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Juin 2019 

      Sonnets

Quand vous serez bien vieille

Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle,
Assise auprès du feu, dévidant et filant,
Direz, chantant mes vers, en vous émerveillant :
Ronsard me célébrait du temps que j’étais belle.

Lors, vous n’aurez servante oyant telle nouvelle,
Déjà sous le labeur à demi sommeillant,
Qui au bruit de mon nom ne s’aille réveillant,
Bénissant votre nom de louange immortelle.

Je serai sous la terre et fantôme sans os :
Par les ombres myrteux je prendrai mon repos :
Vous serez au foyer une vieille accroupie,

Regrettant mon amour et votre fier dédain.
Vivez, si m’en croyez, n’attendez à demain :
Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie.

Pierre de Ronsard, Sonnets pour Hélène, 1578

La beauté

Je suis belle, ô mortels ! comme un rêve de pierre,
Et mon sein, où chacun s'est meurtri tour à tour,
Est fait pour inspirer au poète un amour
Éternel et muet ainsi que la matière.

Je trône dans l'azur comme un sphinx incompris ;
J'unis un cœur de neige à la blancheur des cygnes ;
Je hais le mouvement qui déplace les lignes,
Et jamais je ne pleure et jamais je ne ris.

Les poètes, devant mes grandes attitudes,
Que j'ai l'air d'emprunter aux plus fiers monuments,
Consumeront leurs jours en d'austères études ;

Car j'ai, pour fasciner ces dociles amants,
De purs miroirs qui font toutes choses plus belles :
Mes yeux, mes larges yeux aux clartés éternelles !

Charles Baudelaire   Les fleurs du mal

Nos textes

Notre-Dame de Paris

Une étincelle éclate en étoile filante

sous la flèche, élevée à la gloire de Dieu

par de preux bâtisseurs dont l’âme erre en ce lieu,

provoquant une flamme à peine consistante.

 

Le chêne millénaire au cœur de la charpente

tente de résister, mais cède peu à peu,

pour concéder la place aux cavaliers du feu

bondissant vers le ciel à la fougue démente.

 

Puis l’incendie attise un bûcher rouge sang

qui coiffe alors la nef de son étau brûlant

et la pointe fléchit pour enfin se soumettre.

 

Il faudrait plus de temps qu’à l’acte clandestin

pour effacer l’affront permis par le destin

à l’un de ces joyaux que l’homme avait vus naître !

 

 

 Michel Bartha           May-sur-Orne, le 3 mai 2019.

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Carrousel

 

 

C’était un cheval blanc épris de liberté,

L’orgue de barbarie dévidait sa rengaine,

Et lui, tournait en rond et ressassait sa peine,

Bien qu’il fût de cuir fin très joliment bâté.

 

Les enfants, sur son dos, exprimaient leur gaîté

Les parents souriaient devant la tendre scène,

Pourtant lui, ne rêvait que de briser sa chaîne

Et, la crinière au vent, galoper, indompté.

 

Le soir, sur son chagrin abandonna ses voiles

Et jeta dans le ciel son cortège d’étoiles.

Le jouet de bois blanc, résigné à l’ennui

 

Implora sans espoir une étoile filante,

Et la comète émue se montra bienfaisante :

Il devint un coursier qui s’enfuit dans la nuit.

Martine Desgrippes Devaux                     juin 2019

SONNET POUR LES ENFANTS TSIGANES

 

Tsigane, chère enfant,  viendrais –tu de bohême ?

Aujourd’hui, je demeure en tes yeux attristés…

A ta grande famille, aux gitans déportés,

Je veux rendre un hommage et offrir ce poème…

 

Gracieusement, tu danses et les chants que tu sèmes,

Caressent leur mémoire et leur destin volé.

Sur les ailes du Temps, leur voix s’est envolée ;

Dans les camps, s’affichaient tant de figures blêmes…

 

Le vieil homme a posé sa main sur ton visage.

De ce grand livre ouvert, tu as tourné les pages,

Et il t’a raconté la vie de tous les tiens…

 

Les beaux Violons de l’Est ou bien le Flamenco,

S’élèvent, majestueux, et ils tissent un lien.

La musique s’exalte en un sublime écho !

 

Monique Renault 

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Sonnet interrogatif

Je refuse de vivre en monde artificiel :

D’abord le grand ménage et pendules à l’heure,

Fi des secrets d’État et du climat qui pleure.

Demain le cauchemar d’un monde démentiel

 

Nous fera-t-il renier ce qui est essentiel ?

Le bonheur qu’on nous promet, c’est sûr, n’est qu’un leurre

Et si j’appelle Dieu ce jour, en ma demeure

C’est que j’ai soif d’amour et du bleu de son ciel.

 

Ce que profane l’homme : c’est sa vie elle-même,

Bien plus d’humilité et bien moins de blasphèmes

Feront pour notre terre œuvre de bienfaisance.

 

Quand nous aurons banni nos projets impossibles,

Quand nous aurons foulé nos désirs de puissance,

Le silence de Dieu nous sera-t-il audible ?

