Mémoire

Quelques citations et textes d'auteurs

Il y a quelque chose de plus fort que la mort, c'est la présence des absents, dans la mémoire des vivants.
Jean d’Ormesson
La mémoire est aussi menteuse que l'imagination, et bien plus dangereuse avec ses petits airs studieux. Françoise Sagan
Le souvenir est le parfum
de l'âme.
George Sand
Se souvenir est facile pour ceux qui
ont de la mémoire, mais oublier est
difficile pour ceux qui ont du cœur.
Gabriel Garcia Marquez
Rien n'est plus agaçant que de ne pas se rappeler ce dont on ne parvient pas à se souvenir et rien n'est plus énervant que de se souvenir de ce qu'on voudrait parvenir à oublier. Pierre Dac
J'ai une mémoire admirable, j'oublie tout. Alphonse Allais
La mémoire est comme le dessus d'une cheminée. Pleine de bibelots qu'il sied de ne pas casser, mais qu'on ne voit plus. Georges Perros
La mémoire imprime en noir et blanc,
les gris se perdent en chemin,
on oublie les nuances.
Isabel Allende
Les années ont beau passer, on n'oublie pas les visages que l'on déteste aussi cordialement. Carlos Ruiz Zafón
La mémoire est l'avenir du passé.
Paul Valéry
La mémoire c’est du souvenir en conserve. Pierre Dac
Spleen (extrait)
J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans.
Un gros meuble à tiroirs encombré de bilans,
De vers, de billets doux, de procès, de romances,
Avec de lourds cheveux roulés dans des quittances,
Cache moins de secrets que mon triste cerveau.
C’est une pyramide, un immense caveau,
Qui contient plus de morts que la fosse commune.
Charles BAUDELAIRE, Les Fleurs du Mal,


Le Myosotis
Ayant perdu toute mémoire
Un myosotis s’ennuyait.
Voulait-il conter une histoire ?
Dès le début, il l’oubliait.
Pas de passé, pas d’avenir,
Myosotis sans souvenir.
Robert DESNOS, Chantefables et Chantefleurs
Chanson
Ta voix est un savant poème…
Charme fragile de l’esprit,
Désespoir de l’âme, je t’aime
Comme une douleur qu’on chérit.
Dans ta grâce longue et blêmie,
Tu revins du fond de jadis…
O ma blanche et lointaine amie,
Je t’adore comme les lys !
On dit qu’un souvenir s’émousse,
Mais comment oublier jamais
Que ta voix se faisait très douce
Pour me dire que tu m’aimais ?
Renée Vivien Etudes et préludes


Toi qui me l'as appris, tu ne t'en souviens plus
De tout ce que mon cœur renfermait de tendresse,
Quand, dans nuit profonde, ô ma belle maîtresse,
Je venais en pleurant tomber dans tes bras nus !
La mémoire en est morte, un jour te l'a ravie
Et cet amour si doux, qui faisait sur la vie
Glisser dans un baiser nos deux cœurs confondus,
Toi qui me l'as appris, tu ne t'en souviens plus.
Mauvaise mémoire
Mais quel était ce souffle aux pavés de l’aurore ?
Quelle était cette odeur de légumes jetés,
ce linge au noir balcon comme un signal glacé ?
Quel était ce regard qui me surveille encore ?
Mais quelle était mais quelle était dans cette ville
cette fumée ? et ce silence ? et tout à coup
ces heurts ces coups de feu de bataille civile ?
Quelle était la clameur qui venait jusqu’à nous ?
Quel était votre nom quel était mon visage
Que faisions-nous ainsi l’un à l’autre inconnus ?
Sans savoir qui je suis sans savoir qui je fus
Je revois une main qui se tend sous l’orage
un visage qui pleure, une porte fermée.
Jean TARDIEU, Le Démon de l’Irréalité


