
La mer

Quelques citations

Vous ne pourrez jamais traverser l'océan si vous n'avez pas le courage de perdre de vue le rivage. Christophe Colomb
La vie, c'est comme la mer, elle ne porte que ceux qui remuent.
Hervé Bazin
La mer comme la peinture est une société secrète qui n'annonce jamais ses couleurs. Jacques Prévert
La mer, c'est le cœur du monde. Vouloir visiter les océans, c'est aller se frotter aux couleurs de l'absolu. Olivier de Kersauson
Pourquoi le spectacle de la mer est-il infiniment et si éternellement agréable ? Parce que la mer offre à la fois l'idée de l'immensité et du mouvement.
Charles Baudelaire
Homme libre, toujours tu chériras la mer ! Charles Baudelaire
La mer enseigne aux marins des rêves que les ports assassinent. Bernard Giraudeau
Si vous voulez aller sur la mer sans risque de chavirer, alors n'achetez pas un bateau : achetez une île ! Marcel Pagnol
On ne s'impose pas sur la mer, on passe simplement sur la pointe des pieds, un peu comme dans la vie. Olivier de Kersauson
La mer est un espace de rigueur et de liberté. Victor Hugo
Nos poèmes
DIEPPE
Il y a de grandes marées basses
Un sable froid mouillé comme un miroir
Il y a des rochers noirs
Des pêches à pied
Et des enfances lasses
Il y a beaucoup de vagues
Beaucoup de vent
La chair de poule sous la serviette
Deux boules de glace
Une viennoiserie
Le marchand passe
J’entends son cri
Il y a l’odeur de l’eau
Inimitable
Les filles et les garçons
Peau qu’on effleure sur le sable
Il y a un père adolescent
Qui plonge et ne sait pas nager
Une mère au foyer
Qui ne se baigne jamais
Il y a des galets gris
Qui font si mal aux pieds
Des soldats morts il y a longtemps
Y sont restés couchés
Il y a les prochaines baignades
Jamais achevées
Nulle part ailleurs
Toujours trop froides
Ici toujours meilleures
Et ce besoin de mer
Et ce manque de mer
Tapis, grondant au fond de mon ventre.

La mer
pour nous source vitale immémoriale
monde-tombeau aussi
aux profondeurs hypnotiques si malaisées à fréquenter
tantôt clapot enjôleur caresse sur la peau
tantôt « vague scélérate » avide des plus gros navires
la mer
horizons tentateurs voyages et légendes
histoires universelles de combats singuliers
pertes sans appel
ou retours fabuleux ouvrant à d'autres mondes
la mer
parfois oui parfois non
à la fois ici et au-delà
certains jours grise comme la colère et l'ennui
d'autres jours bleus comme le ciel et les mensonges
la mer
un cœur qui bat
aux cris monstrueux des tempêtes
ou qui scintille aux jeux brodés de la lumière
la mer
respiration de la vie
Daniel-Claude Collin / février / 2025



IL PLEUT SUR OUISTREHAM
Il pleut sur Ouistreham
les yeux brouillés de larmes
par une vie qui désarme
me donnant le vague à l’âme
il pleut sur Ouistreham
période sombre que mon cœur entame
étant tombée sous le charme
puis écartée sans faire de drame
sur Ouistreham, il pleut
l'océan montre une tache blanche
un Paquebot vogue silencieux
chargé d'occupants aux rêves pieux
Déjà je suis montée à bord
embarquée sans le moindre remord
ainsi ma peine s'endort
bercée, tribord, bâbord
corps perdu dans la grise brume
mes idées sortent de ma plume
cherchant un sens à mes maux
et le besoin d'écrire ces mots
Il pleut sur Ouistreham
tiens, le vent a emporté la pluie !
Pour une instante spectatrice je suis.
salutaire réflexe quand la vie m'ennuie.
Danydeb 12 juin 2O16



