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Avril 2020 : Les fables : historique et textes d'auteurs

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Ésope

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Le Roman de Renart

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Florian

La fable

Le mot fable vient du latin fabula (propos, parole) et signifie parler en inventant. Le mot "fabuler" dérive aussi de ce mot latin.

C’est un court récit en vers ou en prose, la plupart du temps amusant, destiné à donner une leçon de vie. Elle met souvent en scène des animaux qui se comportent comme des êtres humains. Une morale est exprimée au début ou à la fin du récit. Cette morale est parfois implicite.

La fable est très ancienne et se retrouve dans toutes les cultures. Elle faisait partie de la tradition orale bien avant l’invention de l’écriture.

Dans l’Antiquité

Ésope en Grèce est considéré comme le plus grand fabuliste de l’Antiquité. Il a vécu entre les VIIe et VIe siècles avant Jésus Christ. On retrouve ensuite la fable à Rome avec Horace au 1er siècle avant J. C. et un peu plus tard avec Phèdre qui ne se contente pas de traduire Ésope en latin, mais fait aussi preuve d’originalité.

Au Moyen Âge

On connaît bien le Roman de Renart qui est un ensemble de récits animaliers rédigés par différents auteurs. La lutte du renard contre le loup est une satire de la société féodale et de ses injustices.

Jean de la Fontaine (1621-1695)

Au XVIIe siècle, étudiée dans les écoles, la fable revient à la mode.

Après s’être essayé à divers genres poétiques, La Fontaine publiera des recueils qui rencontreront un grand succès et feront de lui le plus grand fabuliste de tous les temps.

Il ne se contente de traduire des fables connues, mais il leur imprime sa marque et en fait des récits très variés, agrémentés de nombreux dialogues qui les rendent particulièrement vivants. Une juste observation de ses contemporains et une touche d’humour en font des pièces souvent satiriques, parfois philosophiques, dont la popularité ne s’est pas démentie au fil du temps.

Florian (1755-1794)

Le nom de Florian est resté célèbre à côté de celui de la Fontaine. Son recueil compte une centaine de fables. Certaines de ses fables sont à orientation publique et visent à vulgariser les idées de la philosophie des Lumières sur la nature humaine et la nécessité pour les gouvernants de respecter des principes moraux ; d'autres sont à orientation privée et enseignent des principes de sagesse, d'amour du travail et de charité.

Les fables de Florian sont parfois jugées mieux adaptées aux enfants que celles de La Fontaine parce que le message en est moins ambigu et les oppositions entre les personnages moins tranchées.

Depuis le XIXe siècle

Dans une veine plus classique, la fable continue à intéresser certains écrivains du XXe siècle. Le poète et dramaturge Jean Anouilh publie Fables en 1962.

Pierre Gamarra (1919-2009) publie La Mandarine et le Mandarin (1970), qui contient des fables « d'une drôlerie remarquable et d'une grande virtuosité technique ».

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Phèdre

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Jean de la Fontaine

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Pierre Gamarra

Textes d'auteurs

Dans le contexte actuel, il est impossible de ne pas évoquer "Les animaux malades de la peste" de la Fontaine qui se termine par une réflexion ô combien actuelle sur la justice

Les Animaux malades de la peste

Un mal qui répand la terreur,
Mal que le Ciel en sa fureur
Inventa pour punir les crimes de la terre,
La Peste (puisqu'il faut l'appeler par son nom)
Capable d'enrichir en un jour l'Achéron,
Faisait aux animaux la guerre.
Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés :
On n'en voyait point d'occupés
A chercher le soutien d'une mourante vie ;
Nul mets n'excitait leur envie ;
Ni Loups ni Renards n'épiaient
La douce et l'innocente proie.
Les Tourterelles se fuyaient :
Plus d'amour, partant plus de joie.
Le Lion tint conseil, et dit : Mes chers amis,
Je crois que le Ciel a permis
Pour nos péchés cette infortune ;
Que le plus coupable de nous
Se sacrifie aux traits du céleste courroux,
Peut-être il obtiendra la guérison commune.
L'histoire nous apprend qu'en de tels accidents
On fait de pareils dévouements :
Ne nous flattons donc point ; voyons sans indulgence
L'état de notre conscience.
Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons
J'ai dévoré force moutons.
Que m'avaient-ils fait ? Nulle offense :
Même il m'est arrivé quelquefois de manger
Le Berger.
Je me dévouerai donc, s'il le faut ; mais je pense
Qu'il est bon que chacun s'accuse ainsi que moi :
Car on doit souhaiter selon toute justice
Que le plus coupable périsse.