 

Danièle MANOURY

L’ermite

 

L’homme vivait là, dans l’abri de  pierre,

Sur l’îlot perdu, battu par les vents,

Bottes et bonnet, quel  que soit le temps

Un corniaud têtu courant par derrière.

 

Il vivait de pêche et de pommes de terre,

Plantées à tout va, sans   souci de   rangs,

Avec des  choux verts et des  oignons  blancs

Cuits sous le varech pour toute  salière.

 

Qu’avait-il à fuir ou à oublier ?....

Quand on se souvint à saison nouvelle,

Après un Noroît  long et  meurtrier

 

De l’îlot perdu, de l’homme et son chien,

On chercha un peu, on ne trouva rien

Qu’un bonnet coincé et une gamelle.

 

Irène Gaultier-Leblond

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Venez petits bateaux dans ce port maritime

Venez vous reposer de la vague et du vent

Le long du quai flottant l’amarre vous arrime

Là laissez-vous bercer sur des flots moins mouvants

 

Vos souvenirs de grains vos souvenirs d’abîme

Ont nourri vos récits plus ou moins captivants

Vos voiles déployées sous les grands cieux sublimes

Enroulent dans leurs plis vos rêves émouvants.

 

Petits bateaux ancrés dans ce port de la Manche

Quand vous repartirez vers l’océan qui penche

Vers un ciel inconnu vers l’horizon lointain

 

Nous penserons à vous car nos petits matins

Sont des jours sans saveur plats comme des dimanches

Quand pour vous l’aventure est un nouveau destin

 

 

© Christian Laballery              (20/06/2018)

Bonjour petits oiseaux, votre vie m’intéresse

Comme vous j’aimerai voler dans le ciel bleu

Sur un arbre perché sifflotant d’allégresse

Contemplant d’ici-bas les hommes et leurs jeux

 

Mais tentant cet exploit je chois sur mes deux fesses

Et de la tête aux pieds je suis couvert de bleus

J’ai inventé l’avion dans ma grande sagesse

Le parapente aussi c’est moins drôle parbleu

 

Mais toi petit oiseau tu es un verivore !

Un grainicide aussi ! C’est moins appétissant

Qu’un camembert bien fait que le renard adore[1]

 

Ni tous les petits plats que faisait ma maman

Petit oiseau volant ta vie est édifiante

Mais je reste sur terre où s’écrase ta fiente.

 

 

© Christian Laballery               (novembre 2018)

 

[1]Selon Monsieur Jean de La Fontaine

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Orages

 

Dans un ciel menaçant roulent de sombres masses

grises, cotonneuses. Pas un souffle de vent.

Inquiet, l’oiseau se tait. L’air est lourd, étouffant.

Un sourd pressentiment diffuse son angoisse.

 

Soudain l’éclair jaillit, fulgurante grimace

qui  déchire la nue et fait peur à l’enfant.

Lui répond aussitôt un brutal craquement.

Le monde est en attente et se voile la face.

 

Parfois, dans l’existence, au détour du chemin,

la détresse surgit du jour au lendemain,

terrassant le vivant qui se sait vulnérable.

 

Sur tous ces cœurs broyés, fonce le désespoir

et, pour eux, l’avenir est habillé de noir.

Puisse une main tendue lui être pitoyable…

 

Jeanne FOUCHER               Juin 2019

Poèmes dans le vent

 

Bleus, blancs, roses ou verts, à leur fil accrochés,

Ils sont captifs pourtant ils semblent peins de vie

Et frémissent au vent, fiers des mots qu’on leur confie.

Ils sont des poètes, fidèles messagers.

 

Ils disent la tendresse et l’espoir partagé

De tous les amoureux d’une Paix qu’on envie.

En plein ciel, en plein air, la colline convie

Les bonnes volontés à venir échanger.

 

On se prend à rêver d’une vie tendre et belle.

Qu’à cette aspiration, nul ne soit plus rebelle

Et règneraient alors partage et loyauté.

 

Ainsi que l’hirondelle aux fidèles passages

Flottez, petits papiers, livrez-nous vos messages

D’espérance, de Paix et de sérénité.

 

Jeanne FOUCHER     Juin 2019 Colline aux oiseaux 2019

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            QUE VOULAIS-TU ME DIRE ?

 

Ils étaient deux voisins, des amis de toujours,

Qui réchauffaient leur âge au feu de l'amitié.

Quand l'un était chagrin, l'autre prenait pitié.

Ils marchaient côte à côte, à l'ombre de l'amour,

 

La tristesse du soir se dissipait au jour,

Et qui offensait l'un, par l'autre était châtié.

Les drames de la vie se vivaient par moitié,

Quand on le porte à deux, le fardeau est moins lourd.

 

Mais s'écoulent les ans et prend fin le voyage,

Fatigué des lointains on accoste au rivage.

Alors, le plus âgé, proche de l'Au-delà,

 

S'en vint chez son ami, pour un dernier sourire.

La porte resta close, alors… il s'en alla.

L'autre, aujourd'hui, gémit : « Que voulais-tu me dire ?»

 

Yves-Marie Hello

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