Poésie épistolaire


Nos textes
LETTRE A FRIDA KAHLO (1907-1954)
A la force de vivre et à l’Art…
Dans ton corps et ton âme où régna la souffrance,
J’ai vu briller ta flamme et naître l’espérance…
Brûlante soif de vivre où l’œuvre resplendit,
La force qu’elle délivre est l’écho de tes cris.
Tu as vaincu tes maux, en femme libre et sage.
Reçois ces quelques mots écrits en ton hommage…
Une cage de fer et des bébés sans vie,
Ô! Cruel univers, éprouvé sans répit…
D’un tragique destin, tu fus la triste cible,
En déployant, sans fin, un courage invincible.
Tu cultivas l’ardeur, malgré ton cœur brisé.
Tu observas, sans peur, ta chair martyrisée.
Dans « Viva la vida » ! brille ton chant du cygne,
Et le monde honora ton existence digne.
Eternel est ton feu qui exalte les toiles.
Tu as rempli mes yeux de multiples étoiles.


Lettre au Père Noël
Mon cher père Noël, il faudra bien qu’un jour
Je vous expliquasse pourquoi mon désamour.
D’abord pour vous plaire, il me faut des godasses
Que nulle salissure ou nulle boue n’encrasse
Vernies et bien cirées pour orner cheminée.
Je n’ai hélas, que deux savates chiffonnées,
Tellement usagées, qu’elles sentent fort des pieds
J’en aurais trop regret que de vous asphyxier.
La cheminée chez moi se nomme radiateur
Et puis entre nous « VOUS » vous êtes un bon farceur
Vous êtes à vous tout seul un mensonge exporté
Le mythe élaboré et l’anti vérité
Expliquez-moi comment un conte pour enfant
Est devenu mondial, manne des commerçants.
Le dieu « dollars » serait-il fort puissant
Qu’il jette au second plan l’heureux avènement.
Lettre à Monsieur de la Fontaine
Monsieur de La Fontaine il me revient la joie
Et l’honneur aujourd’hui d’écrire cette épître
Pour connaître de vous le truchement de voie
Qui fit de vous un maître aux dépens d’un arbitre.
En effet dans votre œuvre et tout ce qui se lit
Sous votre plume habile autant que déliée
Dans vos fables et contes,attestant votre esprit,
La morale est partout haut et fort proclamée
Et toujours et très loin fit votre renommée
Alors que dans la vie, sans offense soit dit,
Vous l’avez avec soin pour vous-même évitée….
Le fabuliste alors, aimable répondit,
Anticipant Surcouf et sa réplique prompte
À l’anglais prétendant se battre vaillamment
Seulement pour l’honneur quand le français sans honte Ne combat quant à lui rien que pour de l’argent,
Madame puisqu’il faut que vérité se fasse,
Moi qui dus quémander le mécène souvent,
Je dirai jalousant Surcouf et son audace,
Chacun court après ce qui manque à son talent.
La Fontaine 1621/1695
Surcouf 1773/1827


Oh ! Mon Dieu !
Oh Mon Dieu ! Que vois-je ? Je n’en crois pas mes yeux.
J’approche, le souffle court. C’est merveilleux.
Une belle inconnue me regarde et me sourit.
Gracieuse, enjouée, ses traits sont fins. Je suis conquis.
Vêtue d une robe blanche, je sens qu’elle va parler,
Je m’incline respectueux : que me murmure-t-elle ?
En fait, de tout mon être je me sens alarmé.
Je la dévisage, comme un jeune homme charmé.
Surpris, je n’ose lui dire combien je suis ravi.
Sa noble beauté m’attire : je soupire d’envie.
N’y voyez pas de l’outrecuidance Madame.
Je voudrais sur le champ vous déclarez ma flamme.
Laissez-moi vous séduire et d’un cœur enflammé
Vous chuchoter tout l’amour que vous m’inspirez.
Allons Monsieur, il n’est plus temps ! Il faut sortir
Le Musée ferme, c’est par ici, il faut partir.
Belle inconnue, dés l’ouverture, je reviendrai.
Je sais qu’en ce lieu toujours je vous reverrai.
Slam épistolaire aux Terriens
Deux mots à vous chers occupants de la Planète,
Comme une chansonnette, comme une devinette :
Où galopons-nous, piètre troupeau de moutons ?
En révolutionnant la vie sur tous les tons,
Mais nous pelotonnant enfermés dans la bulle,
N’écoutant ni la pendule qui nous bouscule,
Ni la raison qui bascule, soudain ridicule…
Nos yeux se rivent sur l’horizon de l’avenir,
Mais l’horizon est une ligne imaginaire
Qui recule quand on avance, visionnaire.
On nous fait croire à des virages, à des mirages…
Quand on comprend leurs canulars, on a la rage.
Les dirigeants qui font semblant nous baratinent,
Nous égratignent.
« Il fera beau demain », « le futur entre nos mains »…
Mais il est temps d’agir ! Sinon tout va finir,
Alors ne resteront que de beaux souvenirs.
Nos petits-enfants, héritiers de la Planète
Conteront-ils fleurette à la vie sourde et muette ?
Jocelyne Corbel 2 décembre 2019


