Mai 2021 : Les péchés capitaux

“La gourmandise commence quand on n’a plus faim.”
Alphonse Daudet
“Nous défendre quelque chose, c'est nous en donner envie. ”
Michel de Montaigne
“La luxure est le plus capiteux des péchés capitaux.”
Léonard de Vinci
La peur mène à la colère, la colère mène à la haine, la haine mène à la souffrance.”
George Lucas
“Un cerveau plein de paresse est l’atelier du diable.”
Proverbe italien
“La louange affermit notre orgueil, cependant que notre orgueil nous certifie la sincérité de la louange.”
Jean Rostand
L'avarice est le pire défaut qui existe, si on compte ses sous, on compte aussi ses sentiments.
Michel Audiard
Nos poèmes

L'envie

Complainte d’un coffret
(rondel)
Sur ton cœur, tremblant, tu me berces
Car je recèle ton magot :
Louis d’or, écus, doublons, lingots,
Assignats, deniers ou sesterces.
Tous mes trésors te bouleversent,
Fort mal acquis ou bien légaux.
Sur ton cœur, tremblant, tu me berces
Car je recèle ton magot.
Mais il arrive qu’on me perce
Et qu’on me vide tout de go.
Alors, sans crainte des ragots
Des torrents de larmes tu verses,
Sur ton cœur, tremblant, tu me berces.
Les nommés "péchés capitaux"
On nous les dit sept et rivaux
Le plus sournois, à mon avis
Serait nettement l'Envie...
oOo
Jeannot est bien dans son village.
Tout en n'ayant pas d'héritage
Sa maison lui appartient
Et ses enfants se portent bien.
A son travail bien apprécié
Il aime partir travailler.
Son voisinage est très sympa,
Il est heureux et ça se voit...
Quand un jour arrive un voisin
Qui apparaît quelqu'un de bien...
Mais sa voiture est tellement belle
Que tous les regards vont sur elle.
Notre gars ne voit plus que ça,
Cette voiture qu'il n'a pas...
Il dépérit, plus rien n'est beau
Et sa vie s'en va à vau-l'eau...
L'envie est un ver dans le fruit
Qui ôte le goût de La Vie
En gâchant le goût de Sa vie.
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Julie - mai 2021


PARESSE
Des sept péchés capiteux
Pardon, ma langue a fourché,
J’afficherais bon premier
Le farniente voluptueux.
Bien calée dans un hamac
Avec un livre à la main,
Ou, en barque sur un lac
Avec mon cousin germain,
Je me la coulerais douce,
Hier, aujourd’hui, demain,
Rien qui fâche ou me courrouce
La belle vie c’est certain.
Bien que paresse soit vice
Qu’un jour il faut bien expier,
Je vous le dis sans malice
Je m’y vautre volontiers.
Des sept péchés capiteux
Pardon, ma langue a fourché,
J’afficherais bon premier
Le farniente voluptueux.
CAEN LE 27 JUILLET 2020
MISE EN BOUCHE
La gourmandise
Ballade
Le Chef excelle à parfumer
Les petits plats de sa maîtrise.
En tous pays, l’épice aimée
Séduit le goût, le poétise…
Ô ! Doux péché de gourmandise !
Mon nez s’enivre et mes yeux louchent…
Je me rapproche, guettant ma prise…
A la fin de l’envoi, je touche…
Poissons en sauce ou bien fumés,
Homard divin, saveur exquise,
Viande royale au doux fumet,
Gâteaux exquis et friandises…
J’aimerais choisir à ma guise.
Mon appétit n’est pas farouche ;
Ces doux plaisirs, soudain, l’attisent,
A la fin de l’envoi, je touche…
Desserts subtils, dignes entremets,
Au chocolat noble Marquise,*
Quand mes désirs sont affamés,
Avec passion, tous rivalisent…
Si le génie œuvre en surprise,
A chaque fois, il fera mouche !
En un délit de convoitise,
A la fin de l’envoi, je touche…
Humant ces mets quand midi sonne,
Pour les offrir, vite, à ma bouche,
Sans résister, je m’abandonne,
A la fin de l’envoi, je touche…
*Marquise au chocolat : entremets sans cuisson