Dernier rivage
Lorsqu’apparaît le jour, on se lève ébahi
Et le cœur plein d’ardeur, on traverse le seuil
Comme un homme étourdi par d’obscures envies,
Souhaitant de la mort faire le dernier deuil.
On marche sans regret observant le rivage
Et le soleil naissant dans le doux paysage
Égaie le bon esprit prêt au vagabondage
Quand le matin charmant dissuade d’être sage.
On ignore son âge encor peu avancé
Et on songe à l’amie autrefois entrevue
Dans une rue obscure où perce la Beauté
Comme un rayon subtil réveillant l’inconnu.
Ô sourire aperçu le long de l’âpre grève !
Je te dois un éclair attendrissant mon âme !
Serait-ce le début d’un indicible rêve
Où ondule à l’envi le corps d’une autre femme ?
Soir d’été à Cabourg
En plein cœur de l’été, la vie ralentissait,
Écrasée de chaleur, la journée finissait.
Nous avions achevé nos tâches quotidiennes,
Abrités du soleil par l’ombre des persiennes.
L’envie nous prit alors de fuir cette torpeur
Et d’aller vers la mer rechercher la fraîcheur.
Notre choix se porta sur la Côte Fleurie,
Son rivage riant propre à la flânerie.
Autour du Grand Hôtel au charme prestigieux,
L’âme de Marcel Proust subsistait en ces lieux.
L’espace d’un instant, je devins Albertine,
Protégeant mon teint clair sous une capeline.
Le long de la jetée se croisaient des passants
Qui offraient leur visage au vent rafraîchissant.
Un tout petit garçon galopait sur la digue
Et riait aux éclats, ignorant la fatigue.
Les vagues apaisées refluaient doucement,
Oubliant sur le sable, en fugace ornement,
Pour un très court instant leur dentelle d’écume.
De grands bateaux, au loin, se fondaient dans la brume.
Dans la mer en fusion, le disque flamboyant,
En une symphonie de rouge chatoyant,
S’immergeait lentement, et chacun, en silence,
Contemplait, fasciné, cette magnificence.
Puis il fallut laisser la plage aux crustacés,
Repartir un peu las, tendrement enlacés,
Savourant de l’air frais la subtile caresse
Et de ce soir d’été, l’ambiance enchanteresse.


Effet mer
(slam)
La mer s’en va, la mer s’en vient
C’est aujourd’hui que je reviens.
La mer s’en vient, la mer s’en va
Et toi, pourtant, tu n’es pas là.
Je cherche en vain sur cette plage
Le doux reflet de ton visage.
L’écume amère des longues lames
Ne peut m’offrir que vague à l’âme.
Voilà le temps qui se détraque
Sur le rocher, la vague claque
Et sous le ciel qui s’assombrit
C’est mon humeur qui vire au gris.
Malencontreux malentendu
Amour perdu, cœur éperdu.
Dans l’océan, larmes salées
Mon bel amour s’en est allé.
Plage esseulée, morte-saison
Ton souvenir est un poison
Et dans le vent qui le malmène
Un goéland hurle sa haine
Comme un bateau qui vogue et tangue
Chavire hagard mon cœur exsangue.
La mer glacée roule ses vagues
Et ma raison vague et divague.
L’orage gronde ivre de rage
L’éclair soudain fend les nuages.
Face à la mer qui se déchaîne
Je reste seule avec ma peine.
La mer s’en va, la mer s’en vient
C’est aujourd’hui que je reviens.
La mer s’en vient, la mer s’en va
Et toi, pourtant, tu n’es pas là.

Le rêve d’un skieur
La montagne et la mer me charment incessamment…
Quand le soleil se lève, ou bien lorsqu’il s’endort,
Il embrasse la neige ou l’eau, tel un amant,
Et le cycle du temps nous offre ses trésors.
Par les monts et merveilles, lorsque le skieur s’élève,
Passionné, enthousiaste, il s’élance dans l’air.
Mais en son âme enjouée, se profilent des rêves :
Il apprendra, bientôt, à plonger dans la mer.
Il songe à visiter les mystères d’océans,
A éblouir ses yeux de multiples couleurs.
Une flore insolite, digne émerveillement,
Et des poissons étranges enchanteront son cœur.
Le corps a ses raisons ; il a soif d’aventures,
Quand la curiosité est source de bonheur.
Pour percer les mystères d’une digne nature,
Le sportif, chaque jour, cultive son ardeur.
En haut ou bien en bas, la joie règne partout,
Et les sensations fortes génèrent le plaisir.
La passion de l’exploit est un sublime atout
Qui flirte avec l’envie, toujours, de découvrir.
Digne Pêcheur d’Islande, Le chant de l’équipage :
Pour m’enchanter encore, voici la mer en livres…
Célèbre Moby Dick, défilent les images,
Patrimoine marin où mon esprit s’enivre…
Pêcheur d’Islande : Pierre Loti
Le chant de l’équipage : Pierre Mac Orlan
Moby Dick : Herman Melville