Mortefontaine (fragment)
Je me souviens de la bohème,
De mes amours de ce temps-là !
Ô mes amours, j’ai trop de peine
Quand refleurissent les lilas…
Qu’est-ce que c’est que cette antienne ?
Qu’est-ce que c’est que cet air-là ?
Ô mes amours, j’ai trop de peine…
Le temps n’est plus de la bohème.
Au diable soient tous les lilas !
Il pleut dans le petit jour blême.
Il pleut, nous n’irons plus au bois.
Toutes les amours sont les mêmes,
Les morts ne ressuscitent pas.
Un vieil orgue, comme autrefois,
Moud, essoufflé « La Marjolaine ».
Ô mes amours de ce temps-là,
Jamais les mortes ne reviennent.
Elles dorment sous les lilas
Où les oiseaux chantent ma peine,
Sous les lilas qu’on a mis là…
Les jours s’en vont et les semaines :
Ô mes amours, priez pour moi…
Francis CARCO, Mortefontaine
Souvenir ou autre repas de famille
Quand j’étais tout petit, nous dînions chez ma tante,
le jeudi soir ; papa la jugeait dégoûtante
à cause d’un lupus qui lui mangeait le nez :
ce m’est un souvenir si doux que ces dîners !
Après le pot-au-feu, la bonne Marguerite
apportait le gigot avec la pomme frite
classique et c’était bon ! je ne vous dis que ça !
Chacun jetait son os à la chienne Aïssa.
Moi, ce que j’aimais bien c’est l’andouille de Vire ;
Je contemplais (ainsi que Lamartine Elvire)
sur mon assiette à fleurs les gros morceaux de lard,
et je roulais des yeux béats de papelard
et ma tante disait : « Mange donc, niguedouille !… »
Ô Seigneur, bénissez ma tante et son andouille !
Georges FOUREST, La Négresse Blonde


Remembrances
D’où vient cette aubade câline
Chantée — on eut dit — en bateau,
Où se mêle un pizzicato
De guitare et de mandoline ?
Pourquoi cette chaleur de plomb
Où passent des senteurs d’orange,
Et pourquoi la séquelle étrange
De ces pèlerins à froc blond ?
Et cette Dame, quelle est-elle,
Cette Dame que l’on dirait
Peinte par le vieux Tintoret
Dans sa robe de brocatelle ?
Je me souviens, je me souviens :
Ce sont des défuntes années,
Ce sont des guirlandes fanées
Et ce sont des rêves anciens !
Jean MORÉAS, Les Syrtes,
Nos poèmes
Mémoires.
On se souvient d’un lieu, d’un pays, d’un visage,
imprégnés à jamais dans le vif de sa chair,
d’une aventure épique à l’air parfois peu sage,
ou d’un vécu terrible à l’allure d’enfer.
Des fois, un mot qui fuit, la mémoire qui lâche,
on cherche en vain le nom d’un acteur bien connu…
Quand on n’y pense plus – et la chose nous fâche –
cela revient tout seul, souvent à notre insu.
Ou l’on peut faire appel à la mnémotechnique,
récitant dans sa tête, en ordre, l’alphabet,
et la liste se bloque à la lettre magique
initiant le nom du sujet dérobé.
Pour un outil perdu, la recette est tout autre :
refaire le chemin strictement pas à pas
jusqu’au lieu du travail, du parcours qui fut vôtre,
où vous l’avez posé bêtement sur le tas.
Hélas ! il est des cas plus graves dans ce monde
sans remède existant, dit-on le cœur amer :
des gens dont la mémoire à jamais vagabonde
ne leur appartient plus et s’appelle Alzheimer !
Michel BARTHA : May-sur-Orne, le 03 juillet 2022.