 

- Sire, dit le Renard, vous êtes trop bon Roi ;

Vos scrupules font voir trop de délicatesse ;

Eh bien, manger moutons, canaille, sotte espèce,

Est-ce un péché ? Non, non. Vous leur fîtes Seigneur

En les croquant beaucoup d'honneur.

Et quant au Berger l'on peut dire

Qu'il était digne de tous maux,

Etant de ces gens-là qui sur les animaux

Se font un chimérique empire.

Ainsi dit le Renard, et flatteurs d'applaudir.

On n'osa trop approfondir

Du Tigre, ni de l'Ours, ni des autres puissances,

Les moins pardonnables offenses.

Tous les gens querelleurs, jusqu'aux simples mâtins,

Au dire de chacun, étaient de petits saints.

L'Ane vint à son tour et dit : J'ai souvenance

Qu'en un pré de Moines passant,

La faim, l'occasion, l'herbe tendre, et je pense

Quelque diable aussi me poussant,

Je tondis de ce pré la largeur de ma langue.

Je n'en avais nul droit, puisqu'il faut parler net.

A ces mots on cria haro sur le baudet.

Un Loup quelque peu clerc prouva par sa harangue

Qu'il fallait dévouer ce maudit animal,

Ce pelé, ce galeux, d'où venait tout leur mal.

Sa peccadille fut jugée un cas pendable.

Manger l'herbe d'autrui ! quel crime abominable !

Rien que la mort n'était capable

D'expier son forfait : on le lui fit bien voir.

Selon que vous serez puissant ou misérable,

Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.

Jean de La Fontaine

La fable et la vérité

La vérité, toute nue,
Sortit un jour de son puits.
Ses attraits par le temps étaient un peu détruits ;
Jeune et vieux fuyaient à sa vue.
La pauvre vérité restait là morfondue,
Sans trouver un asile où pouvoir habiter.
A ses yeux vient se présenter
La fable, richement vêtue,
Portant plumes et diamants,
La plupart faux, mais très brillants.
Eh ! Vous voilà ! Bon jour, dit-elle :
Que faites-vous ici seule sur un chemin ?
La vérité répond : vous le voyez, je gèle ;
Aux passants je demande en vain
De me donner une retraite,
Je leur fais peur à tous : hélas ! Je le vois bien,
Vieille femme n'obtient plus rien.
Vous êtes pourtant ma cadette,
Dit la fable, et, sans vanité,
Partout je suis fort bien reçue :
Mais aussi, dame vérité,
Pourquoi vous montrer toute nue ?
Cela n'est pas adroit : tenez, arrangeons-nous ;
Qu'un même intérêt nous rassemble :
Venez sous mon manteau, nous marcherons ensemble.
Chez le sage, à cause de vous,
Je ne serai point rebutée ;
A cause de moi, chez les fous
Vous ne serez point maltraitée :
Servant, par ce moyen, chacun selon son goût,
Grâce à votre raison, et grâce à ma folie,
Vous verrez, ma soeur, que partout
Nous passerons de compagnie.

 

Jean-Pierre Claris de Florian 

Le Moqueur moqué


Un escargot se croyant beau,
Se croyant gros, se moquait d’une coccinelle.
Elle était mince, elle était frêle !
Vraiment, avait-on jamais vu
un insecte aussi menu !
Vint à passer une hirondelle
Qui s’esbaudit du limaçon.
Quel brimborion,
s’écria-t-elle !
C’est le plus maigre du canton !
Vint à passer un caneton.
Cette hirondelle est minuscule,
Voyez sa taille ridicule !
Dit-il sur un ton méprisant.
Or, un faisan
aperçut le canard et secoua la tête :
Quelle est cette si minime bête
Au corps si drôlement bâti !
Un aigle qui planait leur jeta ces paroles :
Êtes-vous fous ? Êtes-vous folles ?
Qui se moque du précédent
sera moqué par le suivant.
Celui qui d’un autre se moque
À propos de son bec, à propos de sa coque,
De sa taille ou de son caquet,
Risque à son tour d’être moqué !

Pierre Gamarra  

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