Peinture : Monique Renault


MA NUIT EN MER
Quand scintille la lune et que le jour s’enfuit,
Le sommeil, doucement, joue avec mon esprit.
Point de sombre mirage, mais un précieux Eden,
Où la Muse des rêves, en sa robe irisée,
Merveilleuse Morphée*, de sa voix souveraine,
Déclame lentement un poème enchanté.
La voici qui me parle avec délicatesse :
« La musique, souvent, me prend comme une mer.»
Ultime apothéose et mon cœur est en liesse,
Lorsque j’entends, soudain, l’œuvre de Baudelaire !
Bel océan de mots joyeux et délectables !
Eau ! Vagues ! Eau ! Des Espoirs ! Je me ferai poète,
Savourant l’aventure, heureuse et mémorable,
D’un moment délicieux et d’une noble fête !
Euterpe* me séduit de sa flûte magique…
Divines Néréides* et vous Poséidon*,
Voici que vous m’offrez la vie de l’Atlantique !
M’accompagnerez-vous le temps d’une chanson ?
Le flux et le reflux jouent avec les falaises.
Sur un bateau à voile, j’embarque et je voyage…
Eole* se déchaîne et bientôt, il s’apaise.
Je savoure ces instants qu’avec vous je partage !
La mer émoi s’attarde en extase sublime.
Arpèges et pensées flamboient comme un soleil.
Me promenant gaiement sur le flot de mes rimes,
Je vogue vers une île au Pays des Merveilles.
Les nuages s’amusent et se mirent dans l’onde ;
De ses couleurs, le peintre illumine une toile.
Apollon et les Muses, ensemble font la ronde…
Je m’élance, aérienne, et touche les étoiles !
Mythologie- Muses :
* Néréides : Nymphes marines- *Poséidon : Dieu de la mer
* Morphée : Divinité des rêves
* Eole : le vent
* Euterpe (Musique) Terpsichore: (Danse)Apollon : Dieu des Arts
Ouistreham- Riva - Bella … La mémoire du temps
Pour vous, j’évoquerai, sur la côte de Nacre,
La mer et le rivage où je me ferai guide…
Relevée des combats et terribles massacres,
Riva-Bella sourit, sans l’ombre d’une ride.
Ornant le sable fin, sommeillent les cabines,
Et ma mémoire se plaît à remonter le temps,
Quand la danse des vagues, aux reflets d’opaline,
Caresse ma jeunesse emportée par le vent…
Les rires des amis, la plage de velours,
Embellissaient, alors, une vie d’étudiante.
J’honore le passé lorsqu’il me fait la cour.
J’aime accueillir gaiement cette fête galante !
Et lorsque près du port, je contemple la rade.
Sereinement, je vois accoster le Ferry.
Vers la Grande-Bretagne, un instant je m’évade,
De multiples images dansent dans mon esprit.
Le phare, digne gardien, depuis plus de cent ans,
Veille sur les bateaux, sans jamais défaillir.
Je contemple, en rêvant, ce fanal rouge et blanc.
Sous son œil attentif, j’aimerais bien partir...
Ce nom « Riva-Bella », au parfum d’Italie,
Répond à Ouistreham : un noble écho du Nord.
Quelle que soit l’origine ou l’étymologie,
J’aime ces lieux charmants où mon esprit s’endort !


Peintures : Monique Renault


Slam à la mer.
La mère Marine est une star.
Mytho, mêlée de mystères où elle s’égare
En Poséidon aux pouvoirs puissants,
Raz-de-marée déferlant, inondé de sang.
Elle puise son mythe et postillonne
Danse, aboie des ordres qui claironnent
Près des golfes pas très clairs
Le cœur abasourdi, les pensées de travers
À regarder la mer,
Qui ne comprend plus rien à ce triste univers.
Tout est couleur de pluie. Tout est couleur d'hiver.
Une masse mouillée d’huile que la terre
Déverse dans ses entrailles
Où chalutier rouillé chahute sous la mitraille
De mille marées de monstrueux magma
Qui claquent et s’entrechoquent
Cognent, contractent et cassent le mât.
La mère Marine au matin, murmure le chant de la mer
Au soleil levant, entre ciel et terre
Il était un petit navire qui n’a qu’une fois navigué.
Au milieu des néréides, le matelot vivait.
En arrimage
Le vieux était assis,
Main sur la canne, en sursis,
Adossé au temps,
Assis sur l’instant.
Main sur la canne et prêt à repartir
Vers l’avenir.
Les yeux comme les hublots
Du paquebot du temps,
La peau ridée de l’océan des ans,
Trois cheveux sur la plage du crâne,
Trois algues diaphanes,
Des gestes lents comme les marées,
Des souvenirs en à-peu-près,
Le cœur, comme le soleil rouge du couchant,
Le vieux était assis, touchant.
Le vieux marin de Courseulles,
Si seul,
Main sur la canne, en arrimage,
Voyage.