IVRE
Je suis ivre sans boire
Ivre de désespoir
Et ma soûlerie noire
Qui durera un soir
Fera dans ma mémoire
Fera à n’y plus croire
Un grand trou vaste et noir
Un trou dans ma mémoire
Folle de désespoir.
Danièle MANOURY Mouen Tourville 1978
DÉSESPOIR
Oh le grand désespoir
D’écrire son mémoire
Et de le laisser choir
À côté d’un mouchoir
Tout au fond d’un tiroir
À la forte mâchoire
Puis d’en perdre la clé
Dans un grand champ de blé !
Danièle MANOURY CAEN, LE 13 JUIN 2022


MÉMOIRE
Une mémoire belge tombe à Tombelaine
Une mémoire d’eau tombe à Waterloo
Et dans un silence qui enchaîne et danse
En tourbillons denses luisent des flocons.
Corolles de silènes sur la morne plaine
Deviennent duvets arrachés aux anges
Larmes des archets pleuvent en silence
La mémoire de l’eau chasse à water l’eau
Des trombes de peine jusqu’à Tombelaine.
Comme en morne plaine, la mort si vilaine
S’éparpille, brille plumage des cygnes
Dont les derniers chants disent l’infini
D’une mémoire d’eau née à Waterloo
Dont l’atroce peine danse à Tombelaine.
Danièle MANOURY CAEN LE 14 FEVRIER 2021
ÉCOLE
On a beau remonter les montres
on ne remonte pas le temps.
Mon école est à l’autre bout
du temps qui n’a pas pris son temps
et m’a poussé tambour battant.
Petite école d’avant-hier
où est ta cour et ses cailloux ?
où sont partis mes camarades ?
J’entends nos cris à la récré
sous les branches des marronniers.
Où sont nos jeux nos cavalcades ?
À quelle place étais-je assis
dans cette classe à quelle table ?
De mon maître j’entends la voix
il est debout là devant moi.
Je sens l’odeur de mon cartable
je vois ma plume et mon cahier
et la place de l’encrier.
L’estrade grince et la craie crie
sur le tableau noir où j’écris
les lettres les mots et les chiffres
que dans mon dos d’autres déchiffrent
et sur leur cahier recopient.
Petite école en briques rouges
dans le couloir où l’on se range
me revoilà petit enfant.
J’ai revêtu ma blouse grise
pour cette visite surprise
et mon cartable sur le dos
pèse moins lourd dorénavant.
On a beau remonter les montres
on ne revient pas sur ses pas
les souvenirs font un grimoire
école au bord de ma mémoire
je pourrais te toucher du doigt !


C'est grave docteur ?
Ma mémoire me joue des tours...
Semant mes pensées en cours,
J'oublie c'que j'ai entrepris
Ça devient un vrai souci...
Je pass' mon temps à chercher
Des objets qui ont semblé
S'amuser à se cacher...
Ça commence à m’inquiéter.
Quant aux noms, n'en parlons pas
On dirait qu'ils rient de moi.
Ils adorent s'envoler
Et sont durs à rattraper.
Pour savoir quel jour on est
C'est devenu compliqué.
Je n'sais plus comment on fait
Docteur, va falloir m'aider.
---
Il me répond qu'à mon âge
Pour ouvrir de nouvelles pages
Il est bon de s'alléger
D'une partie de son passé.
Ce docteur a bien raison
De l'instant, profitons...
Chaque jour à ses saveurs !
Merci docteur !
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Julie - septembre 2022
Le droit à l'Oubli
Mémoire, mémoire !
Qui donc es--tu ?
Le souvenir obsédant
D'un traumatisme d'antan ?
Ma jeunesse idéalisée
En souvenances enchantées ?
Ou celle de l'ordinateur
Qui tout garde au congélateur ?
Je réclame
Le droit à l'oubli !
Le passé fait ce que je suis,
Il imprègne mes choix de vie.
Mais je me dois de l'oublier
Pour moi aussi pouvoir créer.
Julie - septembre 2022


