrit, tout se crie,
Mais le temps passe
Et les mots qui coulent sont en vain,
Le temps passe
Et je suis la pente ou le ravin,
Le temps pèse
Et le ciel appuie sur mon destin.
J’ai trop bu de causes et de pourquoi,
J’ai trop vu d’ahuris et de narquois,
J’ai trop lu de folies et de philosophies.
Le temps passe
En vain.
Si j’accrochais ma plume aux heures qui s’écoulent,
Si elle suivait la courbe qu’elles dessinent,
Si je pouvais compter les mots
Et les peser.
Mais le temps passe
Et les mots qui coulent sont en vain.
Si je pouvais mieux dire tout ce que je ressens,
Si je pouvais mieux lire ce que les autres sont,
Si je pouvais écrire en égrenant des mots,
Des vrais, des purs, des fulgurants
Et les sécher.
Mais le temps pèse
Et les mots qui coulent sont en vain.
Extrait du recueil "Le fil du temps" septembre 2002



Le temps qui passe…
Le temps qui passe se ressemble
jour après jour, nuit après nuit
et, bien qu’on soit toujours ensemble,
un petit bout de soi s’enfuit.
Pourtant le virus nous confine
entre les murs de nos maisons…
Comment se pourrait-il, in fine,
qu’un jour nous disparaissions ?
Boire et manger c’est nécessaire,
car il faut sustenter le corps
et, pour l’esprit, comme un repère,
demeure la lecture alors.
Un peu de chacun peut survivre
grâce à l’adresse de sa main,
et ce qu’il a conçu délivre
bien des secrets de l’être humain.
Epargnés par la mort des heures,
il reste aussi tous nos écrits
disséminés, comme des leurres,
le long des échos de nos cris !
May-sur-Orne, le 30 novembre 2020.
Aux confins
Danseur de corde sur les lignes tendues
du calendrier inflexible
il y a peu hier peut-être je
entre les heures entre les jours
dévoreurs d'années au gré des nuits
en déchirures d'orages en broderies d'étoiles
au matin comme au soir ouverts
à mes désirs
à mes rêves
à mes démons
au cœur des brouillards asservis
d'ignorance
d'indifférence
d'égarement
danser en déséquilibres aguicheurs
des jours étroits
a u x j o u r s s a n s f i n
le cœur étourdi ou léger selon le sacre des paroles
Puis en cette heure brève
cœur lacéré
deux coups de griffe rageurs
abîme soudain exaspéré d'attendre encore
fuite éperdue du temps esprit égaré nuit brutale
Les gens en charge des secours m'ont ramené
d'outre là-bas
leurs bras leur souffle m'ont arraché deux fois
à la signature avide
Mais « elle »
« elle » m'a signalé
« elle » m'a asséné sa présence
« elle » s'est dressée en moi
« elle » me tient la bride courte
horizons hagards
rêves en errance désormais
« ombre » intérieure
en spectatrice qui assigne le monde à sa guise
pour un moi-étranger- intime tout juste libre de penser
m'épuiser d'élans avortés
en échappées sans longues promesses


