
Martine Desgrippes Devaux
Octobre 2013
Ce mois-ci, je vous propose un retour à la poésie avec quelques textes de ma maman, Suzanne Desgrippes qui vit depuis plus de vingt ans dans le sud de la France et qui s’est remise assez récemment à l’écriture.
Beaucoup de ses poèmes sont empreints de nostalgie, d’autres sont plus légers ou bien d’inspiration mythologique. Certains évoquent également le charme de cette région qu’elle aime tant.
La plupart sont illustrés par l’auteure en personne qui manie avec autant de bonheur le pinceau que la plume. Pour d'autres, elle a choisi, dans ses albums, quelques photos anciennes qui ajoutent à ses jolis textes une note d'émotion supplémentaire.

Petit Yorkshire
Tu es très amusant, mignon petit toutou,
Avec tes yeux si vifs brillant comme des billes,
Tes poils ébouriffés, tu gambades partout ;
Ta maitresse t’observe et quelquefois t’habille ;
Ce petit vêtement, tu parles d’un cadeau !
Et le ruban noué sur ton front minuscule !
La coque sur ta tête et le joli manteau !
Ne crois-tu pas le tout franchement ridicule ?
Certes tu es vraiment un joyeux compagnon,
Tu nous suis pas à pas lorsque l’on se promène
Aimable et frétillant, tu n’es jamais grognon ;
Si tu es fatigué, l’on te porte et t’emmène
Là où nous nous rendons, tu restes avec nous,
Tu fais vite le tour de la maison nouvelle,
Furetant dans les coins, et reniflant sur tout,
Tu jappes de plaisir, pour toi la vie est belle !
Ta patronne t’adore et tous nous t’apprécions,
Tu nous distrais beaucoup par toutes tes mimiques,
Tes sauts exubérants exprimant l’affection
Que tu ressens pour nous, gentil lutin comique ;
Nous aimons ta gaîté, tes courses au galop,
Tes oreilles pointues, ton pelage cannelle.
Ne meurs jamais petit, tu nous manquerais trop !
Tristes seraient les jours, sans toi l’ami fidèle ! 2013

Jolie nymphe

Jolie nymphe endormie, viens-tu de l’onde claire
Ou des grands bois obscurs, lieux de tes libations ?
Tu reposes lassée de l’orgie éphémère
Où Bacchus t’entraina avec animation !
Il sait comment danser, rire, manger et boire
Enivré de plaisir des grappes plein les mains,
Attirer tes amies, toi-même et laisser croire
Qu’il faut jouir aujourd’hui sans attendre demain
Tu sembles si menue, belle et tendre dryade,
A la perte d’Orphée as-tu participé
Au milieu des Bacchantes, macabre mascarade,
Quand criant follement, elles l’ont étripé ?
Comment penser cela ! Tu parais bien trop douce !
Partager le plaisir de faunes luxurieux
Qui se mêlent aux jeux, te couchent sur la mousse
T’amuse et te réjouit, pour toi c’est délicieux
Tuer le pauvre Orphée tu n’en es pas capable
Tu aimes la gaité, le charme de l’amour,
Pour ces fêtes de joie, là tu te rends coupable,
Mais un meurtre cruel, tu le fuiras toujours ! 2013


Regrets
Que sont-ils devenus, vers quel néant partis,
Tous ceux que j’ai aimés depuis ma tendre enfance ?
Quel gouffre obscur et noir les a tous engloutis
Pour faner en mon cœur les fleurs de l’espérance ?
Il n’est plus de moments où quittant mon esprit
Ils me laissent rêver m’amuser et puis rire
Car tout cela me semble un plaisir interdit
La joie de les revoir, celle de leur écrire,
Revenir en arrière et demander pardon
Pour un geste agacé, signe de l’impatience
Maintenant désormais, je ressens l’abandon,
Et le vide infini où me plonge l’absence !
Mes parents, mes amis, les reverrai-je un jour
Suivis des chiens joyeux qui ont comblé ma vie ?
Ils m’apportaient toujours protection et amour ;
Je suis seule aujourd‘hui, perdant goût et envie,
J’approche de la fin mais je n’ai pas l’espoir
D’un avenir divin où tout serait merveille,
Mon esprit cartésien n’espère aucun revoir
Même si dans mon cœur leur souvenir me veille.
Ils hantent mon esprit plus qu’il y a vingt ans,
Je pense à eux souvent, en vérité sans cesse,
Ils sont à mes côtés et si loin cependant
Que je reste baignée d’une infinie tristesse ! 2013

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Tu esquives souvent la douceur des caresses
Pour t’éloigner, secret, fier et indépendant,
La liberté pour toi est pleine de promesses,
Et tu oublies celui qui t’espère et t’attend !
Pourquoi refuses-tu ta présence et ton charme,
Ta souplesse féline, ton ronron apaisant ?
Il faudrait bien pourtant que tu rendes les armes
Et deviennes enfin un être bienfaisant ! 2013
Chat inconnu
Joli Chat décevant, solitaire et perfide
Pourquoi n’aimes-tu pas la main qui te nourrit ?
Trouves-tu aux repas un goût plus insipide
Que celui de la chair d’une maigre souris ?
Tu n’aimes que la nuit qu’éclairent les étoiles,
Tu rôdes espérant attraper le lézard,
Le papillon léger, ailes comme des voiles,
Attentif à ces proies que t’offre le hasard !
Chat céleste et cruel, tout le jour tu sommeilles,
Etalé mollement sous les lauriers en fleurs,
Indifférent et seul, délaissant la corbeille
Installée près de nous en vue de ton bonheur ;

Ma tendre couturière
Ma chère grand-maman, lorsque j’avais quinze ans,
Confectionnait pour moi vêtements et corsages ;
Cela n’engendrait pas que moments apaisants,
Les tissus quelquefois s’envolaient avec rage !
J’étais très exigeante et elle s’énervait !
Il jaillissait aussi maintes fois des fous rires :
Le jour du boléro qu’elle envoya valser !
Je le trouvais trop court, trop long, tout à redire !
La radio par hasard parodia la chanson
Boléro : petit veston trop court, les paroles !
La joie, l’amusement calmèrent les tensions
La couture reprit dans une ambiance drôle !
Tant d’habits ravissants qui firent mon succès !
Robes longues aux pieds, robes courtes fleuries
Souples et si jolies, virevoltant l’été
Étrennées dans les bals et dans les sauteries.
Ma tenue de mariée naquit de son travail


Comment les oublier, ces époques géniales
Où elle peaufinait ses œuvres en détail
Et ajustait si bien des formes idéales !
Je n’ai plus retrouvé de charme si parfait
Aux toilettes variées achetées en boutique
Elles laissent toujours mon cœur insatisfait !
Avec elle mourut son talent magnifique.
Je la garde en mon âme, j’aime son souvenir,
Je ne l’appelais pas grand-maman ni grand-mère,
Mais d’un mot familier semblant nous convenir,
C’était tout simplement le doux nom de « mémère ». 2013
Bonne lecture et à bientôt.