Poétesse
Tu voyages immobile
Ton visage se détend
Tu vogues d’île en île
Vers la fin du temps
Tu voyages immobile
Vers la fin du temps
Tu deviens infinie
Doucement tu attends
Toi petite Mamie
Face à Dieu accueillant
Tu deviens infinie
Face à Dieu accueillant
Sur ton front un baiser
Un je t’aime nostalgique
Et tu seras libérée
Un adieu poétique
Sur ton front un baiser
Un adieu poétique
Kevin Zagni
À la mémoire de ceux qui subirent l’enfer de 1914-1918
IN MEMORIAM
Comment vous évoquer sans la grandiloquence
des hymnes officiels, ô vous les fantassins
qui avez enduré, bien loin de dessins,
et la boue et la crasse et la peur d’abondance ?
Dans la tranchée, l’enfer fut votre quotidien :
Manger, boire, dormir étaient une gageure.
Survivre dans l’instant, tenir, heure par heure,
tel fut votre horizon, à la vie le seul lien.
Au moment du courrier, votre seul viatique,
se desserrait l’étau et renaissait l’espoir
d’un avenir meilleur, d’un prochain au revoir…
d’un retour au foyer … souhait hypothétique.
Mais veillait la camarde à vos pas s’attachant,
les obus, la mitraille accomplissant le reste.
Dans un sol ravagé qui fut peut-être agreste,
votre corps mutilé dit son ultime chant.
Jeanne FOUCHER Octobre 2014


MÉMOIRE
Trésor de l’humanité
Source de tout souvenir
Rappel des réalités
Socle de tout avenir.
MÉMOIRE si précieuse,
mais imprécise parfois
autant que capricieuse.
Que de doutes l’on te doit !
Si tu sais être fidèle
trop souvent tu nous trahis,
à notre attente rebelle
et nous te sommes soumis.
Ou bien tu es sélective
solution peut-être heureuse
pour chasser ce qui motive
quelque pensée douloureuse.
Quoi qu’il en soit, nous comptons
sur toi, craignant l’amnésie
qui rend orphelin de la vie
écoulée que nous regrettons.
Jeanne FOUCHER Septembre 2022
un néant sans musique
des images dénuées de geste
du vide qui s'impose
à la conscience en fuite
méprisant l'instant
qui vibre au bout des lèvres
du silence malgré les courbes
mémorielles- du spleen
qui vire de bord dans la pensée
qui propose du passé neuf
et veuf de tout désir
il faut oublier dit le penseur
même si le monde éternel
revient conter ses histoires
de sang et de phosphore
de souffre et d'infini
(tombe le souvenir- fracturé)


les mouvements de la pensée sévère
rechignent à cette pulsion passéiste
activant les formes et les liant
à la faiblesse de respirer
si tendre
plus rien qu'un souvenir
du vent dans les branchages noirs
(puisque la nuit doit son obole)
pas même un parfum évadé
de la logique des axes
qui ceignent la mémoire
du vent qui apaisé bavarde
avec les vocalises du hibou
pas même un rêve- un résidu
bref et souvent obèse
de la nudité du réel
les restes d'un festin illustre
où socrate parlait maïeutique
avec les ivrognes du soir
qui ne tiennent que par l'oubli
d'une existence qui les mange
réminiscence- de la métempsychose
qui s'enroule autour du concept
l'homme renaît à nouveau
d'une vie ancienne qui parle
depuis l'autre de la matière
il respire longuement la nuit
parmi les corps repus- inertes
le sien- une chose indiscrète
le mène amoureusement
à l'harmonie mémorielle