Le temps
Je m’en allais en m’baladant,
La tignasse au grand vent,
L’esprit libre pensant,
Et la pomme croquant.
Je revenais bien heureux,
L’étincelle au fond des yeux,
Tel un penseur preux,
À en faire des envieux !
Au passé comme au présent,
Traversant le temps,
Je vous croise souvent,
Les hommes, les femmes, les gens.
MEMOIRE D’UN PRINTEMPS
Souvenirs de jeunesse, illuminant nos jours,
Nous vivions exaltés par des pensées rebelles
Et nous nous élancions, accrochés à l’Amour…
Il est vrai qu’en ce temps, nous déployions nos ailes…
Nous écoutions Brassens, Brel ou Léo Ferré.
Les Beatles, Rolling Stones, déchaînaient les passions.
Nous dansions sur un slow ou un rythme effréné,
Brandissant l’étendard de la révolution !
Quand nous voulions crier, refusant les murmures,
Vers une renaissance, avançait l’avenir…
Affiches et slogans habillaient tant de murs…
Nous écrivions l’Histoire ponctuée de nos désirs !
Les rues se nourrissaient de manifestations…
Pour recueillir les fruits de la persévérance,
Nous tentions de résoudre d’ingrates équations…
Nous cultivions la joie d’une grande espérance.
Façonnés d’idéaux et de valeurs humaines,
Au nom de l’amitié, nous combattions alors…
Dans de tristes usines, pour juguler sa peine,
L’ouvrier faisait front et il y croyait fort !
L'esprit des philosophes éclairait l'étudiant. Les voix de Jean Paul Sartre et De Beauvoir Simone
S’ élevaient avec force, quand leurs cœurs véhéments
Militaient sans relâche, brillant à La Sorbonne.
Si le passé éclaire chaque moment présent,
A l’heure des bilans, mon destin s’achemine.
J’en remonte le cours; je me fonds dans l’instant
D’un poème envolé que ma plume dessine…


Vanité
Miroir, ô mon miroir
Dis-moi que je suis belle
Priait la jouvencelle
Au cœur empli d’espoir.
Ton délicieux visage
Ton sourire avenant
Reflètent, mon enfant
Une charmante image.
Je le dis sans détour
Ta silhouette gracieuse
Et ta bouche enjôleuse
Appellent à l’amour.
Mais tu es peu de choses
Et le temps est ingrat,
Ta beauté fanera
Comme fanent les roses !
Le slam du temps qui passe
Il y a le temps qui passe et le temps qui revient,
Celui qui me dépasse, celui qui me retient.
Celui qui me poursuit et qui me fait courir,
Le temps qui déconstruit et qui me fait languir.
Il y a le temps des autres, jamais le temps à soi ;
Le mien comme le vôtre sans qu’on sache où il va.
Le temps de la clepsydre, le temps chronométré
Le temps de savoir vivre, ou de savoir compter.
Il y a le temps sans fin d’aujourd’hui comme hier
Du mal et de la faim, de la honte et la guerre…
Il y a tout ce temps et pourtant, et pourtant
Il y a le printemps et il y a l’enfant.
Il y a le temps des fleurs, et le temps du partage
Et puis celui du cœur et celui du courage
Il y a le plaisir des unes avec les uns,
Il y a le désir et il y a demain.
Il y a ce temps-là qui espère malgré tout
Et c’est pour ce temps-là que je reste debout.
Irène Gaultier-Leblond 29 janvier 2021


JOUR GLISSANT
Le jour glissant glissait
En fermeture Eclair
Sur robe espace temps.
La lune éclaboussait
Etalait son mohair
Lambeaux d’or et d’argent.
Le jour glissant glissait
Vers nouveau jour impair
D’un soleil jaillissant.
Une aube apparaissait
Nouveau chant, nouvel air,
Jour nouveau et pourtant,
Le jour glissant glissait
En fermeture Eclair
Sur robe espace temps.
Danièle MANOURY CAEN LE 26 JUILLET 2020
Bonheur des saisons
Bonheur de printemps
Très clair
Qui tinte haut et juste
Qui se dit à voix pleine
Dans un ciel sans nuage
Enfin
Le manteau qu’on retire
Le visage au premier soleil
La fenêtre qu’on ouvre
Et tous ces petits risques qu’on prend avec délice
Ne plus se méfier de l’air du temps
Enfin.


Bonheur d’automne
En plein novembre
Intact, précieux, toujours inattendu
En pleine nuit
En pleine pluie
En pleine déroute
Soudain, la splendeur sauvage des arbres fauves
Comme un éclat de soleil dans un morceau de verre

Bonheur d’été
Très excessif
Presque trop mûr, presque trop lourd
L’odeur des chaumes, la soif d’eau et de rivière
Le goudron qui fond en bulles noires
Quelque part, en sourdine
Le sang qui cogne aux tempes
L’imperceptible ennui des heures de sieste
Au ventre, un désir vague comme une houle.