À l’ado
Voici les sages conseils d’une douce amie
Que, toi, ado de quinze ans devrait recevoir.
Perdue dans ta détresse et lasse de ta vie,
Tu nies ta jeunesse et soupires dans le noir.
Quitte ton écran bleu et oublie tes blessures,
Cherche des tentations inspirées par les arts :
Chant, musique et danse, théâtre et littérature
Ou d’autres violons d’Ingres comme de doux nectars.
Très souvent, tu aspires à des solutions faciles,
Sans estime de toi, tu as peur du futur,
Il te faut grandir, or, tu te sens trop fragile.
Mais ton apprentissage est un temps de clôture
Qui te fera mûrir et savoir qui tu es
Lorsqu’à l’indécis, la confiance répondra,
Alors belles aspirations et grands projets
T’épanouiront et te feront crier Yalla !
Epître à Claude Le Roy.
Cher Claude, où que tu sois dans l’immense univers,
c’est à toi que j’écris sans avoir ton adresse,
avec l’espoir secret que cette lettre en vers
te parviendra là-bas, sous ce ciel qui m’oppresse.
Quand tu nous as laissés en février dernier,
orphelins malheureux, nous étions tous en manque,
prêts à baisser les bras, remisant au grenier
la lyre en panne avec nos mots de saltimbanque.
Soudain, nous n’avions plus la force pour l’élan :
la présence d’un guide, afin qu’Erato vive…
Nous nous sommes sentis, presqu’au bord du néant,
bateau sans capitaine, esquif à la dérive.
Mais certains d’entre nous, selon tes derniers vœux,
ont repris le flambeau pour taquiner la Muse,
et le Cercle Druelle aura des jours heureux,
sans jamais t’oublier, ce que chacun refuse !
Michel Bartha
May-sur-Orne, le 1 novembre 2019.

En l'an de grâce mil huit cent quatre vingt dix neuf
le treizième jour de décembre
Texte inspiré par « la crise morale des temps nouveaux » édité en 1908
Julie Décembre 2019

Lettre à une amie
Ma chère Jacqueline, à toi souvent je pense.
J’évoque nos sorties et nos belles randos
Le bâton à la main et notre sac à dos,
Les grands pique-niques où régnait l’abondance.
Sous la pluie, dans le vent, mais toujours en partance,
Nous allions tout joyeux. Souvent il faisait beau.
Le ciel était pour nous, il nous faisait cadeau.
Que de jolis moments, je garde en souvenance…
Passent les décennies…les amis disparus…
Là s’imposent grand âge et regrets superflus.
Subsiste l’amitié, qualité précieuse.
En cette fin d’année, je tiens à t’exprimer
Tous mes vœux les meilleurs. D’espoir il faut s’armer.
À toi joyeux Noël et une année heureuse.
(bisous)
Jeanne FOUCHER Décembre 2019.