une nuit sans ordre ni usage
un rêve sans espace
tient le passé pour maudit
et que l'instant surclasse
comme le soleil avant la lune
lorsque la nuit hésite
avec ses satellites avec ses étoiles
à peine recourbées
un visage qui tremble dans la nuit
à peine un refus d'assassinat
déjà regard à l'aube triste
de brume et de retards
ce souvenir que rien n'isole
était- il un mirage virtuel
qui tourne comme un disque
ou une musique sérielle
L’âge des possibles
Mes songes sont allés, en enfance, souvent,
Au gré de poésies et de livres d’images…
Souvenirs envolés, emportés par le vent,
Vous caressez ma vie monotone et trop sage.
Des âmes bienveillantes illuminaient mes soirs;
S’effacent les années et l’instant suspendu
A l’âge des possibles a sculpté ma mémoire ;
J’accueille un Paradis que je croyais perdu !
Voulez-vous partager une escapade, en fête,
Dans un ciel éclatant de mots et de couleurs ?
Rimez et découvrez, au soleil des poètes,
Des trésors bien cachés, au fond de votre cœur…
Qui n’a jamais connu la délicieuse flamme
D’une prime jeunesse, heureuse et passionnée,
Où Princes et princesses enthousiasmaient notre âme ?
Nos idoles répondaient à nos désirs secrets !
Nous aimions, de nos vies, les belles sensations :
L’odeur des cahiers neufs, et celle de la craie,
Les beaux livres d’école et les récitations,
L’amitié des copains dans la cour de « récré ! »
Une faune, une flore et des îles lointaines,
Embellissaient les jours de tant de chérubins,
Ornant, d’un voile doux, l’univers de leurs peines ;
Chaque aventure, alors, avait un lendemain…
Des fleurs vous souriront si vous les regardez.
Offrez-vous le plaisir de remonter le temps :
Un enfant dort en vous, partez le retrouver…
Dansez, chantez, riez, honorez le printemps !




Ouistreham- Riva - Bella … La mémoire du temps
Pour vous, j’évoquerai, sur la côte de Nacre,
La mer et le rivage où je me ferai guide…
Relevée des combats et terribles massacres,
Riva-Bella sourit, sans l’ombre d’une ride.
Ornant le sable fin, sommeillent les cabines,
Et ma mémoire se plaît à remonter le temps,
Quand la danse des vagues, aux reflets d’opaline,
Caresse ma jeunesse emportée par le vent…
Les rires des amis, la plage de velours,
Embellissaient, alors, une vie d’étudiante.
J’honore le passé lorsqu’il me fait la cour,
Et j’accueille gaiement cette fête galante !
Chaque rue se dévoile pour honorer le bourg,
L’église Saint Samson, l’illustre Grange aux dîmes…
Prestige médiéval, joli compte à rebours,
Imaginez un peu l’Histoire qui s’anime…
Le phare, noble gardien, depuis plus de cent ans,
Veille sur les bateaux, sans jamais défaillir.
Je contemple, en rêvant, ce fanal rouge et blanc.
Sous son œil bienveillant, j’aimerais tant partir...
Ce nom « Riva-Bella », au parfum d’Italie,
Répond à Ouistreham : un noble écho du Nord.
Quelle que soit l’origine ou l’étymologie,
J’aime ces lieux charmants où mon esprit s’endort !
Omaha Beach
Il avait dix-huit ans, toi, tu n’existais pas
Sur la terre asservie, il vint dans la tourmente,
Et le danger rôdait à chacun de ses pas,
Sous le poids du barda, la peur était présente.
Tu contemples, songeur, la croix de marbre blanc,
Une question t’obsède : était-il volontaire ?
Loin de son Tennessee, pour un destin sanglant,
A-t-il contre son gré supporté ce calvaire ?
Le calme n’est troublé que par les cris d’oiseaux
Sur le sable doré que la vague caresse.
Comment imaginer qu’un jour de juin ces eaux
Ont connu la fureur, les tirs et la détresse ?
Près de quatre-vingts ans déjà, sont révolus.
En ces lieux de mémoire où l’on s’étonne et vibre,
Toi, tu as dix-huit ans et lui n’existe plus.
Il a donné sa vie afin que tu sois libre.