Bonheur d’hiver
Lent et silencieux
Des branches noires sur un ciel rouge
La terre est froide et en sommeil
On sait pourtant que le printemps s’y cache
Et qu’un matin très pur
Il y aura sous la fragilité de la neige
La tenace témérité de la première fleur de l’année
Ce temps qui ne passe pas !
Le temps passé est très pressé
Le temps présent traine des pieds.
Où sont donc les belles années,
Qui célébraient la liberté ?
C’est dès lors, écouter et lire.
Boire, manger, dormir, écrire.
Attendre encore sans sourire,
Pour qui est vieux, déjà mourir.
Tchatcher sur les réseaux, de rien,
De tout et croire au magicien
Qui nous fera le plus grand bien,
Quand sera prêt le grand vaccin.
Ce temps hostile ne bouge pas,
Comme figé dans ses frimas.
On entend Abracadabra
Proclamé par tous les médias.
Le bon vieux temps est révolu,
Ce temps nouveau n’écoute plus,
Car, de bon sens, est dépourvu,
Mais riche de gros corrompus.
D’êtres cupides et hypocrites,
De vrais véreux en visite,
De faux hippocrates en orbite,
Aimant l’autosatisfecit.

Tant que l’on rit, voyage et chante,
Tant que l’on danse sur scène brillante,
Tant que la muse sera soignante,
L’idée du temps n’est pas prégnante.
Ce temps est passé par ici,
Or, de guerre lasse démenti,
Il sera jeté aux oublis,
Des moments tristes et pervertis.
Il repassera donc par-là,
Rayonnant de tous ses éclats,
Libre et vibrant sans omerta,
Ce sera fête à l’opéra !

I
plein- instant malgré le sort
(à) de divines étoiles qui comptent
leur pulsation aux notes du cœur
une parole de danses éprises
d'une séminale clarté (par l'outrance)
navré sous l'horloge pendue
il ignorera le shoot des aiguilles
et les ralentissements du doute
la feuille qui s'immisça- et s'épuise
aux belles proies d'un projet
(si le silence- si l'absence)
sous les arbres sous le vent digressent
d'ignorantes petites études
qui prennent le temps par paresse
et pour hâter la solitude
de(s) nuages inconstants


III
peine à l'oubli qui s'y terre
l'absent ne sachant plus son nom
ouvre son visage au sourire
que lui tend le désespoir
avec sa rime passagère
(sa limite secrète)
dose à l'instant éprouvé
qui s'agite dans son ombre
comme un fou sans sa bannière
il plie et s'avance
il ne pavoise qu'ivre
et plaie sans patience
- le cri heurté
honte à qui persévère
le projet d'un événement
accuse toutes les horloges
indécemment il se retourne
(ce pervers vibrant)
un baiser sur la lune
II
soudain le vent déplie les nuages
de formules en vagues tristes quittant
le ciel pour le rêve attentif
et l'espace des horloges
qui remuent dans les angles
s'ils suivent la distance
de vieux écrits qui patientent
(l'argent comme du sang tourne)
exigeant qu'on les lapide
et qu'on traduise cette présence
avec la même langue qu'on respire
du souci invoqué sur la page
rien ne résiste- que l'écoute
la délicate esquisse de l'oubli
sommant la nuit de revenir
tel il s'invente
tel il glisse
et se fixe