La ballade de l’embonpoint.
Croyez-vous sage et raisonnable
Quand on chérit son embonpoint
Autant que belle et bonne table,
Daube, gibier et sauce au vin,
D’ambitionner à toute fin,
Pour un jupon et de beaux yeux,
D’en vouloir fermer son pourpoint ?
Fi de régime et autres vœux !
Pourquoi serait-il plus aimable,
Quand on a comme vous le soin
D’avoir la rondeur estimable
Avec le goût qui en convient,
De changer en mal un destin
Qui n’a pour but que d’être heureux
Sans tourment ni autre besoin ?
Fi de régime et autres vœux !
D’où voyez-vous le préférable :
D’un affligé mourant de faim
Près d’une sylphide impalpable
Occupée de jeûne et de bain…
Et d’un homme bien gras, bien sain
Calé dans un fauteuil moelleux
Le propos leste et verre en main ?
Fi de régime et autres vœux !
Frères de panse irréprochable
Et de capitons généreux,
N’ayez pas le doute coupable
Fi de régime et autres vœux !


Un faux avare.
C’était un être solitaire
qui n’a jamais connu l’amour
et vivotait en pauvre hère
dans une masure du bourg.
Il égrainait son existence
d’homme à secrets depuis toujours
en évitant toute dépense
de superflu jours après jours.
Faisant à pied sa moindre course,
parce qu’il n’avait pas d’auto,
il n’ouvrait que parfois sa bourse
pour un grattage ou le Loto.
Mais quelle ne fut la surprise,
lorsqu’il rendit l’âme une nuit,
de trouver sa fortune acquise
sous le matelas de son lit :
des lingots d’or puis une lettre
avec des mots pleins de saveur
qui stipulaient de tout remettre
aux bien nommés Restos du Cœur !
May-sur-Orne, le 28 mars 2021.
ILS SONT SEPT PÉCHÉS
Ève, dit la Genèse,
en faisant à son aise,
écouta le serpent
beau parleur qui lui ment.
Elle a croqué la pomme
en offrit à son homme…
Tout est venu de là.
Beau travail que voilà !
Est-ce par GOURMANDISE ?
Faut-il qu’on vous le dise,
ou bien c’est par ORGUEIL,
le fruit flattant son œil.
Peut-être par PARESSE
si peu qu’il en paraisse.
Ou par ENVIE, qui sait,
qui peut soudain griser,
LUXURE et AVARICE
n’étant pas ses complices.
Et quant à la COLÈRE…
à Dieu la réservèrent.
Les sept sont bien là au choix
et capitaux de surcroît.
Jeanne FOUCHER Mai 2021




II
l'avarice/ prendre plus que l'on peut donner
l'orgueil/ l'esprit dépasse l'horizon
la luxure/ une pomme d'amour vénéneuse
la gourmandise/ un étron choyé
la colère/ comme une envie de détruire des ombres
l'envie/ ôter son reflet du miroir
la paresse/ errer dans l'intimité du réel
I
l'avarice
l'orgueil
la luxure
la gourmandise
la colère
l'envie
la paresse
le(s) sens


III
7 péchés et tant de merveilles
qui se dessèchent- se respirent
avant un dernier souffle amer
-envoi- à peine plus que poème
qui clôt la boucle un peu bâclée
parce que l'amie d'une paresseuse
avaricieuse jusqu'à l'orgueil
hurlait de ma luxure maladive
pendant qu'elle dévorait des pommes
près d'une église- à ses côtés
une merveille de nez rieur
lorsque son œil perçoit l'enfer
ses seins appelant des paumes
que je ne compte qu'avouant
une nourrice- mais laïque
Les paresseux
Madame Aï et monsieur Unau,
On vous appelle Paresseux,
Un nom de "Péchés Capitaux"
Selon le classement des Dieux.
Beaucoup trop lents assurément
Pour notre monde déjanté.
Vous gênez son fonctionnement.
Allez ! allez ! Faut circuler !
Vous dites goûter le présent,
Comme un enfant dans l'innocence ?
Croyez-vous qu'on en a le temps
Quand notre monde est dans l'urgence ?
Urgence de quoi, demandez-vous ?
De quoi de quoi ? ben je n'sais pas
Il y a urgence un point c'est tout.
Ça vous échappe, je vois ça...
oOo
C'est ainsi que Aï et Unau,
Tranquillement s'en sont allés,
Vivre leur vie de Paresseux
A l'abri de la Société.
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Julie- mai 2021