Clair de lune
Chaque fois que j’entends les familiers arpèges,
Résultat imprévu d’un malheureux hasard,
Mon esprit virevolte en douloureux manège.
Ton souvenir alors, me hante sans égard.
Tu t’installes au piano et sous tes doigts s’égrène
Le premier mouvement rêveur et lancinant.
L’œuvre berce mon cœur de jeune lycéenne
Et ton parfum poudré m’enveloppe, apaisant.
Le tempo languissant de la belle sonate
Accompagne en douceur les révisions du bac,
Et contribue parfois, lorsqu’approche la date,
Grâce à son harmonie, à conjurer le trac.
Aujourd’hui, tu n’es plus ; j’écoute le silence
De ce piano muet qui me blesse le cœur.
Quelques accords volés ravivent ton absence
Et j’espère l’oubli pour tuer la douleur.
Mémoire et Paix
En Afrique, en Asie, dans un Orient plus proche,
Nord ou Sud, Est et Ouest, on se bat, on s’embroche.
Bien que de par le monde elle n’ait jamais cessé
On croyait que la guerre relevait du passé,
Un fléau remisé à des temps archaïques.
Pourquoi l’homme perd-il si souvent la mémoire
Lui tellement friand de commémorations ?
Se souvenir n’est-il qu’apparat illusoire :
Un jour pour honorer nos défunts héroïques
Tant d’autres consacrés à la dévastation ?
Pourtant, c’est la paix que réclame l’âme humaine.
Force de stratégies, liaisons diplomatiques
Logiques déployées pour maintenir lointaine
La prochaine offensive ? L’envie de dominer
Las ! faisant peu de cas des désirs pacifiques
Entraîne à fabriquer des machines à tuer.
Pour obtenir la paix n’a-t-on pas d’autre choix Que de préparer d’aussi piètres combats
Quand de si nobles causes méritent vigilance ?
L’homme veut conquérir, plier l’autre à son bât.
Face aux malheurs des uns, sa nature amnésique
Omet de faire, en lui, sourdre la bienveillance
A force d’oublier qu’on ne change que soi.
CG


Souvenirs
Le temps s’enfuit
Les souvenirs aussi
Des heures fertiles
Et des bonheurs futiles
Les joies passées
Fi de la nostalgie !
Ont stimulé
La sève de la vie
Les souvenirs
Délestés de leur poids
Viennent nourrir
Le présent et la joie.
CG
Doux souvenirs
Aimantes caresses
Germes de doux souvenirs
Source de tendresse
CG



Pour maman
Maman un jour tu m’as dit :
Souviens-toi des jours heureux
Vis ta vie sur l’écran bleu
Oublie les crises et les cris
Garde en ton cœur le meilleur
Parle vrai à tes amis
Comme un film de Visconti
Souris même dans les pleurs
Quand tout le public s’en va
Mais tu es partie au loin
Sans souvenir de ma main
Serrée comme au cinéma
Où ton image si gracile
Restera gravée longtemps
Au fond de mon être aimant
De ma pellicule agile
Tu aimais les mots croisés
Les jeux de lettres et de mots
Ta mémoire a dit ciao
Et le film s’est effacé.
Les mains.
Les mains des vieux sont leur mémoire,
Le vivant reflet du passé
Épelant comme un chapelet
Le fil ténu de leur histoire.
Elles savent le bois du lit,
Le buffet, la commode entière,
Autant dans la forme et matière
Qu'en galbe sans fin reconduit
À pleines paumes, à plein toucher.
Dans le long vécu d’expérience,
Pétri de temps et de patience
Demeuré au creux protégé.
Elles cherchent à retrouver
Sur la moindre petite chose,
Une autre main, une autre pause
Et suivent le même tracé....
Les mains des vieux sont leur mémoire,
En quête d’un dernier plaisir,
Elles tâtonnent pour saisir
Le geste perdu dans l'histoire.


Fuites….
Aujourd’hui j’ai eu vingt ans :
Mais aujourd’hui, c’était quand ?
Quand j’avais encore mes dents,
Ou quand j’avais un amant ?
L’amour c’était important
Le premier s’appelait Armand !
Armand ?... ou bien Ferdinand ?
En tous cas c’était charmant.
Surtout … quand c’était avant ;
Mais avant quoi justement ?
Mémoire…
À l’étroit sur la cheminée,
Entre une photo de Médor,
Des douilles frottées au Miror
Et un diadème de mariée,
Trônait un objet insolite
Que le poilu, devenu vieux,
Reniflait en fermant les yeux :
C’était un fragment de cordite, [1]
Ce vieil explosif inhumain…
Dans les tranchées, sans préavis,
Ça vous pétait en vrai gâchis,
Y compris son meilleur copain !
On a remisé le Miror ;
Le poilu a laissé sa place ;
Le présent occupe l’espace …
Qui se souviendra de Médor ?
[1] Durant la guerre de 1914/1918, la cordite remplaçait la poudre dans certaines munitions, explosant sans flash ni fumée, elle était peu repérable sauf à l’odeur.