Le temps qui passe
Le temps passe sans merci
Amenant la nostalgie.
Ma jeunesse il a repris,
Ses amours et ses envies.
Il a remporté aussi
Un bon paquet de soucis.
Certes oui ! passe le temps,
C'est son rôle évidemment.
Sans lui tout serait figé
A jamais déterminé.
Le temps fait germer la graine,
Engendra l'espèce humaine.
Il faut bien le reconnaître
C'est le temps qui m'a fait naître.
Si la nostalgie surgit,
C'est que le temps est aussi
Synonyme de "fini".
oOo
Alors, pas trop ne pleurons !
Et de l'instant profitons !
Il est nouveau chaque fois,
Mais il ne reviendra pas.
Le temps passe, c'est ainsi !
La Vie est dans l'Aujourd'hui,
Ce moment d'éternité
Sans cesse renouvelé.
----------
Au milieu de deux temps
Matin tonitruant et agité,
Que je vis aujourd’hui.
Après une tonique soirée,
Empreinte d’une douce folie.
Matin tonitruant et agité,
Que je vis aujourd’hui.
Avant que nous soyons mariés,
Et nous aimions pour la vie.
Aujourd’hui est une belle journée,
Au milieu de deux temps,
Auprès de ma bien-aimée,
Et d’un nouveau commencement.

Dès le premier moment de la naissance
En ce jour de réjouissance
Les larmes de joie en abondance
‘
Enfin la vie en indépendance
Nu devant la Connaissance
Fière de son importance
Avec l’âge en clairvoyance
Nourrisson descendance
Colorant de sa confiance
Exhalant l’alliance
Antre de l’aisance
Lumière de bienveillance
Aucunement la distance
Vite la délivrance
Inévitable attirance
Entrez, dépendance !
Instable allégeance
Leçons d’enfance
Livres d’adolescence
Ecrits de la déchéance
Souvenirs d’élégance
Souvenirs d’obligeance
Examen à votre convenance
© Krystin Vesterälen – 03 février 2018

Le temps
Où est-il passé, le temps
Que ne vit jamais personne
S’attarder plus que le vent ?
Jamais on ne l’emprisonne.
La seconde à peine offerte
S’écoule sans revenir.
Vouloir le temps retenir
Ne serait que folle perte.
Ils ont filé, leurs printemps
En ravissant leur jeunesse.
Mais à cumuler les ans
Les ont saupoudrés de sagesse.
Jamais n’est perdu, le temps,
Celui où la joie essaime.
Qu’il est heureux le moment
De faire ce que l’on aime !
CG



NOSTALGIE
Où sont mes poèmes d'antan
où sont mes vers
éclos de mon cœur d'enfant
ignorant de la guerre
que me dicte mon cœur ?
que sont devenus mes rêves de naguère
de mon âme en gerbe jaillissant
par milliers et par cents
formant tout mon univers'
Qu'est devenu mon cœur ?
...hardi et fier,
vous tous mes amants
meurtri, blasé de vos tourments
d'aujourd'hui ou bien d'hier
Oh, mes chers père et mère
bercée encore de vos prières
tout mon être vous est reconnaissant
de se rappeler la douceur de ces ans….
Je ne sens plus ce cœur
Maintenant...
TEMPS PRESSE
Pressé comme toujours : « Je ne fais que passer »
me dit-il en courant. — Bon, à bientôt peut-être ?
« — Je ne reviens jamais. Ne puis me le permettre »
me lança-t-il enfin. « N’ai pas où me poser »
De fait, comme le vent il passe et puis s’envole
et nous, pauvres humains, restons sur notre faim
à la traîne toujours, accumulant sans fin
rêves audacieux ou projets plus frivoles.
Pourquoi vouloir courir après ce temps narquois
Est-ce pour le tuer par des enjeux futiles
à défaut d’autres buts sans doute plus utiles ?
Savoir mieux le gérer nous serait bon parfois.
Jeanne FOUCHER Février 2021

Comme le temps passe

Orphée

Le temps du jour
De la fleur aux pétales-paupières,
Le temps des saisons
Aux arbres renaissants,
Le temps si long
Des montagnes de pierre,
Modelées par la pluie des siècles
Qui s'écoulent.
Le temps seconde
De la puce qui saute,
Le temps suspendu
Du chat noir aux aguets,
Le temps lourd et puissant
Qui trompe l'éléphant,
Le temps de la vie qui s'écoule,
Tout simplement.
Le temps qui passe
le temps navigue
au long cours
en un long cabotage
d'un jour à l'autre
Le temps s'effeuille
en éphémérides implacables
aussitôt dénudées
aussitôt rechargées
le temps navigue à vue
sans horizon plausible
d'escale en écueil
et d'écueil en escale
Le temps fait du cabotinage
quand il s'étire
aux heures d'été
pour mieux nous leurrer
le temps navigue à vue
à courte vue pour nous
ignorants et pressés
mesurés à quelle aune

