
Martine Desgrippes Devaux

Printemps des poètes thème national : le courage
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Le valeureux soldat, pour son engagement,
Obtiendra des honneurs car il risque sa vie.
Le sportif victorieux grâce à l’entraînement.
Sera ovationné par la foule ravie.
Mais l’ouvrier usé et perclus de lésions
Qui doit, jour après jour respecter la cadence,
Le malade traînant avec sa perfusion,
Comme un boulet de fer, sa peur et sa souffrance,
La veuve inconsolée qui, malgré son chagrin,
Remplit en s’activant, le vide de l’absence,
L’écolière harcelée, rêvant de jours sereins,
Tous avancent dans l’ombre et dans l’indifférence.
C’est leur ténacité qu’il faudrait saluer,
Héros du quotidien, luttant vaille que vaille,
Car leur unique gloire est de continuer.
Mais les guerriers obscurs n’ont jamais de médaille !

Poèmes du confinement

Effet secondaire
Ah ! Comme il est curieux, ce début de printemps !
Un virus malfaisant, venu tout droit d’Asie
Impose à tout le monde un long confinement.
Chacun doit supporter l’inaction non choisie.
Et le mal qui poursuit ses funestes travaux
Présente étrangement un effet secondaire :
Le goujat, désœuvré, sur les réseaux sociaux,
Affiche sans vergogne, un « courage » exemplaire.
Prudemment retranché derrière son écran,
Il agonit crûment des inconnus d’injures.
Et la grossièreté étant son carburant,
Cet inculte bafoue les lois de l’écriture.
Mais pendant ce temps-là, des héros très discrets,
Alors que le butor vomit sans fin sa haine,
Contribuent chaque jour, par des actes concrets,
Au bien-être de tous, sans ménager leur peine.
Si une panacée peut vaincre ce virus
Et nous faire oublier une saison morose,
Il faut administrer à cet olibrius
Un peu de courtoisie, mais à très forte dose.

Printemps 2020
C’était le temps de l’insouciance
Tout allait vraiment pour le mieux.
Et l’on comptait sur des vacances
Sous d’autres cieux moins capricieux.
Dans un lointain pays d’Asie
Un nouveau mal semait la peur,
Engendrant la paralysie.
Nous étions loin de ce malheur.
Puis le virus que rien ne stoppe,
Continuant sa progression,
S’attaqua soudain à l’Europe
Apportant la désolation.
On dut annuler le voyage,
Renoncer à ce beau projet,
Car le mal poursuit ses ravages
Et partout rôde le danger.
Puis on nous priva de sortie,
Nous confinant à la maison.
Notre santé est garantie
Si l’on fait preuve de raison.
Pourtant tout allait bien encore,
Ne manquant pas d’occupation,
Un autre rythme s’élabore,
Avec des rêves d’évasion.
Lorsque à une heure inhabituelle,
Une sonnerie retentit
Pour une inquiétante nouvelle,
Voilà l’espoir anéanti…

Epilogue
Quand sera-t-il rompu, ce contrat de malheur ?
Avec quel Léviathan as-tu signé ce pacte ?
Pourtant tu périras, méprisable tueur
Et nous retrouverons notre allégresse intacte.
Aujourd’hui, terrifié au fond de sa prison,
Le reclus se tapit et se recroqueville.
Son âme qui languit frôle la déraison,
Espérant le moment de briser sa coquille.
Toi, qui tues sans pitié, ton heure un jour viendra.
L’enfer sera très loin et la peur abolie.
Nous aurons un futur qui nous appartiendra,
Et nous apprécierons cette douce embellie.
Car la science, bientôt, aura raison de toi
Et grâce à elle, enfin, cessera l’hécatombe.
Nous pourrons oublier les jours de désarroi
Et goûter le bonheur de danser sur ta tombe.