Senteurs granvillaises
Vieilles maisons de la cité
A l’abri de remparts schisteux,
Baies ouvertes sur l’été
Et au vent capiteux.
Puis le sentier du littoral
Surplombant les ports et la ville,
En liberté carcérale,
Aux odeurs chlorophylle.
Fouettés sur les murailles,
De vents d’iode et d’infini,
Les narines en bataille
Nous avons rajeuni.
La plage fourmille à nos pieds,
Les cabines blanches s’alignent,
Les jardins Dior sont tout près,
De vieilles roses clignent
De leurs senteurs sucrées et dignes.
Le port de la Paix
Et si la Paix
Était le port à regagner ?
Si tous les bateaux du monde
Sillonnaient les océans
Tous enfin Pacifiques ?
Si cette idée n’était pas utopique ?
Si tous les bateaux du monde
Faisaient escale à la Raison
Puis s’ancraient pour longtemps
Au port de la Conciliation ?
Imaginez
Cette victorieuse Armada de la Paix.


Je vais à la mer
Je vais à la mère, je vais à Réville
Pour mieux contempler mon nombril.
Je vais à la mer, tout près d’Arromanches,
Là où se raconte la Manche.
Pour l’élégance, je vais à la mer ;
Je vais à Cabourg, je vais à Deauville,
Elle se pavane en stars éphémères,
En gloires fragiles.
Je vais à la mer, je vais à Courseulles,
Devant les voiliers mon âme est bien seule,
Alors je repars vers un coin tranquille
Nicher au creux des dunes de Biville.
Près d’Etretat, je laisse mon imaginaire
Se frayer un chemin aux portes de la mer,
Portes de craie et du pays de Caux,
Sur les falaises, écoute son écho.
Je vais à la mer. Je vais à Houlgate,
Jusqu’à ce que la houle me gâte
Mon plaisir. Alors, me dit-il,
Tu viens à Granville ou à Barneville ?
Je vais à la mer, je vais à la mère
Y chercher des liens, des filets mammaires.
Mes chemins de poésie 2004
Ouest-terne
Il a toujours rêvé d’être marin.
Aujourd’hui, c’est la tempête de chagrin.
Devant sa boîte de sardines,
Des vagues de regrets larmoient.
Il fixe comme un phare sa chopine,
La boit comme on se noie.
Il a toujours rêvé d’être marin.
Mais il a peur de l’eau. C’est malin.
Devant le ciel gris, si terne,
Des vagues de chagrin le cernent.
Il fixe très loin l’horizon,
Là où le ciel frôle la mer à l’unisson.
Mes chemins de poésie 2004


La sirène du Titanic
La sirène a jailli du paquebot mythique.
Le monstre ce jour-là fit escale à Cherbourg.
C’est à coups de sirène qu’il leur disait « bonjour !
C’est moi le plus puissant, le plus beau Titanic ! »
Et deux heures plus tard, il leur clamait adieu.
Il pensait « Au revoir, après notre croisière »…
Le plus grand constructeur se prenait pour un dieu,
Mais il les emportait sur la mer cimetière.
La sirène a gémi du plus beau Titanic,
Disant adieu au port, disant adieu Cherbourg…
Et quatre jours plus tard : iceberg et panique,
Sirène de détresse, station radio secours…
Préparez les gilets, canots de sauvetage…
Il restait peu de temps, ce serait le naufrage.
Titanic a sombré, la mer a englouti,
Les hommes les plus riches et les plus beaux partis.
Extrait de la revue « Mélusine » N° 145