Clepsydre.
Chimère tout ça disait-on
De chaque nouvelle invention !
Et le bélinogramme est né,
Et la fée électricité.
Icare s’est fait déborder
Et le stylo s’est éclipsé
Sous le SMS encodé.
L’inventeur offre la lumière,
Le suivant l’outil et la main,
Avant d’être à leur tour demain
Ancêtres d’une autre chimère…
Ainsi s’écoule la clepsydre,
Ainsi le temps, ainsi la vie !
N’évoquera plus la bougie
Que la brodeuse dans un livre.


LE TEMPS SUSPENDU
Le temps s’en va, le temps s’en va, ma Dame,
Las, le temps non, mais nous nous en allons…
Vos rimes, cher poète, assombrissent les âmes…
Je sais, Monsieur Ronsard, que vous aviez raison !
Les heures qui défilent, les minutes me pèsent….
J’ai ôté, ce matin, les aiguilles de l’horloge.
Mon âge est immobile, alors j’en suis fort aise !
Au carcan de l’horaire, désormais je déroge…

COULEUR
Couleur du temps
Coule l’heure du temps
Est-elle grisaille que cisaille une tenaille ?
Couleuvre du temps
Coule l’œuvre du temps
Est-elle la ride translucide qui se dessine
En ombre sur l’étang
En nombres sur les temps
Eclair, anguille, grenade, torpille qui s’éparpille ?
Ce temps qui pleure
Plus qu’à son heure
Pour un sonneur
Qui s’égosille et éparpille toutes ses trilles
Regard des astres
Répand désastres
Temps qui s’enfuit en une nuit à l’infini
Temps qui se meurt
Pour un semeur
D’éclat de billes, regard de fille, qui entortille
A la bonne heure
Répand bonheur
Doré, soyeux comme les yeux d’un doux chartreux.
Danièle MANOURY CAEN LE 2 FEVRIER 2021
En deux temps trois mouvements
haïkus
Mouvant et fugace,
Espiègle bruissement d’ailes,
Ainsi va le temps.
* - * - *


Plutôt que courir
Après le temps perdu
Penser une halte.
* - * - *

D’avoir fait son temps,
Tant de Bien il a semé,
N’eut aucun regret.
CG
S’écoule le temps.
De l’instant qui caracole
Cisèle un diamant.
* - * - *

Quand vient l’anicroche,
De patience et de temps
Peut naître merveille.
* - * - *

Temps
Quand je serai grand …
s’impatiente l’enfant bâtisseur d’avenir
Si j’avais su …
se lamente l’adulte encombré de regrets et de remords
alourdi de rancœurs et de rancunes.
Temps
qui parfois nous console,
mais toujours nous vole
force et beauté,
innocence et illusion.
Temps
dont les heures s’allongent sans fin
ou s’enfuient à tire d’aile.
Temps
implacablement compté.
Envolées à jamais ces parcelles de vie
que l’encagement nous dérobe !
Temps
que l’on peut perdre ou retrouver,
gaspiller souvent, tuer parfois.
Juste vengeance !
car il nous entraîne dans un voyage sans retour,
wagonnet halluciné d’un manège diabolique.
Est-ce le néant au bout du chemin ?
Qui est-il ?
Chronos, vénérable vieillard aux ailes noires ?
Ou bien Cronos, titan sanguinaire dévoreur d’enfants ?
Pour oublier le sablier
prier … peut-être, créer … sans doute,
vivre l’instant présent
assurément !