" L'histoire d'une vie "
J'ai en mémoire le livre ouvert
Mémorisant les quatre angles de l'univers
J'ai en mémoire le journal du ciel
Que le monde émet en parallèle
Les reflets des temps doux et amers
où l'existence unit les sept mers
J'ai en mémoire le poing fermé
Fracassant l'arbre pointé
J'ai en mémoire le souci des marins
La fièvre de la joie qui sublime les matins
Que Homme mémorise dans chaque lien
D'où ses racines enfilent, encerclent le rien
J'ai en mémoire l'histoire d'une vie
Motivant la présence vers le noyau des envies
J'ai en mémoire le paradis des Cœurs
Que l'accent s'impose et implore la valeur
Des vérités à moitié noyées dans les prudences
Où la mort naissante perpétue la cohérence
Maaar MARIAMA ANGATAHI
(9/08/2022) Grandcamp Maisy
MÉMOIRE SÉLECTIVE
Se souvenir du meilleur
oublier le malheur
avant, c’était, ailleurs
sélective mémoire
comme un miroir
de nos belles histoires
qui renvoient au meilleur
les jours heureux
sélection du cœur
effaçant à l’âme,les bleus
le bonheur, j’en veux
l’esprit tourné
vers l’avenir
refusant de le ternir
par les vieux souvenirs
En réchauffant son cœur
par une autre histoire
présente et à venir
recherchant que le meilleur


Dans la cour d’école
Les cris d’enfants
déchirent le silence
la vie transpire
de toutes ces bouches
en délire….
J’envie, j’admire
leur insouciance
ai-je connu l’enfance
j’avais, au pire
quelques années d’avance
pour mûrir
dans le silence
Ne rien dire
taire la sentence
les cris d’enfants
m’enchantent
leur rire
ils l’expirent
de leurs bouches,
c’est l‘inconscience.
Pourvoir grandir
sans méfiance
j’envie, j’admire,
je voudrais leur dire
quelle chance
de vivre l’enfance !
sans avoir à maudire
qu’on m’ait fait grandir,
en pleine conscience
avant l’âge de lire.
Le mal-être des gens
et leur science
des vices qui s’y collent :
troubles … de la couche
vous plaque au sol
loin d’une cour d’école
Petit enfant innocent
c’était avant d’être grand :
ferme ta bouche :
c’était du temps
où tu admirais tes parents
un jour, ce délai expire
alors c’est défendu de dire
ses tourments….d’enfant
ce goût amer dans ta bouche
des cris qui déchirent
qui resteront dans le silence
tapis, alors, souffle, inspire
écris, même vue comme folle
aux yeux des gens.
Dans une cour d’école,
il y a des enfants
que j’envie et admire
sans connaître leurs parents
avec leur enfance pour grandir
ouvertement !
TON SOUVENIR
Un « attends », un « souviens-toi » c’est tout
ce qui reste dans mon oreille… que cela !
Jamais sur tes lèvres n’a fleuri mon baiser !
Jamais la soie de tes cheveux
ne parfuma mes songes ! Sous les ramées
nous nous dîmes « adieu » ! Et dans un excès
d’orgueil et de rancœur, le prisonnier ôta
ses chaînes de roses… Que Dieu
assouvisse ton âme de Félicité.
Moi, dans les froides ténèbres du Néant
j’erre, éperdu, à pas de somnambule…
Et, sur le sable du passé, hurlant de douleur
ma vie est une hyène qui dévore
le cadavre d’un souvenir.
Francisco VILLAESPESA (1877-1936)
Traduction Anne GODO (20 septembre 2022)