Le sable
Blanc sous l’astre brillant
Argenté sous le globe blafard
Joue avec le vent.
Les dunes
Maitresses du temps
Piquetées d’herbes hautes
Verdissent et blondissent.
La mer
Faiseuse de nuages
Obscurateurs du soleil
Rabote la falaise.
Les vagues
De leur mouvement lent et rapide
En sourdine
Murmurent de plaisir.
© Krystin Vesterälen – 16 août 2017


Le marais en brume
Le vent perlé de brume
Enveloppe le bocage,
Qui, du vert mature
Au vert éclatant,
Inonde de sa fraicheur.
Le paysage repu de ses dons
Se repose avant d’éclore.
Ainsi du printemps en automne
Surgissent le travail et le repos.
© Krystin Vesterälen– 6 octobre 2017
Le port
Les voiles blanches
Posées sur la mer diaphane
Epinglées sur la toile
Eclairent les coques.
Le soleil joue de ses rayons
Où le creux de la vague
Entré en lui-même
Devient ombre.
L’aquilon gonfle les voilures
Les mats se dressent
Fiers de leur résistance
S’épanche le zéphyr.
En traits noirs
Volent en V les oiseaux
Compagnons de voyage
Chante le vent.
© Krystin Vesterälen – 05 août 2017


La baleine échouée
Toi qui t’échoues sur nos plages
Ton ventre blanc exposé au soleil
Couchée sans vie sur le dos.
Ton absence nous fera beaucoup de peine
Ton chant harmonieux nous manquera
Ton ballet élégant dans les eaux
Troublées par les rayons de lune
N’enchantera plus la magie de l’instant.
Finis nos yeux émerveillés.
Ta peau si délicate
Ton regard maternel
Ta force tranquille
N’apaisera plus la main du plongeur.
© Krystin Vesterälen – 20 septembre 2017
La brise marine
La brise marine
Caresse ton corps
Qui telle une ballerine
Pointe dans le décor
Ecartant les courtines
Chuchotant des encore
Soulève ta pèlerine
Imitant une pécore
Qui à la fenêtre tambourine
Tous les points du score.
© Krystin Vesterälen – 10 juillet 2017


La ligne d’horizon
Ephémère trait,
Longueur étirée,
Séparation des éléments.
Dans le nocturne
Tu te fais invisible.
Dans la lumière
Tu te fais indivisible.
Dans la brume
Tu te fais paisible.
Dans l’orage
Tu te fais irascible.
© Krystin Vesterälen – 10 décembre 2017
Nuit d’orage
Ce soir où le ciel argenté
annonce une nuit sans étoiles,
le vent charmant se place
dans les trouées d’or
où s’engouffrent les zébrures,
coups de tonnerre.
Le ciel laisse tomber ses pleurs.
Et le matin tel un rêve,
s’épanouit dans le soleil.



Armor
Au jeu de l’amour et de la mer
ton éclat éblouissant
sculpte sur mon front
de petites rides en forme d’étoiles
où je retrouve mon sang
La femme et la mer
Triste les yeux à demi ouverts
tu regardes la mer et ses eaux turbulentes
Ton corps replié en forme de fœtus
se confond avec les dunes du sable
tu sembles vouloir te cacher du monde
Il y a la mer avec son ciel
immense drap bleu déployé à l’infini
et ce soleil qui blesse l’horizon
Presque endormie tu écoutes
le bruit du ressac le flux et le reflux
des vagues sur les rochers
La mer à tes narines apporte
l’odeur de l’amour avec la chaleur
les cris des mouettes le vent
Tu rêves de prairies de collines
et d’envol tel un oiseau
Tu vogues hors du temps
comme lorsque tu errais dans le ventre
de maman protégée jusqu’à l’explosion finale
Et tu t’en vas amarrée à tes souvenirs de petite fille vers ce temps d’avant
où tout était possible