Le gâteau
Du haut de ses quatre années
L’enfant regardait son père
S’apprêtant à découper
Le gâteau d’anniversaire.
Sérieux comme un petit pape,
Le garçon, préoccupé
Considérait, sur la nappe,
Le dessert tant convoité.
Sans sourire, ombrageux, même
Et son chaton dans les bras,
Il mesurait le problème
Tout en comptant sur ses doigts.
Et soudain autoritaire
Vu la taille des enjeux,
Il interpella son père :
N’oublie pas que je suis deux.
Irène Gaultier-Leblond Juin 2011

La poire
Après l’amour, quand tout est vide
Les yeux, le cœur, le ventre aussi
Et que les placards sans merci
Répondent par un non aride
Hors le modeste achalandage
D’un fruit et d’un bout de fromage,
Que proposer à votre faim ?
La courtoisie n’y fait plus rien…
Des yeux il m’offrit les deux « choses ».
Après vous dis-je, —si tu l’oses —
Il osa ! et même si bien
Narguant mon besoin délirant
Que je vis fondant sous sa dent,
La poire dans son jus divin
Quand je me retrouvai le nez
Dans le fromage abandonné…
… Il me sourit en s’essuyant,
(Il avait gardé cet usage),
Et susurra en minaudant :
—Ne vous êtes-vous point privée ?
Et reniflant mon désarroi
Je marmonnai entre haut et bas :
— Oh non chéri, je vous adore
(Mais je déteste le roquefort).


LE COQ ORGUEILLEUX
Ecoutez, braves gens, ce joyeux canular :
En ce jour de printemps, à la ferme d’Edgar…
Ici, le coquelet n’attire pas les foules,
Car il n’est qu’un coq laid qui ne plait pas aux poules…
L’animal est soucieux,
De l’appât d’un bel uniforme ;
Mais un sort malicieux
Ne l’a pas, en bonne et due forme,
Doté d’un beau plumage ; il déploie sa colère,
Il fulmine, il enrage, maudit la terre entière !
Il rencontre un artiste, un peintre talentueux,
Eminent coloriste, et lui soumet son vœu…
« Offrez- moi la beauté, illuminez mon corps,
Et si vous me flattez, je paierai à prix d’or ! »
Mais comme le coq est jeune, nul besoin de lifting,
Seulement pour le fun, changer couleurs et lignes …
Oh ! Pas à la manière, ordinaire et sans joie,
De ces coqs de bruyère, car il sera le roi …
Lui, veut de l’élégance, du charisme, du charme,
Et de la luxuriance, la plus belle des armes…
Alors bien qu’il s’en moque, le peintre, par magie,
Relookera ce coq, orgueilleux et hardi !
L’homme se met à l’œuvre, et pour plaire à l’oiseau,
Il compose un chef -d’œuvre, à grands coups de pinceau !
« Belle métamorphose ! » se dit alors la bête,
Comme une anamorphose, l’illusion est parfaite !
Le coq est satisfait, et fort de sa prestance,
Il part se pavaner, préparant sa vengeance.
Ce Narcisse en goguette, amoureux de lui-même,
Est si fier de sa crête qu’il se dit : « Oh ! Je t’aime ! » Sans cesse, l’arrogant se mire dans la mare,
Fait la roue comme un paon, se riant des canards !
Il séduit ça et là, multiplie les conquêtes,
Tel un Casanova, et les poules caquettent … »
J’en ai entendu une, roucouler ce matin,
Cela fera la Une d’un journal à potins…
« Eh ! Minute ! Cocotte ! Joues-tu les tourterelles ?
Serais- tu polyglotte, en plein Septième ciel ? »
Voici qu’elle pond un œuf, magistral et racé,
Et ce n’est pas du bluff, foi de gallinacé :
Un poussin top modèle poussera de beaux cris,
Bientôt battra des ailes, et chantera « Cui –Cui !
Le plein des sens
Comme un amant très doux déshabille sa belle
Et dévoile son corps, parcelle après parcelle,
Je déplie lentement le fin papier doré
Pendant tout ce rituel, l’attente doit durer.
Un léger bruissement et l’écrin, sans encombre
S’entrouvre et laisse voir un peu de terre d’ombre
Puis toute la tablette, en carrés réguliers,
Je caresse du doigt ses dessins familiers.
Dans un claquement sec qui trouble le silence,
Je détache un fragment, toujours avec prudence,
Je hume avec ferveur l’objet de mon désir,
Senteur venue d’ailleurs, rien que pour le plaisir.
Puis glissant dans ma bouche cette exquise ambroisie,
Je croque à petits coups, selon ma fantaisie
Ou bien je laisse fondre un carré lentement
Qui disparaît pourtant inexorablement.
En savourant ce fruit d’exotiques négoces
Me parvient la vision des lointaines cabosses.
Mais tout s’efface, hélas ! Bonheur, vite passé !
Ne reste que l’envie de tout recommencer.