Lettre de l'été mais... d'où ?
De retour d'un voyage extrême mais banal
- il en est tant et tant qui ont fait ce chemin -
je vous envoie un mot rien moins que triomphal,
tout juste un témoignage d'un espace incertain...
d'un espace et d'un temps car j'ai perdu le fil
de ce qui m'arrivait quand me serra l'étau
impitoyable : un voile de nuit immobile
m'exila de moi-même ; mon corps comme un bateau
continua sur son erre mais je n'y étais plus.
On aurait pu crier : "Un humain à la mer ! "
sans savoir dans quelle eau mon esprit disparut.
J'ai parlé, paraît-il, de poésie si chère
à mon voisin de chambre sans laisser transparaître
que je n'étais pas là. Trois jours je fus absent ;
puis, le soir du troisième, je me suis vu renaître,
ré-enfiler mon corps comme on enfile un gant.
Daniel-Claude Collin / décembre 2019
CONFIDENCES ÉPISTOLAIRES
Mon cher ami, pouvez-vous enfin me confier
Pourquoi sur cent écueils notre belle amitié
Ne s’est pas fracassée, ne s’est pas répandue,
De mille coups d’épée ne s’est-elle pourfendue
De quelque égratignure ou de quelques insultes
Assourdissantes de brouhahas, de tumultes ?
Notre amitié n’a pas été ce bateau ivre
Qui s’abandonne, drosse et part à la dérive
Mais au contraire au long fleuve de la vie
Majestueuse de plénitude assouvie
À l’instar de toutes les étoiles polaires
Elle a été le phare le grand luminaire
Elle s’est déroulée ruban du cerf-volant,
Drapeau flottant, bel étendard du conquérant
Il fallait que triomphe chevauchée épique
Menée tambour battant par cavalier de pique
Mais retenez ceci : l’avenir d’une alliance
Peut connaître le sort d’un vase de faïence.


À MON AMI CHRISTIAN
…à propos d’un manque d’inspiration
Il me fallait, Christian, t’écrire cette lettre.
Je n’ai plus, sous la plume, un seul vers à me mettre.
Ma mémoire se tait, mes rêves sont taris :
Plus un coin de ciel bleu mais des nuages gris !
Abattu, dépité devant mes feuilles vierges,
Je sollicitai Dieu : messes, prières, cierges…
Puis, quêtant l’émotion je plongeai tout de go
Dans l’œuvre de Verlaine et de Victor Hugo.
Las ! Ma muse divague, hirsute, dénudée,
Et sans la moindre rime et sans la moindre idée…
Hier, n’y tenant plus, déprimé, mal en point,
Je me fis un cocktail de gin-fizz et de joints !
En fait d’alexandrins, en guise de distiques,
Je n’obtins que nausées, délires et coliques !
Est-ce mon chant du cygne ? Est-ce un simple au revoir ?
Poète, réponds-moi, je suis au désespoir !
A MON AMI DANIEL
… en réponse à sa lettre
Ma plume, Cher Daniel, court répondre à ta lettre.
Je n’attendrai pas plus, palsambleu pour m’y mettre.
Sans papier, sans feuillet, un encrier tari
Ne m’arrêteront pas ! Il reste mes grigris !
Et s’il le faut nous immolerons une vierge !
Mais l’est-elle encor la fille de mon concierge ?
Elle semble morbleu devenue virago
Et ne serait jamais la muse d’un Hugo !
Oublions donc cette mégère ! Dénudée
Qui plus est ! Quelle fantasque et grotesque idée !
Ta déprime mon vieux a pris de l’embonpoint
Tu devrais essayer la tisane au benjoin
Et pour accumuler sobrement les distiques
Élis comme Bashô un endroit bucolique
Là-dessus je rengaine et te dis au revoir
Facteur dépêche-toi, il est au désespoir !


Lettre ouverte à un nomophobe *
Facebook, Instagram, tweet et tweet et c’est ta came,
Ton mot de passe alors est ton précieux sésame,
On like, on partage et l’on joue. Quel programme !
Avec des inconnus, quelquefois l’on entame
Une conversation : on dialogue, on s’enflamme,
On donne son avis, on affirme, on proclame.
Le débat s’envenime, on critique et l’on blâme,
Bientôt fusent l’insulte et l’invective infâme.
L’orthographe se meurt, la syntaxe rend l’âme,
Pour notre belle langue, en somme, c’est le drame !
Sans pourtant revenir au bon temps du calame,
Imagine une époque où le public acclame
De fiers alexandrins qu’avec fougue on déclame,
Le charme acidulé d’une fine épigramme,
Un poème exotique aux senteurs de cinname,
Ou l’attrait suranné d’un bel épithalame.
*Nomophobe : Se dit de quelqu'un qui ne peut se passer de son téléphone portable et éprouve une peur excessive à l'idée d'en être séparé ou de ne pouvoir s'en servir.

