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Charlotte Delbo résistante française, poète, écrivaine

par Irène Gaultier-Leblond

 

Enfance

Aînée des quatre enfants d'une famille d'immigrés italiens, Charlotte Delbo naît  le 10 août 1923 à Vigneux-sur-Seine. Son père est chef monteur-riveteur. Sa scolarité s’arrête avant le  bac, mais elle reprend ensuite des cours  à l’Université ouvrière où elle  étudie la philosophie et l’économie politique. À 19 ans elle rejoint sa famille dans les rangs communistes sans pourtant adhérer au parti ; à 23 ans elle entre à l’Union des Jeunes filles de France fondée par Danielle Casanova.  C’est là qu’elle rencontre le militant Georges Dudach qu’elle épouse en 1936.

Secrétaire-dactylo, bilingue en anglais, elle commence à écrire pour le journal communiste Les Cahiers de la Jeunesse. La même année, pour ce journal,  elle  réalise une interview de Louis Jouvet qui décide au vu de son travail,  de l’engager comme assistante pour transcrire ses cours aux étudiants du conservatoire. Parlant anglais, italien, espagnol et un peu l’allemand elle est également en charge des relations du théâtre de l’Athénée avec l’occupant.

 

Résistance et déportation

En 1941, Louis Jouvet et la troupe de l’Ahénée partent en Amérique du sud au mois de mai pour une tournée sous l’égide du gouvernement de Vichy, elle les accompagne après avoir hésité longtemps à se joindre à eux. Au mois de septembre de la même année, ils sont à Buenos-Aires lorsqu’elle apprend que l’un de ses jeunes amis architecte, Jacques Wog, a été arrêté pour détention de tracts anti-nazis et guillotiné.  Alors elle ne veut plus tien entendre des conseils de prudence de Louis Jouvet et décide de rentrer  en France.  Elle y retrouve son mari  le 15 novembre 1941 et le rejoint aussitôt dans la clandestinité où il entretient notamment  les liens avec Louis Aragon réfugié en zone libre.

Charlotte et lui font partie du groupe Politzer publiant  les Lettres françaises ;  elle est  en outre chargée de l’écoute de Radio Londres et Radio Moscou qu’elle prend en sténo et elle  dactylographie des tracts et des revues.

Charlotte Delbo et son mari sont arrêtés le 2 mars 1942 par les Brigades spéciales durant la série d’arrestations visant le milieu intellectuel clandestin. Un mois plus tard Georges Dudach, 28 ans, est fusillé au Mont Valérien tandis que Charlotte est déportée à Auschwitz par le convoi du 24 janvier 1943.  Elles sont 230 femmes ; elle sera l’une des 49 rescapées et portera toute sa vie ne numéro 31 661 tatoué sur le bras. Libérée par la Croix-Rouge le 23 avril 1945, elle est rapatriée en France le 23 juin 1945.

Pendant sa déportation elle promet qu’à son retour, elle écrira un témoignage de ce qu’elles ont vécu mais ne le publiera que 20 ans plus tard parce que disait-elle les gens auront eux-mêmes souffert et ne seront pas prêts à entendre une voix revenue du monde des non-vivants.  Ce premier livre paraît en 1965 sous le titre Aucun de nous ne reviendra d’après un vers de Guillaume Apollinaire.

Elle déclarera à Jacques Chancel en 1974 que, malgré l'aspect horrible du camp de concentration, elle considère qu'elle a « appris là quelque chose qui n'a pas de prix : le courage, la bonté, la générosité, la solidarité et que cela lui a donné une très grande confiance dans son semblable ». Son œuvre compte des ouvrages comme : Auschwitz et après— Une connaissance inutile — Le convoi du 24 janvier —Mesure de nos jours, des adaptations pour le théâtre et de très nombreux poèmes.

En ce printemps des poètes 2020, dédié au courage, il est bon de se souvenir du nom de Charlotte Delbo.

Voici un de ses poèmes extrait du recueil Une connaissance inutile :

Ce point sur la carte

Cette tache noire

au centre de l’Europe

cette tache rouge

cette tache de feu, cette tache de suie

cette tache de sang, cette tache de cendres,

pour des millions

un lieu sans nom.

De tous les pays d’Europe

De tous les points de l’horizon

Les trains convergeaient

Vers l’in-nommé

Chargés de millions d’êtres

qui étaient versés là sans savoir où c’était

versés avec leurs vies,

avec leurs souvenirs

avec leurs petits maux

leur grand étonnement

avec leur regard qui interrogeait

et qui n’y a vu que du feu,

qui ont brûlé là sans savoir où ils étaient.

Aujourd’hui on sait

depuis quelques années on sait,

on sait que ce point sur la carte

c’est Auschwitz.

On sait cela

Et pour le reste

On croit savoir.

Charlotte.jpg

Plaque apposée sr le domicile de Georges Dudach et Charlotte Delbo où ils furent arrêtés au 93 rue de la faisanderie à Paris (16e)  

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