La maison du pêcheur
Sous le masque invisible de la nuit
l’ombre bleue se déchire
Un témoin prétend avoir vu le soleil
mourir dans la mer à dix-huit heures
mais je ne le crois pas
Des bribes de jour sont restées
accrochées entre les interstices des murs
tandis que la pluie obsédante martèle
avec un son de tambour
les toits de tôle ondulée
vagues pétrifiées
Englouti au fond de l’abysse des draps blancs j’écoute la maison silencieuse
gros navire ventru
qui se traîne sur son flanc droit
volets fermés bois de marine
qui claquent dans le vent chaud
Et loin très loin
le bruit incessant du ressac
le phare rouge qui plonge son œil incandescent
et la voix du vieux pêcheur qui murmure doucement il n’y a plus de poisson
il n’y a plus de poisson
Ses yeux malicieux brillent
dans le noir de son visage
La mer l’hiver
Toujours en mouvement la mer
sang de la terre ne peut s’arrêter
la terre n’y survivrait pas
Quand la mer perd ses couleurs l’hiver
elle se contente de son gris ardoise
qui brille sous le pâle soleil
La grève est nue abandonnée aux oiseaux
Sur le sable agité par le vent on aperçoit
les circonvolutions de l’eau qui se tortillent
en vain semblables à des serpents voulant rejoindre le large
On entend le rire moqueur des mouettes
au-dessus du ressassement des vagues qui ne cesse jamais
Sur la jetée de rares passants aux cols remontés jettent parfois sur la mer
un bref regard comme si c’était une frontière
Et lorsque l’eau monte le ressac alors fouette furieusement les brise-lames édifiés
pour contenir les flots
C’est ça la mer l’hiver


La mer ou l’espérance
La mer une obsession je ne saurais dire pourquoi
Peut-être parce que chaque vague en soi
est unique
On ne sait jamais d’où elle arrive la vague
où elle va se poser c’est l’irruption
de l’inattendu
Elle semble aller et venir au rythme même
de l’amour
La mer joue aussi avec les couleurs gris bleu vert émeraude elle surprend elle caresse
Inconstante elle se montre sombre violente parfois confondue avec le ciel ne fait-elle pas peur alors
Puis elle se calme elle chatoie au soleil
elle est douce elle ressemble à un chat se roulant dans le sable
A nouveau elle gronde on entend le ressac se fracasser sur les rochers on pense
aux marins disparus en mer
A d’autres moments elle murmure à l’oreille
une promesse de vie toujours renouvelée
La mer ce serait donc le mouvement l’ombre la lumière la vie tout simplement
Quand je ne la vois plus je l’attends encore comme l’espérance la source de l’éternité
La mer
Ciel lumineux ciel clair
nuages gris
chevauchant d’autres nuages gris
séparés par de petites bandes bleues
comme un drapeau déchiré
soleil ô soleil
surgi on aurait dit de nulle part
je me souviens de la mer
ce jour de printemps
nous marchions le long des falaises
aux chevelures blanches
un jour sans vent
nous écoutions le bruit murmurant
des vagues apaisantes
nous ne faisions qu’un en ce temps
mais des pensées plus sombres
me viennent aujourd’hui
elle recule maintenant la terre
sous les coups de boutoir de la mer
dans un mouvement incessant de flux
et de reflux
les falaises sont toujours debout
mais frontière bien fragile
déjà au premier plan des maisons abandonnées
comme de vieux bateaux échoués
des maisons menacées
au loin dominant la mer ce n’est pas un phare mais une petite église avec ses vitraux de lumière son cimetière marin la tombe de Braque
elle semble surveiller la montée
l’avancée des eaux
peut-on imaginer la terre
entièrement recouverte par la mer
devenue orange bleue pour l’éternité


Une invitation au bain
Il faut imaginer Sua sous le chaud soleil d’Equateur
Un village minuscule de carte postale perdu à l’écart du monde
Quelques maisons de pêcheurs de couleur toutes en bois face au Pacifique immense infini
Des fleurs monstrueuses en guise de jardins
A cet endroit sous le chaud soleil la mer brille comme un toit d’ardoises
Il n’y a personne sur la plage hormis
un couple homme et femme allongés
Ils contemplent la mer immobile
Pas un souffle de vent sous ce soleil brutal
Soudain une femme venue de nulle part
aux cheveux noirs en robe colorée jusqu’aux pieds s’avance résolue un chaudron
à la main
D’un geste gracieux elle balance
son chaudron vers la mer
L’eau prend alors une couleur jaune visqueuse qui s’étale peu à peu au milieu
des méduses
Effarés les deux amants sans se regarder
repoussent leur bain au lendemain
Muisne Equateur
A Muisne on entend les cris des marchandes noires descendantes d’esclaves sur
le marché tropical
L’une d’elles m’interpelle familièrement
en français
Sur les étals les fruits explosent de couleurs
Nous avançons la plage apparaît soudain immense et solitaire
Le Pacifique lèche doucement le sable blanc
Tout au fond près des palmiers on aperçoit des cabanes vertes bleues ou rouges montées sur pilotis
Nous ne tarderons pas à deviner pourquoi
Brusquement la plage se couvre de petits crabes rouges comme si elle se mettait en mouvement
Ces crabes sont des milliers ils grouillent de partout
Nous passons la nuit dans les cabanes
Le matin nous retrouvons le sable blanc