LE TEMPS QUI PASSE
Où t’en vas-tu, ô Temps, toi qui toujours fais place
à nos lendemains et qui nous quitte sans bruit,
insaisissable et prompt, si souvent trop fugace
comme l’eau qui s’écoule entre nos doigts et fuit.
Tu te fais lent parfois et cela nous agace
car l’attente pénible est porteuse d’ennui.
Plus souvent, tu nous presses et cela nous harasse
tant nous avons à faire et, surtout, nous séduit.
Insensible à nos plans frisant parfois l’audace,
tu passes indifférent à nos rêves fortuits
et nous nous retrouvons comme au fond d’une impasse
inquiets et déçus en redoutant la nuit.
Mais il arrive aussi que, clément, tu effaces
un souvenir pesant, songe qui nous poursuit.
Tu nous permets alors de faire volte-face
et, d’un revirement, nous cueillons tous les fruits.
Jeanne FOUCHER Février 2021
Quand le passé fait envie
Souvenirs regrets nostalgie
pour tous c'est cela la vie
un tourbillon géant puis l'accalmie
avec les ans l'ambition est partie
Sous les yeux quelques photos
qui emportent bien des années plus tôt
vous les enfants tout juste ados
et moi avec moins de kilos
la philosophie a pris le pas
s'est substitué à nos combats
sur le papier nos amours les voilà
bonheur des jours anciens et d'être là
Tom Laura exposés sur les murs
posent innocents gais et purs
à leur taille leur âge se mesure
ils sont l'espoir qui rassure
Comme on aimerait jusqu'au Ier janvier
ne pas égrener les feuilles du calendrier
ni se contenter des feuilletons à la télé
parce que la vie se passe à côté
quand celle-ci n'est plus qu'une illusion
le cœur battant pour des romans-feuilletons
qu'il est bon d'avoir des « rejetons »
pour que de son amour on fasse don
Tout est alors axé sur les gamins
le bonheur des anciens est dans leurs mains
ils rient et souffrent de leurs chagrins
ils prient pour influencer leur destin
les yeux toujours tournés sur les photos
dans leur fauteuil bien au chaud
les vieux aux années tournent le dos
pour se retrouver quarante ans plus tôt
souvenirs regrets nostalgie
pour tous c'est cela la vie
un tourbillon géant puis c'est fini
avec les ans le passé fait envie


Nie le temps...
Pour confirmer le titre les rimes ne sont que nie et temps…
Oser le prononcer, ce temps,
En litanies,
Et le compter en décennies
Ou en printemps.
Oser le raconter, le temps,
En calomnies,
Fleurir ses heures bénies
De plaisirs indéfinis,
Tous finis
Depuis longtemps.
Oser rêver le temps,
Combler ses insomnies
Des joies d'antan,
Dans la dysharmonie
De l'instant.
Jusqu'à y renoncer, au temps :
Douce agonie.
Va-t-en.
Dernière cérémonie.


L’envol des jours
Passent les jours et les semaines,
Les jours de joie, les jours de gêne,
Jours de départ et jours d’étrennes,
Jours où l’on court à perdre haleine,
Jours de cadence enfin sereine,
Jours de sagesse ou de fredaines,
Amours qui vont, amours qui viennent.
Printemps couleur de porcelaine,
Hivers obscurs comme l’ébène.
Le sablier sans fin égrène
Les vieux accords de sa rengaine.
L’issue, hélas, en est certaine
Il faut un jour quitter la scène.
La nostalgie demeure vaine
Quand ceux qu’on aime, un jour de peine,
Partent et jamais ne nous reviennent.
Mais la mémoire est incertaine,
Au fil des jours ils ne deviennent
Que souvenance un peu lointaine,
Clichés sépia, photos anciennes.
Le temps d’un Haïku
Les années s’effacent
Le temps entre mes doigts glisse
Toute une vie passe