Hum Hum !...
Miam Miam !...
La Gourmandise, c'est ainsi
Ferait partie de nos "péchés"...
Mais dans le bouffe-tout d'aujourd'hui
Je l'appellerais "qualité"...
Evidemment, les gros gourmands
Sont différents des "fins gourmets".
Mais tout au moins en attendant,
Ils ne méprisent pas nos mets...
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Julie - mai 2021
Génèse
Délire confiné
Au cours de cet enfermement,
J’imaginai bizarrement
Que je délaissai la peinture
Pour m’adonner à la sculpture.
L’argile étant en promotion,
J’en achetai à profusion,
Pour façonner un très bel homme.
Puis, sans me montrer économe
Je le parai de qualités :
Vigueur, courage et loyauté.
Et dans ma très grande largesse
J’ajoutai bon sens et sagesse.
Le résultat fut harmonieux,
Mais Dieu qu’il était ennuyeux !
Je lui offris un brin d’envie
Pour apprécier la belle vie.
Lui donner un soupçon d’orgueil.
Ne fut pas un trop gros écueil
Ainsi qu’une juste colère
Quand l’injustice l’exaspère.
Soucieuse qu’il se régalât
En savourant mes petits plats,
Je l’avoue en toute franchise,
Le saupoudrai de gourmandise
Et de luxure, évidemment
Afin qu’il soit un bon amant.
Puis, quelques pincées de paresse,
Prendre son temps n’est pas faiblesse !
De l’avarice un petit doigt
Pour me garder comme il se doit.
En création de toute sorte
C’est le dosage qui importe


L'orgueil & l'Athée
Pour le bon Croyant d'autrefois
L'Athée était un orgueilleux :
Du monde il se voyait le Roi,
Surtout, il s'affichait "sans Dieu" !
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De tout temps, l'homme a recherché
Ce qu'il était, d'où il venait.
Des hypothèses ont afflué,
Et des dieux, point ne manquaient :
Des bienveillants pleins de bonté,
D'autres jouant à nous faire peur...
Sans oublier les "révélés",
Ceux qui se disaient les meilleurs.
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Alors l'Athée, dit orgueilleux,
Ose assumer qu'il ne sait pas...
Sauf qu'en ce monde mystérieux
Il a Sa place, et il y croit...
Qu'on soit grand ou bien tout petit,
On peut y être magicien...
Mais la vie lui a vite appris
Que sans les autres, l'on n'est rien.
Et cette Solidarité
Peut être aussi riche Croyance,
Exigeant de l'humilité,
Pas seulement en apparence.
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Si Dieu, dit-on, est l'Infini,
Chacun n'en voit qu'une partie.
Et l'orgueilleux, à votre avis,
Ce serait qui ?...
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Julie - mai 2021