La mer la nuit
La mer la nuit
c’est d’abord un bruit
mais pas n’importe quel bruit
Un bruissement régulier
en l’absence de vent
Un ressassement continu
Le flux et le reflux au rythme des vagues
La lune est son amie
sans elle la mer serait immobile
On ne la voit pas
au milieu des ombres
Pourtant elle est là
on sent sa présence
Proche ou lointaine
immense et infinie
Hommes à la mer
Les vagues dans leur mouvement incessant
ont fracassé leurs corps. La lutte est inégale
et les flots rugissants
de la mer déchaînée les broient et les avalent.
Dans le bruit puissant du ressac
c'est leur souffle que l'on entend
Ce ne sont pas des voiles qui claquent
Mais leurs voix portées par le vent
Ils n'ont pour toute sépulture
que l'abysse insondable qui les a engloutis
Leurs tombeaux n'ont aucune gravure
Qui sait d'où ils venaient et ce qu'ils avaient fui
Ils ne sont pas les seuls au fond de l'océan
D'autres tombés comme eux d'un précaire radeau
Imaginaient leur vie sur ce vieux continent
où les hommes semblent heureux dans cet Eldorado
Ils n'atteindront jamais l'île de Lampedusa,
Leur âme peut-être s'échouera sur la grève,
Mais qui cela dérange un migrant qui se noie
Dont on ignorait tout, même le plus fou des rêves



Les cendres de mon père
Je me souviens, c'était il y a vingt ans,
Je déposais tes cendres dans les vagues agitées
de l'anse des Chevrets
C'était le plein été.
Le sable était chaud, le soleil brillait
Et la plage bruissait des rires des enfants.
D'une petite voix éteinte
Tu m'avais dit ces derniers mots
« Saint Malo »,
Au revoir, adieu, kenavo
toi le marin, le matelot,
à la mer tu confiais ta belle âme défunte.
Où es-tu désormais ?
Vogues-tu au large de ces contrées lointaines
bercé par les voix suaves d'envoûtantes sirènes
porté par les vents houleux ou la brise sereine
vers ces îles aux doux noms qu'on égrène
ceux de femmes lascives qu'on ne peut oublier.
La mer fut ton berceau.
Enfant depuis la grève, tu rêvais de voyages
d'aventures corsaires, d'inconnus paysages.
Lorsque mes pas me ramènent vers ce secret rivage
je t'offre quelques fleurs en un vibrant hommage
Comme on honore les corps cachés dans des tombeaux.
La plage de Saint-Coulomb
Je nage parmi les algues.
Les vagues claquent. Je les regarde mourir sur le sable.
Je vois les gens qui prudemment rentrent dans l'eau. Ceux qui hésitent devant la fraîcheur de cette eau, qui se hissent sur leurs pieds pour retarder l'immersion totale. Ceux qui tiennent leurs bambins par la main et sautent en criant dans l'écume brassée. D'autres sont comme plantés, debout, bras croisés regardant l'horizon.
D'autres encore main en visière sur les yeux comme s'ils cherchaient à comprendre le va-et-vient incessant de toute cette étendue mouvante.
Le vent secoue les parasols multicolores. Le drapeau s'affole en haut du mât. Il est vert, signe que le risque est mesuré. Les maîtres-nageurs scrutent d'éventuels nageurs imprudents.
On dénombre des méduses violettes en plus des blanches bien plus habituelles. Il y a quelques années de cela, il n'y en avait pas tant. Signe du réchauffement climatique certainement. Elles suivent les courants chauds.
L'eau est à 20°. En Bretagne. Un bouillon. Une étuve.
Je fais des allers et retours en m'assurant toujours d'avoir pied. Toujours cette peur même en nageant assez correctement.
Le vent forcit. Les vagues me frappent et me déséquilibrent. Je continue.
Les cris autour se font plus aigus.
Je te cherche. Encore et toujours. En vain bien sûr.
Toi tu ne marches plus au bord de l'eau. Tu n'accompagnes plus mes brasses maladroites.
C'était avant. Le dernier été. Je te cherchais du regard. Le tien se posait sur moi. Tu souriais un peu. Je te sentais lointain. Mais tu étais là et j'allais heureuse de te savoir malgré tout si près de moi.
Tu n'avais pas voulu te baigner cette année-là. Les années précédentes nous rentrions dans l'eau avec cette hésitation jubilatoire et nous avancions collés l'un à l'autre. Tu t'éloignais un peu et tu me criais « viens, tu as pied ». Confiante, je nageais jusqu'à toi et enroulais mes bras autour de ton cou. Je mettais mes pieds sur les tiens et nous nous embrassions.
J'embrassais tes lèvres, tes épaules et je buvais les gouttelettes au goût de sel sur ta peau. Revenus sur nos serviettes de bain, je m'allongeais auprès de toi. Toi, tu te tenais assis, bras autour des genoux. Ma tête se posait sur ton torse et il me semblait que rien ne pouvait être plus parfait que ces minutes-là. Le temps n'existait plus. Tout était figé. Nous et le bonheur avec. Puis le cri d'une mouette me rappelait au présent. L'heure était venue de repartir, de rouler les nattes, de reprendre le petit chemin qui nous mènerait jusqu'au camping. Les grenouilles, si nous étions chanceux, chanteraient pour nous.
Aujourd'hui, même les grenouilles se taisent. Elles ont compris que tu n'étais plus là pour les entendre.
Alors je remonte seule, mais si emplie de toi que je pourrais presque sentir ta main prendre la mienne.