... et un peu de prose
L’horloge d’espoir
Une force d’espérance
Au regard de cette horloge rompue entre deux temps, la douce dame commence réellement à comprendre que le passé doit enfin cesser de l’envahir. Dans la chronologie de sa vie, au fil des ans, c’est comme si l’avant s’était endormi, que les jours présents permettaient une coupure pour que fleurisse l’après. Cette femme oublie et entraperçoit un futur ouvert à la lumière, positif ! Dans cette rupture, ses valeurs propres, celles qu'elle a toujours senties comme fondamentales, les meilleures, les vraies, celles qui la constituent, Madame décide de les conserver précieusement, comme un héritage.
L’horloge symbolise le temps qui passe, sonne les heures et annonce les matins, puis les nuits de Lune. Avec les fragments de l’horloge cassée, les temps anciens s'effacent, leur souvenir s'adoucit. Les yeux ouverts, elle regarde au loin vers l’avenir, là où le temps présent s'étire en perspective, dans les lueurs de moments de vie agréables… Le passé, personne ne peut y revenir ou le changer, alors c’est décidé : il est l’heure de laisser la place au bon temps, plein de clarté et de douceur ! Cela la soulage, la réconforte et l'entraîne irrémédiablement dans une démarche constructive.
Depuis la rencontre avec Advocacy, les choses ont changé, la vie est plus légère, l’horizon s’est éclairci : son âme s’est enrichie de ces rencontres si belles et chaleureuses. L’autre année, elle vivait à Paris, pressée dans la capitale : une vie rude... Un beau jour, la voyageuse est venue s’installer dans cette région normande, méconnue, mais choisie, pour y voir la vie autrement, prendre du recul, avoir une approche différente, mieux gérer ses émotions, ses sentiments et apprendre à connaître d’autres personnes aimables et gentilles, qui partagent les valeurs enfouies en son être sensible.
Et ceux-là lui apportent tant de bienfaits... Oui ! Quelle chance ! Des amis nouveaux, ils ont permis d’intimes et rassurantes conversations ! Des rencontres inattendues, elles lui ont redonné le sourire ! Des sorties opportunes, elles lui ont fait découvrir ces nouveaux espaces ! Des marches longues, elles lui ont appris à respirer profondément ! Une bouffée d'oxygène qui lui fait entrevoir plus de sérénité… Sujette au rêve, elle se projette dans cet espace convivial et citoyen, prise dans l’action d’une dynamique qui la stimule et la porte, sur ces terres d’espérance.
C'est cela qui resplendit : cet espoir doucereux qui la baigne, pénètre son cœur friable et son âme endolorie... C'est ce nid duveteux et apprécié, structuré autour d’elle par les présences amicales, qui renforce son envie de vivre et sa recherche de nouveaux moments bienheureux, encore et encore, au rythme de la trotteuse qui inlassablement bat le temps. Ici, elle ose exprimer ses ressentis, interagit et participe à la construction vivifiante et commune. C'est ainsi que s'écoulent des jours meilleurs dans un rythme calme, dans une chaleur tout humaine, dans la lumière renaissante...