JOYEUX ANNIVERSAIRE BOURVIL
Poème épistolaire écrit en 2017 pour le centenaire de la naissance de Bourvil
En 1917, sévit la rébellion,
Fracture de la Russie et Tsarisme vaincu,
Mais cette même année, digne révolution,
Un Homme entra en scène, hors des entiers battus…
Prince du Septième Art, roi d’un humour subtil,
Icône incontestée de notre Normandie…
Imprimé dans nos cœurs, je crie ton nom : BOURVIL.
Nul doute qu’aujourd’hui, tu règnes au Paradis.
Restaurateur mythique pendant l’Occupation
Ou élève appliqué en quête d’aptitude,
Tes prestations exquises exaltent l’émotion,
Offrant à notre esprit un précieux interlude.
Un crack à bicyclette, un paroissien très drôle,
Soldat ou paysan, mais après tout qu’importe,
Puisque avec élégance, tu magnifias les rôles,
Scénaristes futés ont frappé à ta porte !
Que tu sois braconnier ou policier sans faille,
Un corniaud débonnaire et pourtant pas si bête,
Modeste fonctionnaire, ou bien guide à Versailles,
Ta présence à l’écran brille comme une fête.
Tu traverses Paris, en semant des sourires
Et Gabin, de Funès se frottent à ton génie.
En Thénardier cupide, tu joues à faire frémir,
Illustre comédien, tu inventes la vie !
A jamais embarqué vers la grande vadrouille,
Eclairant nos mémoires et sublimant le temps,
Reviens pour nous faire rire ou nous flanquer la trouille.
L’Eternité t’accueille, charmée par ton talent !
Qui ne te connait pas se prive d’une étoile,
Mais qui sait te trouver ne le regrette pas.
Pourquoi, sans crier gare, as – tu donc mis les voiles ?
Le vent, dans son sillage, me dit que tu es là !

Grands Dieux !
Grands Dieux ! Juste ciel ! Vous dites que vous m’aimez ?
Alors qu’à la Cour, pour les Dames, vous vous pâmez.
Vous m’avez honorée, Seigneur de votre estime.
Mais je ne puis vous croire : est-ce un crime ?
Pour sortir des tourments dont mon âme est la proie,
Je suis prête à fuir et prendre une autre voie.
Ah ! Laissez-moi ingrat ! Je ne veux plus souffrir
Vous êtes un flatteur, je ne veux rien vous offrir.
Je prépare mon âme à toutes les douleurs.
Je veux fuir ce lieu où retentit mon malheur.
Je vous sais pleinement content de votre gloire
Et sans un regret vous oubliez ma mémoire.
Qu’ai-je fait que de trop vous aimer, je l’avoue.
Ah ! Que d’un soin si cruel la fortune me joue !
Le ciel met sur le trône un Prince bien trop futile.
Je contemple sans péril, ses joutes inutiles.
LETTRE À MONSIEUR LE CURE
Puisqu’il me faut aller tout au bout du chemin
Sans savoir quel destin me réserve demain
Je selle l’haridelle, la bourrique rebelle
Et butant pas à pas je boite je chancelle
Je m’en vais vers un âge que l’on dit plus sage :
Au bout d’une lecture, il faut tourner la page.
(Page de ce bouquin que je n’ai pas écrit)
J’aimerais qu’elle m’emmène droit vers Jésus Christ.
J’aimerais que mon âme au son des violoncelles
Fasse en un bel azur trois tours de manivelle
Afin que le moteur de mon si vieux tracteur
S’encrasse à tout jamais en son carburateur
Un teuf-teuf, trois hoquets et puis enfin plus rien
Ainsi commencerait le voyage aérien
Mais s’il me faut, curé, vous confesser mes fautes
Venez à mon secours : la marche m’est trop haute !


Je vous écris cette lettre, à vous l’inconnue.
Qui ne l’est plus à la lecture de ces vers.
Pour vous qui esquissez un objet ordinaire,
C’est un reflet magique soudain apparu.
Parfois, vous détruisez et c’est pure folie,
Avant de concevoir ; votre père est le doute
Car, dès lors, sans vous, petite mort est la vie,
Mais, avec vous, l’aventure est sur la route.
Peut-on imaginer un Dieu qui récompense
Et punit sans raison vos objets, vos idées ?
Vous n’êtes rien d’autre qu’un rêve qui se pense,
Vous le mettez en forme, l’assemblez, l’animez.
Je sais, l’homme, le premier est votre chef d’œuvre,
Conçu dans la douleur, le hasard, la pulsion.
Rien n’existe dans l’art sans une grande épreuve.
Du chaos lui-même, vous êtes CREATION.