L’île de Sein
Corne de brume et ciel éteint,
Cotonneuse dans le lointain,
Oppressée de petit matin,
Elle émerge l’île de Sein.
Agenouillée dans son destin
Autour du phare ange gardien,
Nimbée d’iode pour parfum,
Elle rampe l’île de Sein.
Et puis…Soleil timide enfin,
Transparence d’un pignon peint,
Bleu délavé, jaune incertain,
Elle s’offre l’île de Sein
Omaha Beach
Oui c’était eux, ils arrivaient !
Marée déferlant d’outre-monde
Aube de gloire et hécatombe
Héros des Saintes Libertés
Affrétés de notre espérance
Bravant la mort et la souffrance
En s’engageant jusqu’à merci
A l’assaut sanglant des falaises
Combattants de vase et de glaise
Hurrah pour la Paix et Merci !
Extrait du recueil « Florilèges » (1989)


Sortilèges
La mer criait au bord des marées prises au piège,
En rabattant le vent,
Et j'écoutais claquer la voix des sortilèges
Au col des goélands.
Les galets s’écrasaient dans des sillons étranges,
Lignes de quelle main ?
Brouillant des ombres d’âmes… et des lumières d’anges…
Déval ou bien destin ?
Les vagues amplifiaient des harangues sauvages,
Accusant cette nuit,
Qui prêtait quelquefois certains corps ou visages
A ces plaintes ou ces cris.
Le corps me frissonnait d'ondes et de maléfices
Venus du fond des temps
Et je ne faisais rien pour m'écarter des lices
Où ferraient les tourments.
L'horizon s'éclatait sous la poussée des phares
Hachant grève ou bateaux,
Enfonçant une voile ou brisant des amarres
Au seul tranchant de l'eau.
Quand donc s’immergerait l’éclair, sur cette écume,
Qui me nouait la voix ?
Quand reviendrait le jour apaiser cette dune,
Vertigineux cobra ?
… Pourtant, enfin, le vent, épuisant sa colère
En calmant ses éclats,
S’émoussa lentement pour ramener de terre
Des silences béats.
Et le flux pardonna à la nuit, ses longs voiles
Aux inquiétants profils,
Car il allait enfin porter… jusqu’aux étoiles,
Les marées en exil.
Extrait de la revue « Mélusine » N° 197 (novembre 2017) :


Embrun
L’embrun, sur la lèvre et la main,
C’était ma rosée du marin
Quand je foulais à Saint-Aubin
Le sable vierge du matin.
J’aimais aller, corps et visage
Ouverts à l’iode et au varech,
A l’énergie qui vient avec
L’aube levée sur le rivage.
Tout l’horizon signe le vent :
La voile au loin qui se déplisse,
Le rêve somptueux qui lisse
La carène du goéland.
Saveur d’âpreté reconnue,
Aujourd’hui encore il se peut
Qu’en me forçant tout juste un peu
J’en ai la lèvre encore embue.