Résumé
Ce portrait dépeint une personne éprouvée par la vie, dont le passé fut difficile. Elle est heureuse car une page se tourne… Au sein de l'association Advocacy Normandie, elle est parvenue à retrouver une vie sociale et à rompre l'isolement.
RÉFLEXION SUR LE TEMPS
Il y a quelques jours, j’ai rencontré un ami qui venait vers moi, la mine défaite.
— Ah ! me dit-il, je suis navré, j’ai perdu mon temps !
Intriguée, je le regarde :
— Montand ? L’acteur, le chanteur, Yves Montand … ? Mais il est mort …
— Non ! Mon temps, T.E.M.P.S. J’ai perdu tout mon temps ! Et comme l’on dit que
« le temps c’est de l’argent », vous vous rendez compte, quelle perte !
Dubitative, je risquai :
— Oh ! vous savez, ça arrive à tout le monde…
lorsqu’il enchaîna :
— J’ai beau chercher partout, au fond des tiroirs, dans mes placards, à la cave,
au grenier ; en vain !
Je ne retrouve rien ! Il est vrai que l’on dit « Temps perdu ne se rattrape jamais », alors, vous comprenez, je commence à désespérer…
Quant à moi, de plus en plus perplexe sur l’intégrité mentale de mon ami, mais ne voulant pas le blesser, je cherchais une issue à ce dilemme lorsqu’une idée, que je qualifierai modestement de géniale, me vint à l’esprit :
— Écoutez, lui dis-je avec l’enthousiasme de celui qui a fait une trouvaille, écoutez, il y a peut-être une solution : je connais quelqu’un qui, comme vous, est parti à la recherche du Temps Perdu. Je ne sais s’il l’a retrouvé, mais il pourrait peut-être vous aider…
— Ah oui ! Donnez-moi son adresse…
— C’est que … il n’est plus de ce monde.
— Ah ! (mine déconfite de mon interlocuteur)
— Mais, j’y pense, il a beaucoup écrit. Je peux vous procurer ses livres. Ah, j’allais oublier son nom : Marcel Proust, n’oubliez pas !
— Ah ! Merci mille fois !
Visiblement rasséréné, il prit congé. De mon côté j’étais assez contente de m’en être si bien tirée.
Il n’empêche, cela m’a amenée à quelques réflexions sur le TEMPS, réflexions que je peux vous livrer … si toutefois cela ne vous ennuie pas ? Parce que je peux en rester là. Non ? Alors je continue.
Donc je me suis dit : au fond, le temps, c’est quoi ?
On parle de Temps fort, de Temps rares, de Temps précieux, de Temps douloureux, pénibles, de Temps durs. Mais au fait je n’en ai jamais tenu dans ma main pour juger de leurs qualités palpables, tangibles à tous ces temps.
Alors, qu’est-ce que le Temps ?
Certains, comme l’ami dont je vous ai parlé, disent l’avoir perdu, comme on perd sa clé, sa carte d’identité. Dites-moi, c’est donc si grave de perdre son temps ?
D’autres me disent : « Je cours toujours après le temps » ou bien « Oh ! vous savez, par les temps qui courent, il faut s’attendre à tout ! »
Il est vrai que des plaisantins nous avaient prédit que le temps allait s’arrêter de courir le 21 décembre 2012*, autrement dit la fin des temps. Eh bien, c’est loupé ! La terre continue de tourner et le temps court toujours…
Cependant que d’autres affirment péremptoirement à tel ou tel quémandeur : « Oh moi, je n’ai pas le temps ! »
Ah bon ! me dis-je, on peut donc vivre en dehors du temps comme on vivrait en dehors de sa maison et dire « je n’ai pas le temps » comme on dirait « je n’ai pas de voiture ou je n’ai pas ceci ou cela » ? Comme c’est étrange…
D’autres encore cherchent à le tuer par des actions futiles. Comprenne qui pourra.
Par ailleurs, j’ai entendu des réflexions du genre : « Oh moi, je prends mon temps », ou bien « moi, j’ai tout mon temps », ou d’autres encore comme « Ah ! de mon temps, c’était bien mieux ».
On peut donc s’approprier le temps ? Tiens donc ! c’est curieux…
On parle aussi d’un temps de chien, d’un temps pourri, d’un temps radieux, mais ça, c’est une autre histoire.
En définitive, après toutes ces considérations, je ne suis guère plus avancée.
Le TEMPS, on ne peut le saisir ni le retenir puisqu’il coule comme l’eau entre les doigts. Alors, je vous le demande, à quoi bon la supplique du poète : « Oh temps suspends ton vol » ? (Tiens, il aurait aussi des ailes, le Temps ?) Il est vrai qu’on parle bien de « l’aile du Temps ». Tout cela me paraît bien compliqué.
En conclusion : le TEMPS, on ne peut le saisir, on ne le voit pas – ne dit-on pas encore « je ne vois pas le temps passer » ?
Alors, c’est comme le vent ?!
Le TEMPS ne serait-il que du vent ?
JEANNE FOUCHER janvier 2013
Si vous avez une réponse, S.V.P. donnez-la-moi.
* Écrit en janvier 2021. Allusion à …. ?
